Pierric Annoot

Abonné·e de Mediapart

5 Billets

0 Édition

Billet de blog 3 octobre 2024

Pierric Annoot

Abonné·e de Mediapart

Discours prononcé à la fête de l'Humanité : résister à la bourgeoisie radicalisée

Pour maintenir ses privilèges, la bourgeoisie radicalisée n'a plus aucune limite. Elle s'affranchit de la démocratie et de la souveraineté populaire et s'en remet à l'extrême droite pour fracturer le pays en substituant la lutte des classes réelle à un affrontement identitaire directement inspiré de la théorie du choc des civilisations.

Pierric Annoot

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je veux commencer par parler de la Palestine et du silence coupable de la France en citant Dominique de Villepin qui s'exprimait hier sur France inter : « Gaza est le plus grand scandale historique pour lequel je ne trouve pas de référence, c'est le silence des autorités, les médias n'en parlent plus ! Je suis obligé de googler pour trouver une brève sur le nombre de mort à Gaza, c'est un véritable scandale, nous sommes en absurdie et la France s'efface » et il ajoute, « il y a sans doute beaucoup de plus 40 milles morts et Israël crée les conditions d'une occupation de Gaza et la Cisjordnaie se décompose ».

Le ministre de la défense israélien dit que le Hamas a été éradiqué à Gaza. Alors quelle est le véritable but poursuivi, si ce n'est celui d'une occupation totale et définitive de la Palestine et l'éradication des palestiniens ?

Bravo à la fête de l'Humanité qui accueillera monsieur Villepin dimanche.

Si je le cite c'est surtout parce que nous avons atteint un tel niveau de terreur intellectuelle dans ce pays, que sa parole est d'une importance considérable en tant qu'homme de droite et ancien ministre. Parce que désormais quiconque dénonce cette guerre coloniale est immédiatement suspecté d’antisémitisme. D'ailleurs lui non plus n'y a pas échappé.

Cela a été encore le cas très récemment avec un professeur de Toulouse, suspendu selon la ministre démissionnaire de l'enseignement supérieur « pour des propos inadmissibles et afin de combattre l'antisémitisme et toutes les discriminations ».

Quels étaient donc ces propos ? En évoquant Gaza il aurait fustigé une guerre à sens unique et dit qu'il ne comprenait pas « la participation des athlètes israéliens aux JO et la distinction qui est faite avec les athlètes Russe » et enfin que « tout n'a pas commencé le 7 octobre et que rien ne justifie de massacrer une population civile. »

Qu'y a t-il de criminel ou de délictueux dans ces propos ?

Il y a 10 jours c'était Philippe Val sur Europe 1 qui se livrait à une charge violente contre Lucie Castets et le NFP. Je cite : « Mme Castets à refusé de se prononcer sur la demande de levée de l'immunité parlementaire de Rima Hassan exigée par des parlementaires de droite. Il précise « que croit la bande de Mélenchon et Castets ? Qu'on va laisser s'installer dans les ministères des antisémites et des copains d'antisémites ? »

Puis il enchaîne : « je connais bien la France, ce pays ou des justes ont cachés des juifs au périls de leurs vies, si les petits copains de Rima Hassan arrivaient au gouvernement ils n'auraient pas une minute de répits. On peut leur promettre l'enfer car on ne les lâchera pas jusqu'à temps qu'ils partent » et enfin «  je crois que tout français qui se respecte chassera des ministères les antisémites et les islamo-compatibles »

Je vous laisse digérer ça. Tout y est, la haine, la bile verbale, le retournement de l'histoire, la violence, la calomnie et l'appel à la vindicte populaire. Croyez vous que lui, ait été inquiété pour ses propos ? Rien. Pas une réaction des censeurs habituels.

Hier matin, un commentateur disait à notre secrétaire national à propos de la Fête de l'Huma: « un événement non musical sur 4 concerne la Palestine, cela reste pour vous, comme LFI une question prioritaire ? » Fabien Roussel a rappelé les crimes contre l’humanité commis par le régime de Netanyhaou, où un enfant palestinien meurt toutes les 10 minutes. Et oui il faut d'urgence que la France reconnaisse l'état de Palestine, qu'elle impose un cessez-le-feu et que le régime de Netanyahou soit poursuivi et condamné pour ces crimes.

