Amorcer une réflexion sur les outils numériques
Agronome de profession, mon activité entre autres choses c'est l'étude des outils agricoles. Décrire leurs formes, la façon dont on les utilise puis leurs fonctions fait partie de mes activités. En agriculture, la productivité du travail dépend des outils. Cela peut aller de la houe et de la machette au tracteur-cabine à barre de coupe 18 mètres et direction assistée par satellite.
Hors du milieu agricole, cette place donnée à l'observation des outils peut paraître lointaine et rappeler à la rigueur la sphère de l'industrie ou du bâtiment. Mais le milieu tertiaire, réputé faire reposer une part plus importante de sa production sur un capital humain, n'est pas en reste du côté des outils.
Les outils de prédilection dans le secteur tertiaire sont les outils numériques et leur place est par ailleurs centrale dans les sociétés actuelles, non seulement comme outil de travail mais aussi comme partie intégrante de la sphère privée et même intime de ses utilisateurs. C'est cette sphère élargie des outils numériques que je souhaite creuser dans ce qui suit, avec un focus sur ces sphères privées et intimes.
Ce billet de blog est pour moi l'opportunité d'explorer la question de la place du numérique dans la vie du jeune actif français et citadin que je suis et de retranscrire la sensation de vertige face au gouffre béant entre les enjeux multiples et titanesques qui sous-tendent la question du numérique et la pauvreté du débat politique français à ce sujet, dont l'indigence criante du contenu des auditions de la commission d'enquête parlementaire sur les effets psychologique de TikTok sur les mineurs n'en est que le dernier avatar.
Un débat public au raz-des-paquerettes
Le débat public concernant le numérique tel qu'animé par les responsables politiques aiguillonnés par leur morale libérale s'éloigne rarement de quelques questions relative au piratage, à la protection des mineurs et, plus récemment aux fuites de données personnelles.
Ces questions, bien que très intéressantes, ne traitent la question du numérique que d'une façon très partielle et ne font que refléter l'ignorance d'une classe politique vieillissante face à une révolution technologique qui n'est décidemment pas de leur temps. Pourtant ce ne sont pas les portes d'entrée qui manquent pour aborder des sujets comme la santé publique, l'appropriation des outils par les utilisateurs, la marchandisation du temps d'attention, l'accaparement de la valeur par les multinationales...
Il ne s'agit pas d'adopter une position absolument techno-critique mais d'observer la façon dont ces outils ont été créés, par qui et dans quel intérêt pour relever les choix de design qui ont été conditionnés par ce contexte et qui ont été présentés comme allant de soi après coup. De nombreux présupposés de l'industrie numérique, données que l'on ne remarque même pas au moment du choix et de l'achat d'un produit ou d'un service numérique, ne vont en réalité pas de soi mais sont bien des produits de l'histoire d'un secteur industriel encore jeune. Ainsi, le fait que l'on ne puisse pas ni modifier soi-même son téléphone, ni le réparer, ni en interchanger des composants pour le mettre à jour ou pour privilégier une fonction, ni encore dissocier le support physique du logiciel d'exploitation de son téléphone ou encore mettre au point soi-même de petites applications pratiques ne va pas forcément de soi pour un objet si central dans nos vies. Tout cela résulte de choix qui n'ont pas été arbitrés démocratiquement mais opérés par des entreprises privées dans le seul but de la génération et du maintien de profits privés et donc au détriment du développement d'une offre plus complète de services d'intérêt public.
Face aux risques encourus par les usagers exposés à des nouveaux outils technologiques en atrophie régulationnelle et à l'immensité des bénéfices potentiels qu'il y aurait à mieux encadrer le développement du secteur, il y a urgence de mettre en place une politique du numérique conséquente en faveur de l'appropriation massive et en profondeur des outils du numérique par le public.

Agrandissement : Illustration 1

Désenchasser le numérique de sa guangue commerciale et individuelle
N'ayant à ce jour encore fait aucun état de l'art exhaustif sur la question, ce post se base pour l'instant uniquement sur des intuitions personnelles, des bouts de fils à tirer, issus d'expériences personnelles, souvent éprouvées auprès de mon entourage en allant me confronter le plus possible aux plus jeunes que moi qui ont encore une relation différente avec le numérique .
