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Billet de blog 8 novembre 2021

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Vers une ÉCOLE ÉCOLOGIQUE , SOCIALE , SOLIDAIRE, ÉMANCIPATRICE

Repensons l'école comme le lieu pour éduquer les futur.e.s bâtisseur.se.s de ce nouveau monde ,impliquant ses élèves à comprendre le monde, à interagir dans un environnement quel qu’il soit avec lucidité et sens critique.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vers une ÉCOLE ÉCOLOGIQUE , SOCIALE , SOLIDAIRE, ÉMANCIPATRICE

Préambule:


Les crises climatiques, économiques ou sanitaires que nous vivons et qui se succèdent avec de plus en plus d'ampleur nous rappellent combien il est nécessaire de repenser notre monde. 
Scientifiques, collapsologues, économistes,... : tous et toutes alertent quant à un changement de paradigme à opérer si nous ne voulons pas vivre un changement brutal du monde dans lequel nous vivons: quelques degrés de plus et l'effet domino s'enclenchera.
Cette pandémie due au Covid 19 pourrait être l'une des étincelles embrasant notre monde actuel , se répandant sur les sphères économiques, financières, sociales, politiques, climatiques et sanitaires .


Nous la pressentions, nous la vivons et nous espérons qu'un autre monde pourra émerger mais notre peur tétanisante de nous engager dans un chantier d'une telle ampleur freine nos initiatives et l'urgence avec laquelle nous devons, toutes et tous répondre .
Sortir de ce monde néolibéral dépendant des énergies fossiles, qui détruit le vivant par sa négligence de la biodiversité et qui prive Femmes et Hommes de leurs biens communs.
À une crise de cet ordre, l'expression de notre résilience doit s'exprimer plus que jamais pour sauver ce monde : s'entraider, coopérer , résister, bâtir d'autres modèles de vie. 
La ligne politique est donc claire : conscientisation écologique et réinvention des systèmes d'organisations de vie commune respectueuses des territoires, et réduction des inégalités.
À l'instar du Conseil National de Résistance , l'heure est à l'action , à l'organisation et à l'utopie pour un Conseil National de Résilience scolaire et éducatif.
La résilience est cette capacité des êtres et des systèmes socio-écologiques à absorber les chocs et à se transformer. Mot d’ordre du mouvement des villes en transition, mobilisateur pour certain.e.s, synonyme de résignation pour d’autres, la résilience comprend plusieurs facettes. Elle s’adresse à la fois aux individus, aux collectivités et aux élu.e.s locaux qui sont en première ligne pour maintenir les fondamentaux de notre société : santé, alimentation, transport, gestion des ressources vitales, énergie, habitat, et éducation .
Loin de prôner le repli sur soi, les stratégies de résilience encouragent le partage, la coopération, l’autonomie créatrice et l’imagination de tous les acteurs locaux. Agnès Sinaï, Raphaël Stevens, Hugo Carton, Pablo Servigne "Petit traité de résilience locale" Éditions Charles Léopold Mayer, 2015


Ainsi l'école doit être le lieu pour éduquer les futur.e.s bâtisseur.se.s oeuvrier.e.s de ce nouveau monde.
Nous sommes dans une école qui n'amène plus l’élève à comprendre le monde, ni lui permet d’interagir dans un environnement quel qu’il soit avec lucidité et sens critique. Un lieu pensé selon la productivité, sans interroger les impacts écologiques et sociaux.
Il est évident que nous nous situons à l'interstice d'une double nécessité : lutter au quotidien pour que l'emprise des injonctions idéologiques néolibérales déstabilisent le moins possible les temps et les lieux qui garantissent un semblant d'équité dans notre société et imaginer ce qui pourrait la rendre plus équitable et cohérente avec notre écosystème . 
A.Gorz invitait dans les 1960 à "distinguer les réformes subalternes des réformes révolutionnaires. Les premières , disait-il partent de l'urgence de remédier aux dysfonctionnements de la société existante,
les secondes de l'urgence de dépasser la société existante vers la société qui est en gestation et qui donne aux actions leur sens et leur but ultime. La tâche de la politique était , selon lui, de définir des objectifs stratégiques intermédiaires, dont la poursuite répond aux urgences du présent tout en préfigurant la société qui demande à naître" A. Gorz: "Penser l'avenir" Entretien avec François Nouldelmann. La découverte.2019