Cette dégradation permanente du débat publique, cette criminalisation de l'opposition politique de gauche est le symptôme d'une fascisation de la bourgeoisie.

Et nous, le PCF, en sommes aussi victimes. Cette semaine, c'est Louis Alliot du RN qui accusait l'Humanité d’être au service de l'Allemagne nazie au moment de la collaboration. Comme le rappelait Stéphane Sahuc dans le journal, « peu importe la réalité des faits. Peu importe que des journalistes de l'Humanité comme Lucien Sampaix ou Gabriel Péri et des dizaines de milliers de communistes aient résisté et l'aient payé de leurs vies. Pour eux il s'agit de réécrire l'histoire et de travestir la leur. L’extrême droite ne mène pas une bataille d'idée mais une guerre culturelle totale. Le mensonge, la promotion des « réalités alternatives » en sont les armes : la lutte contre le dérèglement climatique devient la « dictature de la norme », les combats pour les droits des minorités se transforment en « essentialisme radical », les mobilisations pour les droits sociaux sont repeintes en « rassemblement de privilégiés », la solidarité avec le peuple palestinien « une provocation antisémite ».

Alors jamais, nous ne devons tomber dans les pièges de la division et de la diabolisation des forces du NFP. Toujours être solidaires entre forces de gauche, au delà de nos désaccords stratégiques. Nos causes communes sont plus grandes que nos rivalités partisanes : les premières nous obligent, les secondes nous condamnent à l'impuissance.

Je pense que nous sommes nombreux à nous dire régulièrement, que dirons les historiens de cette période dans quelques décennies ? Comment la qualifieront-ils ? « décivilisation » ? « ensauvagement capitaliste » ?

Les mêmes qui de plateaux en plateaux, la main sur le cœur, crient en permanence aux "atteintes à la République", dénoncent "les outrances", appellent au "respect de la démocratie", excommunient leurs opposants de "l'arc républicain", sont dans les faits celles et ceux qu'ils décrivent.

C'est d'ailleurs l'une des difficultés que nous avons avec le pouvoir Macroniste : cette stratégie que l'on pourrait qualifier d'orwellienne, de faire exploser tous les repères, d'entretenir la perte de sens, de faire en toute circonstance l'inverse des principes énoncés, si bien que l'adversité politique se trouve souvent désarmée et que les principes qui jusqu'ici organisaient notre communauté nationale deviennent inopérants. Les mots, les concepts, les principes perdent leur sens .

« La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. » On pourrait ajouter: "La dictature c'est la démocratie" ou encore tout récemment : « perdre une élection c'est la gagner ».

Car Fabien Gay, le directeur de l'Humanité le rappelait hier soir : Macron et sa politique ont été battu dans les urnes. Il faut le dire et le répéter.

Ils n'ont ni principe, ni morale. Ils n'ont aucune limites et les radicalisés, ce sont eux. Avec la nomination de Barnier et l'accord du RN, nous sommes désormais de plus en plus confrontés à un bloc idéologique homogène de droite et d’extrême droite autour des thèses du Front National.

Cette conquête de l'hégémonie idéologique à commencé sous l'ère Sarkozy. Il a enrôlé la droite française dans la théorie du choc des civilisations, déjà déployée par G. Bush au début des années 2000. Concomitamment à cette rupture avec la tradition républicaine et gaulliste de la droite, le FN a opéré une mue de son discours avec l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti: en instrumentalisant le principe de laïcité et en développant son offensive islamophobe le FN a dissimulé son discours raciste derrière une pseudo critique de la religion pour le rendre « acceptable ».

