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Billet de blog 8 août 2008

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Neutralité bienveillante

Lettre ouverte à Edwy Plenel publiée à la suite des "Commentaires" de l'article : "Charlie Hebdo" et Siné : l'exacte vérité sur le précédent de 1982Cher Edwy Plenel, vous vous voulez neutre et descriptif : des faits, rien que des faits, comme le stipule l'envoi de votre premier article sur « l'affaire » : « D'abord les faits dans leur simplicité ». Très bien. Mais après « la vérité des faits », votre deuxième opus sur l'affaire Siné, votre troisième trouve maintenant le besoin d'évoquer « l'exacte vérité »... On s'inquiète déjà pour les substantifs ou adjectifs d'un éventuel quatrième volet de votre saga vérité...

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Lettre ouverte à Edwy Plenel publiée à la suite des "Commentaires" de l'article : "Charlie Hebdo" et Siné : l'exacte vérité sur le précédent de 1982

Cher Edwy Plenel, vous vous voulez neutre et descriptif : des faits, rien que des faits, comme le stipule l'envoi de votre premier article sur « l'affaire » : « D'abord les faits dans leur simplicité ». Très bien. Mais après « la vérité des faits », votre deuxième opus sur l'affaire Siné, votre troisième trouve maintenant le besoin d'évoquer « l'exacte vérité »... On s'inquiète déjà pour les substantifs ou adjectifs d'un éventuel quatrième volet de votre saga vérité...

Neutralité certes, mais vous décernez d'emblée un mauvais point aux « audaces détestables » de la radio Carbone 14. Votre équanimité se confirme néanmoins aussitôt : un bon point à Siné : il s'est excusé. La LICRA elle-même - alors encore bonne fille – n'a-t-elle pas passé l'éponge ? Mais comprenons bien : « ses excuses publiques n'effaçant évidemment pas son délit radiophonique ». Voilà donc, au-delà du simple exposé des faits, d'ailleurs bien connus et déjà exposés ailleurs, un véritable jugement, certes prudemment « nuancé » et « tolérant » comme toujours. L'argument : le pauvre ne sait pas ce qu'il dit. Dans un moment où l'on n'hésite pas à condamner - par avance - le geste d'un schizophrène des plus illuminés au chef de meurtre avec préméditation (le meurtre du petit Valentin), votre jugement a donc le mérite d'être plus engagé qu'il ne se prétend.

Siné perd la tête, soit. La folie, ça vous reprend tous les quatre matins sans prévenir, même après une condamnation : on connait ça. Peut-être tout simplement n'est-il pas « accessible à une sanction pénale » (comme le prévoit l'article 122 du Code Pénal) ? Ni même « curable » et « réadaptable » ? Ou peut-être pas à ce point là si tant est que sa première condamnation, parce qu'elle émanait d'un plaignant dont vous suggérez l'extrémisme (Maître Goldnadel : « à la droite de la droite »)), aura pu apparaître, à l'accusé, comme si illégitime, que son effet éducatif en aurait été obéré... Quoi qu'il en soit, n'était-il pas, en effet, de la responsabilité de Philippe Val de savoir qui il ne lisait pas dans le journal dont il assume, en principe, la direction ? Le pauvre paie ici le prix de n'en n'avoir rien voulu savoir et il lui incombe maintenant d'en tirer les enseignements. Siné et Val : deux malheureux.

Alors pourquoi prendre parti ? Cavana, lui, n'a pas choisi : il souffre seulement. Deux « conneries » s'égalent-elles néanmoins ? Est-ce la même chose d'écrire une connerie que de ne pas la lire lorsqu'on est responsable de sa publication ? En toute responsabilité, Val aurait pu ne pas se désolidariser de son journaliste : ne pas mobiliser ses collègues contre lui en sus des excuses que ce dernier avait consenti à publier, ne pas exiger sa démission ou alors démissionner, lui-même ? C'eût été, peut-être, d'une meilleure « trempe » encore, pour reprendre le mot d'Alexandre Adler.

Quoi qu'il en soit, l'affaire était lancée - puisque Siné attaquait Val, rappelons-le. Siné qui ne se reconnaît pas : il n'est pas ce qu'il a dit, ni ce qu'il a écrit. Pourtant il contre-attaque dans la foulée, dégainant procédure et injure. Ne doit-on pas en conclure que Siné est aussi « absent » dans ses « lettres d'excuses » que dans ses « dérapages » ?

Alors vous défendez Siné parce que, dites-vous, il traite tout le monde avec la même hargne d'allure anarchiste - tout le contraire de vous en somme... Où voyez-vous, Edwy Plenel, du « vieil anar » dans son intransigeance, sa combativité hargneuse, ses appels à la haine et au meurtre ? Ne serait-ce pas plutôt du vieux stalinien dérangé ? Et si, peut-être, pour Siné toutes ses éructations s'équivalent, ce que l'on veut bien croire tant son discernement apparaît pour le moins altéré, le journaliste rigoureux que vous incarnez (les faits...) peut-il sans frémir faire prévaloir une quelconque « présentation équilibrée des faits » qui, de fait, autorise de lui emboîter le pas ? Croyez-vous, Edwy Plenel, que l'antisémitisme serait une simple affaire de religion?

Vous défendez, Edwy Plenel, le droit au dérapage, au nom de la liberté d'écrire dans un journal réputé pour son style irrespectueux. Vous vous êtes senti, dites-vous, identifié à Siné, en tant que « viré ». C'est humain ; même si cela déborde sur l'analyse impartiale des « faits ». Vous vous sentez proche aussi des révoltes de celui qui défend les opprimés. C'est aussi respectable. Seulement ne pensez-vous pas que la défense d'une pensée aussi amalgamée et confuse que celle d'un Siné, serait susceptible de nuire à votre objectif d'Erklärung ? Je ne me reconnais pas plus que vous, certainement, dans « la fascination de la famille Sarkozy pour le fric ». Néanmoins, ne pensez-vous pas que la détestation de la fascination pour le fric, n'est autre que cette même fascination inversée : fascination de droite, fascination de gauche, deux faces de la même pièce. Capitalisme décomplexé et populisme naïf. Sarkozy et Besancenot, dont tout le monde dit combien ils vont bien ensemble (voir les déclarations enthousiastes d'un Yves Foulon, maire UMP d'Arcachon dans Mariane). Enfin il me semble apercevoir déjà les effets inquiétants, pour qui sait lire, de votre parti pris « nuancé » dans les nombreux commentaires publiés sur Mediapart où la non-condamnation sans appel du trublion instile déjà un effet terrible d'autorisation libérateur des pires amalgames toujours quiescents, comme vous ne l'ignorez pas. Quand surgit le pire, le pacifisme porte un autre nom.

Evoquant le rôle de la menace de procès de la part de Jean Sarkozy dans l'attitude de Val, vous vous inquiétez, cher Edwy Plenel, du « climat de dégradation de nos valeurs professionnelles qui gagne les rédactions ». Je comprends et partage votre inquiétude. Mais n'est-ce pas là un arbre qui cache une forêt ?

Bien à vous,

PS


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