Ainsi , quand bien même l'immédiateté de nos contraintes quotidiennes ne sauraient permettre une mise en perspective de nos besoins futurs, nous nous devons de transmettre à nos élèves les outils pour bâtir en commun ce changement de paradigme vital pour notre civilisation et éviter
l'effondrement ou l'effritement de notre biodiversité , de notre humanité...


Que notre modèle d'éducation passe d'une formation où les élèves s'orientent pour produire de la valeur à des élèves qui créent de la richesse.


De 3 ans à 18 ans, élaborons un programme centré sur l'autonomie :
– écologique basé sur les principes permaculturels
– sociale et solidaire mettant en jeu réseaux et collaborations entre établissements, associations ,collectivités locales, et recherches universitaires.
– émancipatrice prenant en compte la singularité de chacun.e au travers des pédagogies coopératives et critiques et le cheminement émotionnel des élèves par le biais des programmes de développement affectifs et sociaux.


De 3 ans à 18 ans, élaborons une école d'"oeuvrier.e.s" .
Dans cette perspective , l'idée de nommer l'élève par "oeuvrier.e" semble être légitime pour engager la dimension créative des chevilles ouvrières nécessaire à la construction d'une école plus en phase avec l'urgence de la rénover. 
La notion d'oeuvrier de Roland Gori et Bernard Lubat pourrait se définir ainsi:
 "Oeuvriers, il y a dans ce mot, énigmatique, aux multiples sens, une intuition, l'intuition d'une urgence et de la nécessité de révolutionner la relation au travail, à la vie. Il faut en finir avec le "travail en miettes" qui transforme chacun de nos métiers en chaîne de production  standardisée, fabriquant des objets et des services sans saveurs ni originalité, et un monde glacial et désenchanté. L'oeuvre n'est pas incompatible avec le travail, le travail bien fait dans l'amitié et le goût. On peut gagner sa vie mais aussi la partager avec les autres en produisant des objets et des services de qualité. Il faut pour cela restituer aux conditions sociales des métiers leurs dimensions artisanales et artistiques, faire oeuvre.

C'est une urgence.
Urgence démocratique autant que subjective. Ce sont des oeuvrier.e.s qui vous le disent, artiste,
journaliste et chercheur.e. 
Oeuvrier.e.s, manifestez-vous ! ! 


OBJECTIF : Une école développant l'autonomie


L'autonomie indique une capacité d'autolimitation. Elle se définit comme la compréhension et la maîtrise par chaque individu de ses actes , la possibilité d'en voir le bout , s'interroger par exemple sur la destination et la nécessité de ce que je produis au travail , l'origine et les conditions de production de ce que je consomme. A. Gorz :Pour une pensée de l'écosocialisme
L'école envisage pour chaque oeuvrièr.e de s'émanciper grâce à l'acquisition de connaissances outillées et conscientisées pour que chaque production ou création de richesses futures soit indissociable d'une prise en compte de ses interactions avec l'environnement vivant dans lequel il/elle veut s'engager.
Son autonomie à créer et à s'adapter aux réseaux collectifs se confortera dans sa capacité à délimiter ses actions pour le bien commun.