Des réflexions ensuite ouvertes en questions politiques, c'est à dire sorties du privé et même de l'intime pour l'étaler au soleil de la discussion collective. Je pense qu'il est nécessaire de faire ce mouvement de la consommation individuelle vers la construction collective pour le numérique et de le sortir de son cadre marchand pour le politiser.
Ce mouvement me semble nécessaire car, au gré des expériences personnelles et discussions, la disproportion entre le contrôle exercé par les fabricants sur les formes et fonctions des outils numériques opposée à l'exposition et au désarmement total des utilisateurs qui en ont pourtant un usage de plusieurs heures quotidiennes est saisissante. Cela vaut pour le software (les plateformes et logiciels, les meilleurs exemples étant les réseaux sociaux et autres logiciels commerciaux gratuits à l'usage mais prolifiques en nuisances dissimulées) comme pour le hardware (la partie "physique" du numérique, ordinateurs et téléphones, véritables boites noires verrouillées par les constructeurs) qui sont aujourd'hui des outils omniprésents dans le monde entier et paradoxalement encore très peu "hackés", démontés, adaptés et appropriés au maximum de leurs capacités par le grand public.
Construire ses propres outils numériques, un océan de pratiques encore verrouillé par les constructeurs
Les réparations de téléphones et d'ordinateurs sont encore aujourd'hui largement rendues inaccessibles par les constructeurs rechignant à commercialiser des pièces détachées, sans parler de la question d'une éventuelle interchangeabilité de composants entre modèles et marques différentes qui pourraient être permise par l'édiction de normes internationales et qui conduiraient à une meilleure appropriation des outils par les utilisateurs.
Du côté logiciel, de même, la possibilité de choisir les fonctionnalités que l'on utilise ou non pour une application reste très rare. La possibilité de se créer "sa version" du logiciel désiré est une exception dans l'offre actuelle et relève souvent de l'utilisation de certains types de logiciels "crackés" illégaux dont l'intérêt majoritairement recherché est la gratuité d'un service ou la suppression de publicité mais qui vient parfois également avec son lot d'améliorations ou de personnalisation d'options logicielles fournies par des développeurs pirates situés plus proche des intérêts des utilisateurs.
Les marges de progression pour l'encadrement et le développement des produits numériques sont donc encore énormes et la législation nationale et internationale a un rôle énorme à jouer pour mettre de l'ordre dans la pluie chaotique de produits créés pour maximiser le profit des entreprises qui les commercialisent mais sont loin de maximiser l'utilité qu'en ont les utilisateurs.
Retour sur la pauvreté de la commission d'enquête TikTok de l'assemblée nationale
De nombreuses pistes sont à explorer et certaines revêtent une importance plus cruciale que celle de déterminer quel influenceur serait le responsable de la subversion de la jeunesse sur TikTok, subversion en grande partie fantasmée par les députés libéraux aux paniques morales bien promptes et utiles pour s'aveugler sur la réalité des forces en présence et des enjeux qui sous-tendent le secteur.
Sans entrer plus dans le contenu des auditions la commission d'enquête, le cadrage seul du sujet de la commission d'enquête TikTok permet déjà d'en comprendre toutes les limites :
- Pourquoi se concentrer sur TikTok alors que le fonctionnement viral, addictif et polarisant est le même que sur toutes les autres plateformes comme Youtube, Snapchat, Instagram et Facebook ? La réponse se situe probablement logée dans un présupposé très discutable : les plateformes chinoises voudraient le mal des utilisateurs français tandis que les plateformes américaines voudraient leur bien puisque ce sont des occidentaux comme eux. Circonscrire le sujet à TikTok amoindrit la portée de la législation et reflète l'incompréhension ou l'incapacité de l'assemblée nationale à légiférer sur le sujet des réseaux sociaux.
