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Billet de blog 12 décembre 2025

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Dans la Vienne, un nouveau rassemblement contre la ferme-usine de Vaugeton

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140.000. C'est le nombre de poules qui devraient venir s'installer dans un ancien corps d'élevage de chèvres (auparavant « le plus important élevage de chèvres d'Europe, […] avec plus de 400 chèvres », d'après Frédéric Léonet). Le propriétaire, Didier Riquet, est propriétaire de plusieurs entreprises. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il diversifie ses activités professionnelles. Actuellement, d'après le site societe.com, il possède 7 entreprises en activités, allant de la charcuterie à la SCI, en passant par une société de holdings, et bien-sûr la SCEA Celest'Oeuf à Celle-Levescault.

Le rendez-vous était donné en fin de mâtinée en cette fin novembre. Une dizaine de voitures se garent sur le parking adjacent de l'école du village. Au bout d'une heure, une centaine de personnes sont réunies : riverain·es de Celle-Levescault, militants écologistes (Révolution Permanente, contre la ferme des 1 200 taurillons à Coussay-les-Bois, ou encore contre le projet des mégabassines de Sainte-Soline), partis politiques (Les Ecologistes 86), syndicats (Confédération Paysanne de la Vienne, Solidaires 86, CNT-SO 86...) et même élu·es, dont le maire de Celle-Levescault, Frédéric Léonet.

Pendant une demie-heure, le parking se remplit. On entend des discussions, des gens se retrouver, échanger des actualités. L'épisode du budget est présent dans les bouches, les postures politiques du préfet de la Vienne, Serge Boulanger, sur les mégabassines et le projet de ferme-usine est sur la table... Au bout d'un moment, Félix Rainaud, président de l'association « Bien-vivre à Celle-Lévescault » s'avance avec un micro. Il annonce le déroulement de la marche : quelques kilomètres séparent le bourg du hameau de Vaugeton, où se trouve la ferme-usine. Il remercie les soutiens pour leur présence, et enclenche le départ du cortège.

Illustration 1
Départ pour la ferme-usine © Pierre Courtois--Boutet

Un élevage de poules controversé :

Frédéric Léonet, maire du village de 1 200 âmes, est, comme beaucoup de ces concitoyens, contre le projet. « J'y suis opposé pour la protection de mes administrés, et notamment les habitants du hameau de Vaugeton. […] On craint qu'il y ait des nuisances », explique-t-il. D'après le premier édile du village, l'ancien élevage de chèvres n'a pas toujours été bien géré, occasionnant alors une invasion régulière de mouches : « En été, les riverains ne pouvaient pas manger dehors, parce que rapidement, la table était noire de mouches ».

Dans ce contexte, Frédéric Léonet a refusé le permis de construire de la ferme-usine pour qu'elle puisse passer d'un élevage de chèvres à celle de poules. L'entreprise Celest'Oeuf a déposé un recours devant le tribunal administratif.

Silvia, habitante du hameau de Vaugeton, s'inquiète de l'arrivée éventuelle de cette ferme-usine à moins de 200 mètres de sa maison. « Notre voisine directe habite à moins de 100 mètres, ce qui ne respecte pas la légalité. Car il faut que les premières habitations soient situées à moins de 100 mètres » indique-t-elle. Malgré la non-autorisation du permis de construire par la mairie, les travaux ont commencé. « Sur une route où habituellement on ne passe qu'à une voiture, il y a des semis-remorques, des bétonnières qui passent (et ce malgré un arrêté municipal interdisant le passage de poids lourds dans le village, ndlr) »

Une bataille administrative en cours :

Deux aspects administratifs sont en jeu : d'un côté, le refus du permis de construire de la part de la mairie. Et de l'autre, l'autorisation par la préfecture du projet de ferme-usine au titre de l'ICPE. Pour Serge Boulanger, le projet ne contrevient pas à des problématiques écologiques. Et ce malgré les tensions déjà existantes et les expériences précédentes. Une militante présente, ouvrière dans du maraîchage, explique « la pollution de l'eau est déjà présente. La ferme-usine ne va rien arranger. Aujourd'hui, l'eau est potable mais plus consommable. En plus, les poules produisent de l'azote avec leur fiente. Alors, on se demande comment ils vont faire pour évacuer, mais il y aura forcément un souci au nettoyage ».

Illustration 2
Ferme-usine de Vaugeton © Pierre Courtois--Boutet

Concernant le préfet Boulanger, rien n'est étonnant dans la posture du représentant de l’état dans la Vienne. Arrivé fin 2024 à la tête de l'institution, il annonçait déjà la couleur. Anciennement responsable de la sécurité lors des Jeux-Olympiques de Paris en 2024, c'est un fervent partisan des projets agro-industriels. Rapidement, dans la presse locale, il apportait son soutien aux projets de méga-bassines, et annonçait faire le maximum pour que ces dernières se développent. Il avait dû ravaler sa salive lorsque le Tribunal Administratif de Bordeaux annulait des projets en cours (dont celle de Sainte-Soline), au courant de l'année 2025. Cela semble donc assez cohérent qu'il soutienne un projet tel que celui de Vaugeton.

Le maire de Celle-Levescault l'affirme : il est prêt à aller jusqu'au bout. A France 3 Nouvelle-Aquitaine, il annonçait que « la commune est prête à aller jusqu'au Conseil d’État ». Bien que le recours devant le Tribunal Administratif n'est pas encore passé. Mais la bataille contre l'exploitation animale et agricole n'est pas prête de se terminer.

Pour rappel, depuis plusieurs mois, la production d’œufs en France n'arrive pas à suivre la demande. Cela peut s'expliquer par une consommation plus importante d’œufs (pour réduction de consommation de viande, devenue trop coûteuse, ou alors par volonté personnels). En moyenne, une poule pond un œuf par jour. Avec le projet de Vaugeton, cela arriverait à plus de 140 000 œufs par jour, presque 4 millions par mois ! De quoi motiver des industriels à changer leur fusil d'épaule.

La manifestation s'est terminée à quelques centaines de mètres de la ferme-usine, gardée alors par une agence privée. Un repas avec des productions locales était proposé par le collectif "Bien vivre à Celle-Lévescault". Malgré la pluie battante, plusieurs personnes ont pris la parole, tels que Florence Harris, conseillère départementale communiste d'opposition au Conseil Départemental de la Vienne ou encore Frédéric Léonet. Deux heures après l'arrivée, les militant·es ont quitté les lieux tranquillement, motivé·es pour la suite de la lutte.

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