MOYENS:


Piliers structurels:


1) Projet de ZAD : Zone à Débitumiser


Certaines municipalités européennes ont déjà lancé cette perspective de végétaliser les établissements scolaires. 
À paris , un plan de financement de 320000 euros par école est engagé pour que les cours d'école soient de possibles zones de biodiversité.
De nombreux projets en France s'orientent notamment par le biais des E3D pour débitumiser les cours d'école et les rendre ainsi en lieux d'expérimentation de plantations d'arbres , de potagers , de petites fermes ( poulaillers....)
Un appel d'enseignant.e.s en fait l'écho:
https://enseignantspourlaplanete.com/appel-pour-la-debitumisation-et-la-revegetalisation-des-coursdecole/
En exemple également :
Un article du site de La lettre du cadre.fr: http://www.lettreducadre.fr/17686/des-cours-decole-moinsbrutes/
Un article du parisien: http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-veut-debitumer-ses-cours-d-ecole-22-07-2018-7829805.php
Les actions institutionnelles plus globales comme le guide du participant au livre blanc de la jeunesse pour la biodiversité: https://www.echosciences-paca.fr/articles/guide-du-participant-le-livre-blanc-dela-jeunesse-francaise-pour-la-biodiversite-cellule-csti
Olivier de Serres, une école écologique à Paris
Architecte, organisation de l'espace: https://www.bioaddict.fr/article/olivier-de-serres-une-ecoleecologique-a-paris-a5035p1.html
A Poissy, ils ont 12 ans et sont lobbyistes écolo ! https://www.telerama.fr/medias/a-poissy,-ils-ont-10-ans-et-sont-lobbyistes-ecolo,n6182134.php
Au Collège Gérard Philippe à Massy (Atelier / club / E3D)
Les élèves du club Développement Durable lors de leurs différentes actions en partenariat avec l’ensemble des personnels de l’établissement ont permis l’obtention pour l’établissement de 2 labels récompensant leur investissement en faveur du développement durable
http://www.clg-gerard-philipe-massy.ac-versailles.fr/spip.php?article142
La France compte actuellement 61 900 écoles et établissements dans le second degré.
Comme après la 2nde guerre mondiale , l’État français avait investi massivement dans des plans quinquennaux visant à développer les infrastructures sportives et culturelles. Il en serait de même pour ce projet ZAD. Un budget de 19 milliards serait à envisager.


2) Dotation des établissements et organisation des enseignements


Principes communs:
- Classes inférieures à 22 élèves. 
Une augmentation de 30% des DGH est nécessaire pour favoriser les apprentissages et regroupement de classe.
- Co-interventions, transdisciplinarité programmatique et interdisciplinarité...
- Missions des professeur.e.s à définir selon un axe disciplinaire et un autre interdisciplinaire commun à chacun.e.
- Nombre de disciplines travaillées par jour réduites avec des temps de vie et de travail libre pour les élèves.
Principes d'autonomie locale
- Organisation et modularité des classes (double niveau pour faciliter le tutorat à étudier, groupe classe mélangé sur certains temps  d'apprentissage, groupe selon des enseignements professionnels ou techniques et généraux...).
- Choix des modes de pédagogie à orienter selon les structures et personnels.
- Choix des projets et réseaux d'échanges avec des partenaires .


3) Formation des personnels


Formation d'éducation populaire pour un diagnostique des besoins des personnels au travers  d'une enquête de conscientisation.
http://www.lecontrepied.org/enquetes-d-education-populaire-methode-de
Formation pour tous les personnels d'une semaine de culture permaculturelle réalisée par des  acteurs/trices locaux, des éducateurs/trices permaculturels.
Formation d'une semaine pour tous les personnels sur des contenus écologisés et des méthodes  pédagogiques nouvelles ou radicales et sur du co-enseignement ( interdisciplinarité)


4) Statut des enseignant.e.s


Les personnels restent sur leur quota horaire mais leur enseignement disciplinaire est  partagé :
– 60% disciplinaires
– 30 % Permaculture et outillage
– 10 % Coopération et conseil de vie de classe ou d'établissement

La fin de la précarisation des statuts est une nécessité pour laisser un temps long aux équipes , éviter les turnovers de contractuels ou vacataires.