- Pourquoi se focaliser sur les jeunes ? Le fonctionnement viral, addictif et polarisant de ces plateformes est problématique pour l'ensemble des usagers, pas uniquement les mineurs, sinon pourquoi les réseaux sociaux seraient le terrain de jeux d'opérations massives de désinformation et de manipulations électorales comme on l'a vu avec le Scandale Facebook-Cambridge Analytica pour les élections américaines de 2016 ou plus récemment pour l'élection présidentielle roumaine en 2024 où l'élection a été annulée notamment à cause de manipulations ayant eu lieu sur TikTok mettant en cause un recours dissimulé à des influenceurs pour de la propagande électorale, tout en suggérant une implication d'un acteur étatique étranger (en sous-titré, de la Russie). Là encore, en cadrant le sujet autour des mineurs, la commission se contente d'attirer l'attention sur un public vulnérable grâce à laquelle elle sait qu'elle pourra facilement attiser des paniques morales dans tous les camps. Mais ce-faisant, elle réduit une fois de plus la portée du texte législatif en sortie en ne permettant pas de traiter le sujet de façon complète et systémique.
- Enfin, la liste des invités et le cadrage de chaque audition en dit également long sur les présupposés de la commission : le Youtubeur et entrepreneur médiatique Hugo Décrypte, issu de Sciences Po, est invité et religieusement écouté en qualité de "bon élève" qui permettrait de montrer aux députés les bonnes pratiques et mesures à suivre pour informer les jeunes tandis que la poignée d'influenceurs sont clairement placé du mauvais côté de la barrière par les députés de la commission, faisant plutôt tourner l'audition en procès d'un secteur de l'influence dont ils n'ont clairement pas toutes les responsabilités. L'incapacité de la commission de traiter le sujet autrement qu'en "noir et blanc", d'embrasser la complexité du fonctionnement des réseaux et des parcours des influenceurs et enfin d'inviter des influenceurs avec un vrai propos à porter sur la régulation des réseaux en dit long sur le chemin qu'il y a encore à parcourir en terme de régulation numérique en France.
Et pourtant, de nombreuses pistes de régulation sont à explorer pour traiter de sujets profonds et touchant l'ensemble de la population française (et à vrai dire l'ensemble des utilisateurs des plateformes dans le monde), parmi lesquels on peut citer en désordre:
La santé des utilisateurs des réseaux sociaux
L'exposition au contenu des réseaux sociaux n'est pas un acte anodin et une fois atteint un certain niveau de consommation, celle-ci devient un enjeu de santé publique, notamment si l'on corrèle la dégradation de la santé mentale des français et principalement des jeunes avec l'usage croissant de réseaux sociaux conçus pour retenir l'utilisateur en ligne et marchandiser le temps d'attention des utilisateurs, quel qu'en soit le prix qu'une partie d'entre eux en aient à payer: vagues de harcèlement en ligne, isolement, compétition du temps de connexion avec d'autres activités voire avec le sommeil.
N'y aurait-il pas une responsabilisation des plateformes, des hébergeurs de contenus à mettre en évidence, ne serait-il pas temps de leur faire porter économiquement et juridiquement le poids de leur impact massif à échelle mondiale ? S'ils veulent profiter du temps d'attention de milliards d'utilisateurs, il leur faut également assumer la responsabilité de payer massivement des modérateurs de contenu, d'accepter de partager des données dans les enquêtes judiciaires liées au numérique, d'accepter de ne plus utiliser de schémas de conception à caractère addictif, entre autres.
Cette marchandisation massive du temps d'attention des utilisateurs des réseaux concerne un pan entier de notre société qui se construit amputé de son temps de cerveau disponible; qui est l'objet de choix de design délétères pour les utilisateurs incitant à la consommation compulsive de contenus formatés pour minimiser toute frustration de l'utilisateur et pour maximiser le nombre de petites récompenses cognitives. Cette version du secteur numérique est conçue comme un aboutissement du mode de pensée capitaliste basé sur la consommation de masse, domaine où la gestion des frustrations est abolie pour laisser place à un cortège de stimulations et de la satisfactions immédiates et continues.
Ces designs conduisent à l'apparition de pratiques néfastes pour les utilisateurs : "doom-scrolling", "binge-watching" sont des exemples de formes de consommation de contenu au delà des limites de ce qu'un utilisateur consentirait à consommer sans ces designs à visée addictive.
Chaque contenu est raccourci, l'enchaînement entre deux contenus est rapproché à l'extrême et la recommandation de contenu se fait de façon algorithmique, au delà de l'abonnement de l'utilisateur et dont l'aléatoire provoque une sorte de fascination sans fin. Le temps d'attention capté par les plateformes est autant de de temps de cerveau qui n'est plus disponible pour que chacun puisse investir dans ses propres projets et activités. Dans certains cas, les plateformes sont même en concurrence avec le temps de sommeil des utilisateurs, ce qui constitue un vrai défi du point de vue de la santé numérique.
