Que sonne le réveil.
Dans cette période étriquée et angoissante, les cérémonies officielles d'hommages au groupe Manouchian ont une très grande portée. Elles ont réparé une injustice mais aussi redonné du sens politique aux combats d'aujourd'hui.
Nous pouvions redouter que le Président de la République mène une nouvelle opération de triangulation politique, en faisant entrer au Panthéon la résistance étrangère et communiste après avoir fait voter au Parlement, la loi immigration avec les voix de l’extrême droite.
Nous pouvions redouter que, la présence au Panthéon des responsables du RN, descendants directs des chasseurs et bourreaux des FTP MOI, souille cet hommage.
Finalement, l'évocation des combats, de la vie, des valeurs de Missak et Mélinée, leur grandeur et leur détermination ont écrasé les petites opérations de communication et les basses provocations.
Pas de coups d'éclats. Deux cercueils, forces tranquilles et imposantes, inséparables, forts de leur amour, entrèrent au Panthéon dans le calme et la sérénité. Forçant le silence et le respect.
Comme un dernier acte politique, Missak et Mélinée rendaient dérisoire cette souillure de l’extrême droite. Marine le Pen quittant les lieux précipitamment, à peine la cérémonie finie, comme rattrapée par son imposture.
Les grandes figures historiques et la justesse de leurs combats peuvent grandir les hommes.
Emmanuel Macron, le temps d'un discours semblait l'être par cette présence, rappelant leur engagement pour « l’internationale de la liberté, de l'amour et du courage. » « Parce qu'ils sont communistes, ils ne connaissent rien d'autre que la fraternité humaine, enfants de la Révolution française, guetteurs de la révolution universelle. »
Quelle était la part de sincérité, quelle était la part de calcul du Président ?
Nul ne saura, mais la résistance étrangère et communiste est entrée au Panthéon avec l'hommage qu'elle méritait.
L'extrême droite s'est faite dépassée.
Sur toutes les ondes ont été rappelé ses origines collaborationnistes, les membres des Waffen SS parmi ses fondateurs.
Acculée, elle s'est vautrée dans de vulgaires falsifications de l'histoire qui n'ont pas dupé grand monde.
Après des années de « dédiabolisation », cette entrée au Panthéon aura également permis de montrer à nouveau le véritable visage de l'extrême droite.
Cette résistance d'hier nous a livré des rappels pour celle d'aujourd'hui.
La France de la guerre fut d'abord attentiste. Pour une partie collaborationniste. Une infime partie était au départ résistante. C'est par l'action, la justesse de l'âpre combat puis l'union des forces résistantes que les consciences ont peu à peu basculées.
Ironie de l'histoire, au moment ou nous débattons de la régularisation des sans papiers, avec ou sans travail, l'historien Denis Peschanski nous rappelait que par deux fois la demande de naturalisation de M. Manouchian avait été refusé faute de revenus.
Rappel de l'histoire aussi que le rôle de la police française qui a traqué les résistants et les FTP MOI avec zèle et les félicitations de l'occupant.
Rappel de l'histoire toujours avec le parcours de Missak et Mélinée, victimes du génocide arménien qui fait écho à celui en cours à Gaza. Combien de nouveaux orphelins ?
Faire vivre la mémoire pour que ne tombe pas dans l'oubli les atrocités d'hier, n'a de sens que pour mettre fin à celles d'aujourd'hui.
Ils étaient italiens, hongrois, arméniens, polonais, espagnol, roumains, juifs, communistes.
Ils se sont engagés dans la résistance et ont donné leur vie pour la France des droits de l'homme et de la révolution française, contre le fascisme. Conscients que l'identité d'une nation ce n'est pas une couleur de peau, une religion, une origine : ce sont ses valeurs en partage et ses principes humanistes et politiques.
A nous maintenant de veiller comme le rappelait la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet à ce que cet hommage national, ce « nouvel unanimisme autour de leur mémoire ne dénature ou ne dépolitise pas leur héritage. »
Cet hommage de la République n'est pas pour nous un enterrement. C'est un baptême.