COMMENT : ECOLOGISATION DES CONTENUS


Support possible: écopédagogie critique d'orientation permaculturelle


Il devra s’agir d’une réflexion écologique insistant sur la complexité des phénomènes, leur interconnexion, et leur lien étroit avec les mécanismes de domination.
Une écopedagogie critique a vocation à être envisagée de manière intersectionnelle. Elle n’aura de sens que si elle est décoloniale et questionne l’origine du désastre écologique actuel à l’aune de la colonialité, des principes d’une modernité dont l’évènement fondateur est la colonisation du continent américain et d’un rapport de domination Nord-Sud . 
L’écopédagogie sera également féministe, pensant le saccage de l’environnement dans son aspect masculiniste, viriliste, et sans verser dans l’essentialisme. Elle doit aussi nécessairement questionner le capitalisme et être anti-classiste, puisque si la Terre est massacrée de manière industrielle, dans le but de produire et accumuler toujours plus, elle l’est au seul profit des 1% les plus riches, etc....


Le mot permaculture fut à l’origine inventé par Bill Mollison et David Holmgren dans les années 70 afin de décrire un système évolutif et intégré de plantes pérennes, vivaces ou qui se perpétuent d’ellesmêmes et d’espèces animales utiles à l’homme.
Une définition plus actuelle de la permaculture qui reflète l’élargissement de son champ d’action implicite dans Permaculture I, est « la conception consciente de paysages qui miment les modèles et les relations observés dans la nature, visant à obtenir une production abondante de nourriture, de fibres textiles et d’énergie pour satisfaire les besoins locaux. » Les gens, leurs habitats, ainsi que la façon dont ils s’organisent, sont au centre de la permaculture.
Ainsi, la vision permaculturelle de l’agriculture permanente ou durable s’est peu à peu élargie en culture de la permanence ou de la durabilité.
"La permaculture n'étant pas limitée à la conception de systèmes agricoles, et n'étant pas non plus dans ce domaine définit par un lot de techniques agricoles qui lui seraient propres, elle doit être comprise avant tout comme un mode de réflexion interrogeant la relation des êtres humains avec leur planète (et ses occupants) afin de trouver de façon concrète, jusque dans leurs pratiques quotidiennes, comment rendre cohérente leur vie sur terre au regard des enjeux globaux du milieu dans lequel ils vivent." Richard Wallner

Ainsi l'orientation des contenus diffusés à l'école n'aura pour vertu que celle d'amener les oeuvrier.e.s à une conscientisation des enjeux de sauvegarde de la biocénose, en développant un esprit critique sur notre mode de consommation , d'échange , d'interdépendance et en favorisant des outils de résilience :
– Connaissance des êtres vivant et conséquences de l'impact humain dans l'écosystème
– Connaissance des sciences et techniques diminuant l'empreinte carbone de nos modes de vie
– Philosophie de l'entraide et histoire critique de l'évolution humaine
– Jeux et créations artistiques
– Création et Construction d'outils techniques écologiques
– Culture et résilience alimentaire , vers l'autosuffisance locale et collective.
Cf : https://resiliencealimentaire.org/contexte/


3 AXIOMES PROGRAMMATIQUES:


1- CONNAISSANCES:                 OBSERVER , COMPRENDRE , CONSCIENTISER, CRÉER

60% Du temps scolaire
Matrices interdisciplinaires s'inspirant de la théorie de la complexité :
– Sciences des humanités et des territoires ( Rendre visible ce qui était invisible: histoire des
luttes ...): 
Français 
Histoire, géographie, et éducation à la morale écologique 
Économie écologique ( cf Nicholas Georgescu-Roegen dans La décroissance.Entropie - Écologie - Économie (1995) ),
Sociologie, socio-éthique ,Philosophie, 
Eco(socio)linguistique: https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2017-2-page-267.htm
– Sciences du vivant:
- Biophysique, Biochimie, éthologie, mathématiques, ethno-mathématiques 
https://pedaradicale.hypotheses.org/2375 , mathématiques radicales 
(http://www.radicalmath.org), botanique...
– Sciences des arts et de la culture corporelle:
- Arts et performances ( arts plastiques , musique, théâtre, danse, cirque...),
- EPEC: Éducation Physique Écologique Coopérative ( Jeux coopératifs et/ ou d'opposition en interdépendance positive, activités de pleine nature, parcours de motricité. Utilisation moindre de matériels pour diminuer notre empreinte carbone...) 