Des pistes existent pourtant pour sortir le numérique de cette ornière. Il s'agit d'abord de bien comprendre et documenter les puissants intérêts économiques sous-jacents des acteurs de ce secteur pour bien délimiter les contours de l'action publique. Les influenceurs millionnaires sont la face émergée de l'iceberg des reseaux, sous lequel se planquent les milliardaires transatlantiques.
Il s'agit aussi de creuser en profondeur les fonctions auxquelles répondent les réseaux sociaux, de comprendre les mécanismes psychologiques à l'oeuvre chez les usagers, de prendre le temps d'en comprendre la rationalité pour écarter les pratiques abusives et sanctuariser les espaces répondant à de réels besoins des internautes. La mise en place de biens communs numériques constitue une des nouvelles frontières les plus passionnantes pour l'Humanisme et la nation qui la première prendra ce chemin en opposant un chemin alternatif efficace à celui tracé par les multinationales de la tech opérera l'équivalent d'une révolution numérique mondiale, une bouffée d'air pour nombre de peuples qui voient leurs chaînes numériques se sceller petit à petit.
L'appropriation des outils numériques
L'appropriation des outils numériques par les utilisateurs n'est aujourd'hui encore que minime et se limite à faire son marché au milieu de rayons remplis de smartphones tous semblables et d'applications qui sont autant de boîtes noires inflexibles. Aujourd'hui tous les smartphones se ressemblent et tous courent derrière les mêmes évolutions commerciales : augmentation de la taille de l'écran, croissance des capteurs photos et hyper-connectivité.
Paradoxalement, la démocratisation mondiale du marché du smartphone a conduit à une uniformisation globale de la forme de cet outil pourtant multifonction. Cela veut-il dire que chaque utilisateur dans le monde utilise son smartphone pour répondre aux même besoins? Non, évidemment, mais cela révèle que la démocratisation du smartphone, outil numéro un d'une économie libérale mondialisée s'est faite au sacrifice des capacités d'appropriation de l'outil par les utilisateurs.
Le smartphone s'est répandu dans le monde en étant vendu par de grandes multinationales mettant en place de longues chaînes mondiales d'approvisionnement de matériaux, d'assemblage et de commercialisation et protégeant leurs profits en verrouillant leurs technologies. Le meilleur exemple de ce verrouillage étant Apple, dont les téléphones et les ordinateurs sont un exemple de verrouillage technologique en vue d'une exclusivité commerciale.
Les gains potentiels d'utilité d'un secteur numérique sorti des logiques marchandes, véritablement ouvert et accessible seraient gigantesques et leurs répercussions en termes de stimulation économique et de liberté numérique le seraient encore plus. On pourrait imaginer la création de normes d'inter-compatibilité des composants de téléphone et d'ordinateurs portables comme c'est déjà le cas pour les ordinateurs fixes, permettant aux utilisateurs de choisir la combinaison de composant qu'il souhaite, pour le budget et les fonctionnalités qu'il souhaite.
Seraient alors inclus une certaine liberté de réparation, de modification et d'amélioration de son support numérique qui ouvrirait à un transfert massif de compétences technologiques d'une poignée d'entreprise au domaine commun. L'ouverture au public de cette boîte noire qu'est l'intérieur d'un smartphone permettrait un usage plus durable des technologies par les usagers mais aussi plus ouvert côté du point de vue de l'innovation technologique.
Du côté de l'offre de produits numérique, de nombreux sujets méritent l'attention, sujets si vaste que je n'en ai pas la prétention d'en saisir encore clairement les coutours. Je me contenterais de citer les points qui accrochent mon attention:
La réalité matérialiste d'un secteur numérique qui se rêve dématérialisé
Pour penser le secteur numérique, il est indispensable de le relier à l'immensité de l'extension des supports physiques, aux infrastructures massives de câbles sous-marins et de satellites qu'il est nécessaire de mettre en place et de faire fonctionner pour permettre aux utilisateurs de fantasmer surfer sur un internet et un "cloud" dématérialisé et mondial. C'est un des prérequis pour comprendre les enjeux qui sous-tendent le secteur: comprendre à quelles conditions Amazon peut librement déployer ses entrepôts logistiques géants et Youtube implanter ses fermes de serveurs ultra-consommateurs d'énergie sans se préoccuper d'une quelconque responsabilité sociale et environnementale (la sacro-sainte RSE des entreprises qui ajuste à la marge des stratégies systémiquement anti-sociales et anti-environnementales).

