Une expulsion massive ordonnée par la préfecture de Créteil de 450 réfugiés abrités au squat 38 rue de Seine à Vitry Seine s’est déroulée le 17 avril dernier.
Les associations qui suivaient de longue date ces réfugiés - United migrants et Médecins du Monde et avocats solidaires - étaient « sur le pont » depuis plusieurs jours pour aider au transfert en fonction des situations personnelles, socio - familiales, juridiques, professionnelles et de santé. D’autre part des associations, des citoyens et des élus étaient présents sur le site dès 5h00 du matin. Les membres de la section LDH locale ont pu sans problème jouer leur rôle d’observateurs citoyens et aider si besoin les résidents tout comme les autres associations, citoyens et élus présents. Nous avons pu constater le déploiement impressionnant des services et directions préfectoraux ainsi que des brigades de gendarmerie et de police nationale. Sans compter les nombreux journalistes pour couvrir l’événement.
Durant cette longue matinée, la procédure préfectorale s’est révélée être de fait une véritable opération d’apparence "soft" et " charitable " de tri -éloignement -exclusion. Les plus « chanceux » se sont vus attribués des propositions d’accueil temporaire en CAES (1) de quelques jours à 1 mois pour ré- examen des situations qui, d’après des réfugiés les ayant déjà expérimentées, sont des SAS de re-tri ; ré- orientation ; ré -éloignement…. Nous avons assisté à une véritable opération de tri préfectoral entre réfugiés en contrat de travail ou insertion, femmes seules et familles avec enfants et personnes fragiles, demandeurs d’asile, réfugiés sans contrat d’employabilité. Les transferts - éloignements vers les régions bordelaises et d'Orléans ont été proposés à la criée !!! Des cars ont été aussi affrétés pour des destinations éloignées en Seine et Marne et Essonne pour ceux qui ont un contrat de travail de plus d’un an et des familles avec enfants scolarisés sur Vitry. De fait, il s’agissait d’une rupture du droit à la scolarisation pour les enfants et d’un éloignement du lieu de travail pour les salariés. Tout ceci pour un hébergement temporaire.
Le calme et la résilience des réfugiés tout au long de la « procédure » étaient impressionnants, des groupes solidaires se formant entre eux pour la présentation des documents à présenter au service de l'OFII (2). Cinq heures durant dans le froid, le personnel de la préfecture a opéré à la chaine le tri de 350 réfugiés avec ordinateurs portables et documents papier sur un coin de table sans accès aux sanitaires permis, ni boissons chaudes prévues au milieu d’un cordon de CRS. Le plus choquant a été le rejet manu militari du dispositif préfectoral de 100 jeunes hommes, bénéficiaires du statut de réfugié, la plupart en contrat formation ou en Cdd de courte durée, « accompagnés » par les gendarmes dans la rue au motif qu’ils ne répondaient pas immédiatement aux critères d’employabilité définis par la loi Darmanin.
À la suite de cette expulsion jetant ces 100 réfugiés « sans solution » à la rue dans un état de stupeur et de désemparement, un réseau de solidarité citoyenne sur Vitry s’est activé pour leur venir en aide, trouver et acheminer des repas, de l’eau, des couvertures, des mises à l’abri et il est toujours très actif. La section locale de la LDH a écrit à la mairie de Vitry sur Seine et des communes limitrophes d’Ivry sur Seine et d’Alfortville ainsi qu’aux deux députées des circonscriptions de Vitry pour solliciter leur aide et qu’ils interviennent auprès de la préfète.
Nous condamnons le manque de volonté politique étatique et de cohérence Etat-collectivité territoriale pour une vraie politique d’accueil digne avec les conditions d’hébergements qui s’imposent. Cette politique d’accueil se révélerait beaucoup moins coûteuse que ces procédures inhumaines, ce déploiement de cadres préfectoraux, de services administratifs et brigades de gendarmerie et de police surdimensionnées. De plus, les transferts « proposés » vers des destinations inconnues sans aucune garantie d’hébergement pérenne et de prise en compte spécifique de leur situation, peuvent être source d’isolement pour les personnes qui se trouvent brutalement en rupture de liens sociaux, leurs droits fondamentaux légitimes et si durement obtenus pouvant être remis en cause arbitrairement. Dans l’immédiat nous demandons instamment à la préfecture et aux collectivités territoriales partenaires une solution d’hébergement d’urgence pour toutes ces personnes réfugiées jetés à la rue.
Vitry sur Seine le 20 avril 2024
(1) Centre d’Accueil et d’Examen des Situations administratives
(2) Office français de l'immigration et de l'intégration