2-PRATIQUES PERMACULTURELLES:            CULTIVER, FAIRE


30% Du temps scolaire
Matrices interdisciplinaires:
– Cultiver , Planter, Élever ( poulailler,... )
– Technologie, et outillage manuel (ex: https://youtu.be/ooFBt_gaIAE )
– Végétaliser les établissements
– Atelier de réparation type répar-café pour vélo et outils en lien avec des agents territoriaux et enseignant.e.s


3-"RHYSOMMER":           S'ENTRAIDER, COOPERER , ÉCHANGER (communalisme scolaire)


10% Du temps scolaire
Vie commune:
– Conseil hebdomadaire du climat scolaire,
– Entretien participatif des acteurs et actrices des lieux 
– Conseil de gestion tournant ( administratif, logistique, ...)
– Échange de bonnes pratiques inter-établissements, liens recherche et associations...
– École ouverte aux parents

Exemple d'emploi du temps à l'école primaire
Les objectifs pédagogiques se centrent sur un travail transdisciplinaire dans l'école en élaborant des thématiques par niveau et par année visant à ce que les élèves conscientisent les atouts d'une biocénose respectée et protégée. 
L'entraide des élèves mise en place dans ce projet d'école inter-niveaux , les contenus et séquences d'apprentissage orientés dans les disciplines viseront à ce que chacun.e développent une autonomie et une prise de conscience des inégalités pour agir et échanger lucidement .

Ex pour un CE2:  Thème sur l'année ou un trimestre  Plantes médicinales: plantes d'ici et d'ailleurs

Illustration 1

Exemple collège
EMPLOI DU TEMPS 4ème 

Illustration 2


PRINCIPE D'ACTION :


Diffuser:
- associations, collectifs, collègues,....
Créer des collectifs construisant un programme de la maternelle à la terminale:
- Groupes disciplinaires et pluridisciplinaires
- Diminuer la lourdeur des programmes et politiser tous les contenus en compétences clés  à complexifier sur le cursus des élèves .

CONSCIENTISER NOS POLITIQUES


Quelques liens:

ÉDUCATION BIEN COMMUN :  https://educationbiencommun.fr/


APPEL DES ENSEIGNANT.E.S POUR LA PLANÈTE: https://enseignantspourlaplanete.com/lappel/