Agrandissement : Illustration 3

Géopolitique d'un secteur mondialisé
En plus d'alimenter une économie extractiviste prolongeant les dynamiques néocoloniales d'exploitation des ressources et des hommes de certains pays par les autres qui en bénéficient, la dépendance de l'ensemble des pays utilisateurs des réseaux sociaux à une poignée de géants du numériques américains (ou maintenant parfois chinois) juxtapose la question de l'extraction du temps de cerveau disponible et de son orientation par une puissance privée étrangère, mais aussi la question de l'assujettissement d'agents économiques nationaux et de groupes sociaux entiers à des entreprises invisibles usant du management algorithmique, manipulant des sommes d'argent énormes pour la seule raison de leur position dominante sur le marché mondial (voir notamment l'épisode 7 de Corporate sur Blast sur le modèle économique des plateformes numériques et la thèse de Yanis Varoufakis sur le techno-féodalisme).
Démocratie et choix de production
Comme dans le capitalisme classique, à part quelques exceptions, on laisse à quelques dirigeants le pouvoir de faire l'ensemble des choix d'orientation de production, donc de définir l'offre de services sur le marché en fonction d'objectifs qu'ils se sont fixés et qui répondent plus ou moins aux réels besoins des utilisateurs. La vision court-termiste et centrée sur leur propre profit des entreprises du numérique les conduit à modeler la dépendance des utilisateurs en leurs fournissant un service avantageux pour obtenir une position de dominance du marché avant de rafler la mise en faisant des choix de design ouvertement contraires aux intérêts de leurs utilisateurs (augmentation des tarifs, augmentation des publicités, manoeuvres de rétention d'attention...).
Il est donc essentiel de développer une gamme d'offre de services numériques élevés en biens communs sortis des logiques marchandes du temps d'attention des utilisateurs. Dans ce cadre, il est intéressant de se pencher sur ce qu'il se passe par exemple lorsqu'une structure publique développe elle-même ou non des services sur-mesure pour ses utilisateurs.
On peut penser à Ile de France Mobilités, Tam et autres applications liés aux services de transport communaux. Cette expérience pourrait être étendue à un contexte national par exemple pour remplacer des services de GPS, de recherche de lieux et de commerces comme peut le fournir Google Maps, d'autant que des services performants de cartographie nationale existent.
On peut également mentionner OpenStreetMaps, initiative de cartographie collaborative portée à l'échelle mondiale qui fournit déjà une quantité impressionnante d'information cartographique, à l'image d'une plateforme encyclopédique comme Wikipedia qui était le septième site le plus consulté au monde en 2018 derrière Google, Youtube, Facebook, Instagram, Twitter et le moteur de recherche chinois Baidu. Wikipedia est la preuve qu'il est possible de créer des biens communs mondiaux efficaces et utiles.
L'initiative française Framasoft est un exemple de tentative de développer un foisonnement de services numériques libres et véritablement au service des utilisateurs, au contraire de la galaxie de services hégémoniques développés par Google en vue d'étendre son emprise sur l'ensemble des composants de la vie numérique de ses utilisateurs.
Cependant, développer de tels services à grande échelle nécessite un financement solide que Framasoft n'a pas, ne serait-ce que pour financer les serveurs pour héberger les données d'utilisation, révélant l'avantage écrasant dont disposent les plateformes hégémoniques comme Google, Uber ou Airbnb pour imposer de passer par leurs services.
Le plaidoyer développé par Framasoft en parallèle de ses outils alternatifs rappelle l'importance des objectifs fixés quand on développe une technologie. Ici s'opposent deux visions de la société véhiculée par les logiciels développés: un individualisme consommateur reposant sur un techno-cocon sacrifiant l'autonomie pour le confort versus une boite à outils débordante visant à permettre aux utilisateurs de faire ce qu'ils veulent et uniquement cela, libre de pièges à attention, d'algorithmes de suggestion, de traqueurs de profil et de monétisation par la publicité ciblée.