Ce dévoiement de la laïcité fabrique aujourd'hui des victimes au lieu de fabriquer des égaux. C’est un retournement complet qu’il nous faut combattre en faisant vivre ses principes. Jean Jaurés disait : « Il n’y pas d’égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce ». Le principe de laïcité repose sur 4 piliers inséparables : la souveraineté populaire, la liberté d’opinion, l’égalité des droits et la fraternité.

Le quinquennat Hollande, sous la pression de Valls et du Printemps Républicain a également cédé aux thèses réactionnaires. Chaque fois que nous avons collectivement concédé un point aux discours d’extrême droite, nous avons contribué à les légitimer. « La préférence nationale », «le grand remplacement », « l'insécurité culturelle » ne sont pas uniquement un poison pour faire diversion. Ils constituent la colonne vertébrale d'un néofascisme qui structure désormais toute la droite.

Et si Bardella a annoncé qu'il ne censurerait pas le gouvernement Barnier, c'est qu'il sait bien que son électorat est un électorat de droite radicalisée. Inutile dès lors de chasser sur ses terres sur les questions de sécurité, d'immigration ou de souverainisme chauvin. Il faut au contraire faire vivre et renforcer le projet communiste : Liberté, égalité, partage, vivre ensemble, abolition des privilèges de classe !

Voyez à quel point ils ont conquis l'hégémonie idéologique : il y a 20 ans à gauche, nous nous disions citoyens du monde et nous voici aujourd'hui à nous quereller pour savoir qui de nos villes ou de nos campagnes françaises sont les meilleurs prolétaires !

Il y a pourtant bien plus de commun que de différences entre la France des ronds points et celle des banlieues métropolitaines. En terme de recul des services publics, d'abandon de l'Etat, de chômage et aussi de désindustrialisation. A Gennevilliers quand de grandes entreprises comme Chausson ont fermé à la fin des années 90, ce sont plusieurs milliers d'emplois qui ont été supprimé dans une ville de 40 000 habitant-es.

Pourquoi avec des situations similaires, les citoyens de ces territoires ne tirent pas les mêmes conclusions et votent différemment ?

Travaillons à renforcer la belle victoire du Nouveau Front Populaire de Juin dernier. Pendant les législatives qu'est-ce qui à fait la force du NFP ? C'est son unité et sa radicalité.

C'est d'avoir réussit à recentrer le débat sur les salaires, la répartition des richesses, les services publics et à forcer le RN à se positionner et faire tomber le masque, sans nous dérober sur les questions d'immigration, des violences policières, de la justice mais avec une ligne de gauche.

Pour finir, je veux citer le regretté Lucien Sève : « la dialectique, c'est la maîtrise logique des contradictions pour tendre à leur dépassement ». Nous sommes au cœur de ces contradictions. Le coup d'état de macron acte la putréfaction des institutions de la 5ème République que les communistes ont toujours combattu. Une brèche s'ouvre pour refonder une nouvelle République sociale et démocratique.

La nouvelle cure d'austérité qui se prépare avec le prochain budget va entrer en contradiction avec l'hyperconcentration des richesses et l'explosion des besoins. Rappelez vous cet été. Le magazine Forbes publiait son classement des fortunes mondiales, où l'on apprenait que désormais la fortune des 500 plus riches français dépasse 1200 milliards d'euros. B. Arnaud, à lui seul possède 185 milliards d'euros. Hormis l'Humanité, presque aucun médias n'a traité cette info. Elle a été copieusement enterrée, dissimulée. Pas de manchette sur Cnews et BFM, pas de débat d'experts entre Pascal Praud et Elisabeth Lévy. C'est dommage.

On pourrait avec cette somme, quadrupler le budget de l’hôpital public ou distribuer un chèque de 3500 euros à chaque Français-e. D'ailleurs, hier, Bruno Lemaire a dit en démissionnant de son poste ministre déjà démissionnaire (va comprendre) « la question des salaires sera la grande question sociale des 25 prochaines années ». Voilà. C'est tout. Débrouillez-vous avec ça.

Et bien nous, nous allons en faire une question immédiate, sur les salaires comme sur l'ensemble du programme du Nouveau Front Populaire.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.