Nous, enseignant.e.s, avons une responsabilité majeure : ce que dit cette jeune fille, sur l’urgence absolue d’agir face à une crise écologique et humanitaire sans précédent, nous le savons. Les médias, les scientifiques nous l’ont assez répété. Nous le savons mais nous nous taisons. Dans nos salles de classe, nous avons accepté trop longtemps d’enseigner le « développement durable », entretenant chez les élèves l’illusion que la situation était sous contrôle, prise au sérieux par les gouvernements du monde. Au contraire, nos élèves doivent savoir que les gouvernements actuels, tout en jouissant des bénéfices des énergies fossiles, leur laissent le fardeau du dérèglement climatique. Nos élèves doivent savoir qu’ils devront probablement subir leur avenir et non le choisir, à cause de l’inaction criminelle des gouvernements passés et présents.
Car la crise n’a pas été empêchée : canicule, sécheresse, inondations, migrations, déstabilisations politiques ou encore effondrement de la biodiversité tissent désormais la trame de l’actualité dans le monde, et nous constatons avec effroi que le discours institutionnel, le contenu des programmes n’en dit pas un mot : tout se passe dans l’Education Nationale comme si rien ne se passait sur Terre.
Face à ce constat nous déclarons que nous ne voulons plus être les instruments d’une propagande rassurante, qui rend invisible la catastrophe écologique. Nous devons au contraire dire à nos élèves que la situation est gravissime, sur le climat qui s’emballe, la biodiversité qui disparaît, la pollution qui pénètre jusque dans nos cellules, et qu’aucun diplôme ni aucune formation ne les protégera contre cela.
Parce que nous avons leur confiance, nous devons leur faire prendre la mesure de ce qui est en train de se passer. Parce que nous sommes des pédagogues, nous saurons trouver les mots. Nul ne pense à faire sombrer les élèves dans la panique : au contraire, nous devons plus que jamais leur montrer que les savoirs et les savoir-faire sont des ressources pour comprendre, penser et réagir face à l’effondrement.
Nous, enseignant.e.s, devons également accompagner nos élèves dans la mobilisation de tou.te.s qui s’impose maintenant en cette période cruciale. Si nous voulons limiter l’impact des catastrophes à venir, des changements d’ampleur révolutionnaires doivent intervenir dans le partage des richesses et du pouvoir, dans la production et la consommation des biens, dans le rapport au vivant. Rien n’adviendra sans pression citoyenne, et sans une mobilisation historique. Le printemps 2019 sera l’une de nos dernières chances d’agir : d’ores et déjà, nous appelons tou.te.s nos collègues, du primaire, du secondaire et du supérieur, enseignant.e.s, agent.e.s, personnel administratif… 


LIEN AVEC LE COLLECTIF SE FEDERER:
Se fédérer
Nous sommes nombreuses, nous sommes nombreux : nous sommes tant et tant à penser et éprouver que ce système a fait son temps. Mais nos voix sont dispersées, nos appels cloisonnés, nos pratiques émiettées. Au point que quelquefois nous doutons de nos forces, nous succombons à la détresse de l’impuissance. Certes, parfois cette diffraction a du bon, loin des centralisations et, évidemment, loin des alignements. Il n’empêche : nous avons besoin de nous fédérer. Sans doute plus que jamais au moment où une crise économique, sociale et politique commence de verser sa violence sans fauxsemblant : gigantesque et brutale. Si « nous sommes en guerre », c’est bien en guerre sociale. D’ores et déjà les attaques s’abattent, implacables : le chantage à l’emploi, la mise en cause des libertés et des droits, les mensonges et la violence d’État, les intimidations, la répression policière, en particulier dans les quartiers populaires, la surveillance généralisée, la condescendance de classe, les discriminations racistes, les pires indignités faites aux pauvres, aux plus fragiles, aux exilé-es. Pour une partie croissante de la population, les conditions de logement, de santé, d’alimentation, parfois tout simplement de subsistance, sont catastrophiques. Il est plus que temps de retourner le stigmate contre tous les mauvais classements. Ce qui est « extrême », ce sont bien les inégalités vertigineuses, que la crise creuse encore davantage. Ce qui est « extrême », c’est cette violence. Dans ce système, nos vies vaudront toujours moins que leurs profits. Nous n’avons plus peur des mots pour désigner la réalité de ce qui opprime nos sociétés. Pendant des décennies, « capitalisme » était devenu un mot tabou, renvoyé à une injonction sans alternative, aussi évident que l’air respiré – un air lui-même de plus en plus infecté. Nous mesurons désormais que le capitalocène est bien une ère, destructrice et mortifère, une ère d’atteintes mortelles faites à la Terre et au vivant. L’enjeu ne se loge pas seulement dans un néolibéralisme qu’il faudrait combattre tout en revenant à un capitalisme plus « acceptable », « vert », « social » ou « réformé ». Féroce, le capitalisme ne peut pas être maîtrisé, amendé ou bonifié. Tel un vampire ou un trou noir, il peut tout aspirer. Il n’a pas de morale ; il ne connaît que l’égoïsme et l’autorité ; il n’a pas d’autre principe que celui du profit. Cette logique dévoratrice est cynique et
meurtrière, comme l’est tout productivisme effréné. Se fédérer, c’est répondre à cette logique par le collectif, en faire la démonstration par le nombre et assumer une opposition au capitalisme, sans imaginer un seul instant qu’on pourrait passer avec lui des compromis. Mais nous ne sommes pas seulement, et pas d’abord, des « anti ». Si nous n’avons pas de projet clé en mains, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à théoriser, penser mais aussi pratiquer des alternatives crédibles et tangibles pour des vies humaines. Nous avons besoin de les mettre en commun. C’est là d’ailleurs ce qui unit ces expériences et ces espérances : les biens communs fondés non sur la possession mais sur
l’usage, la justice sociale et l’égale dignité. Les communs sont des ressources et des biens, des actions collectives et des formes de vie. Ils permettent d’aspirer à une vie bonne, en changeant les critères de référence : non plus le marché mais le partage, non plus la concurrence mais la solidarité, non plus la compétition mais le commun. Ces propositions sont solides. Elles offrent de concevoir un monde différent, débarrassé de la course au profit, du temps rentable et des rapports marchands. Il est plus que jamais nécessaire et précieux de les partager, les discuter et les diffuser. Nous savons encore que cela ne suffira pas : nous avons conscience que la puissance du capital ne laissera jamais s’organiser
paisiblement une force collective qui lui est contraire. Nous connaissons la nécessité de l’affrontement. Il est d’autant plus impérieux de nous organiser, de tisser des liens et des solidarités tout aussi bien locales qu’internationales, et de faire de l’auto-organisation comme de l’autonomie de nos actions un principe actif, une patiente et tenace collecte de forces. Cela suppose de populariser toutes les formes de démocratie vraie : brigades de solidarité telles qu’elles se sont multipliées dans les quartiers populaires, assemblées, coopératives intégrales, comités d’action et de décision sur nos lieux de travail et de vie, zones à défendre, communes libres et communaux, communautés critiques, socialisation des moyens de production, des services et des biens…

Aujourd’hui les personnels soignants appellent à un mouvement populaire. La perspective est aussi puissante qu’élémentaire :
celles et ceux qui travaillent quotidiennement à soigner sont les mieux à même d’établir, avec les collectifs d’usagers et les malades, les besoins quant à la santé publique, sans les managers et experts autoproclamés. L’idée est généralisable. Nous avons légitimité et capacité à décider de nos vies – à décider de ce dont nous avons besoin : l’auto- organisation comme manière de prendre nos affaires en mains. Et la fédération comme contre- pouvoir.
Nous n’avons pas le fétichisme du passé. Mais nous nous souvenons de ce qu’étaient les Fédérés, celles et ceux qui ont voulu, vraiment, changer la vie, lui donner sens et force sous la Commune de Paris. Leurs mouvements, leurs cultures, leurs convictions étaient divers, républicains, marxistes, libertaires et parfois tout cela à la fois. Mais leur courage était le même – et leur « salut commun ».
Comme elles et comme eux, nous avons des divergences. Mais comme elles et comme eux, face à l’urgence et à sa gravité, nous pouvons les dépasser, ne pas reconduire d’éternels clivages et faire commune. Une coopérative d’élaborations, d’initiatives et d’actions donnerait plus de puissance à nos pratiques mises en partage. Coordination informelle ou force structurée ? Ce sera à nous d’en décider.
Face au discours dominant, aussi insidieux que tentaculaire, nous avons besoin de nous allier, sinon pour le faire taire, du moins pour le contrer. Besoin de nous fédérer pour mettre en pratique une alternative concrète et qui donne à espérer. Dès que nous aurons rassemblé de premières forces, nous organiserons une rencontre dont nous déciderons évidemment ensemble les modalités.
Pour rejoindre cet appel : appelsefederer@riseup.ne

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