Pierro Juillot

Technicien dessinateur/ Chômeur. Dit aussi Pierro Sanslalune.

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Billet de blog 5 décembre 2013

Pierro Juillot

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L'étreinte de la misère.

Pierro Juillot

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je porte ici ma misère en bandoulière..., comme d'autres portent là-bas..., leurs richesses en sac à main de marque..., ou en vêtement "griffé", ou bien encore en téléphone portable convoité, et/ou en véhicule rutilant de puissance, de prestige, de symbole. Lourde..., elle est plus que de raison, d'autant que sa raison est plus commune qu'elle est réellement mienne... Je n'en suis pas pour autant le dépositaire. Juste momentanément un de ses messagers. Elle est faite autant de bric et de broc, de guenilles et de fripes que les partageux miséreux s'échangent bien volontiers..., usent et abusent insatiablement..., que d'en parler simplement revient à en bricoler sa consistance..., à en raccourcir la définition de sa substance. Elle est tant palpable, visuelle, charnelle, corporelle, qu'elle en est indéfinissable..., immatérielle..., incalculable.., inimaginable..., et virale.

Pourtant j'ai bien assez de la mienne pour faire crouler mon pauvre dos usé par des années et des années de travaux de força dans le BTP, entre autres..., sous son poids harassant de laideurs..., de souffrances insondables..., de stigmates inguérissables..., d'avenir obstrué..., qu'il faille que péniblement..., je m’accable de celle d'autres, en guise de fardeaux... Et oui... C'est tout moi quelque par..., et c'est aussi ça la vraie misère aujourd'hui... On pourrait en dire, pour en rire..., enfin..., pour éviter d'en pleurer..., qu'elle est autant partagée entre nous tous-tes les "gueux et les gueuses" pas encore gagné par le repli sur soi télégénique..., que les dividendes de ceux-celles s’étouffant presque dans leurs égoïsmes... Elle est clanique et mécanique... Et plus elle se métamorphose en mécanisme politisé..., institutionnalisé..., technocratisé..., plus elle divise et éloigne des clans qui n'ont d'opposition, pour ceux-celles la fuyant comme une peste..., que des individualismes égocentrés sur son seuil de rentabilité et sur son niveau de supportabilité leur étant de plus en plus abstrait...

C'est une lourde responsabilité que de porter cette misère..., quand vous savez qu'elle n'a de destiné..., qu'à être léguée à votre progéniture... Sa charge est d'autant plus pénible qu'elle doit savoir rester polie..., respectable..., bien sur soi..., ni trop se plaindre qu'en à vouloir satisfaire ses besoins vitaux, ni trop briller par son horreur (et/ou odeur), ni même rester trop silencieuse... C'est le double prix à payer pour la faire paraître acceptable et translucide à une société courant vers la virtualisation de ses meilleurs envies, ses plus beaux désirs... A trop vouloir chercher à atteindre des rêves élitistes, des nirvanas communautaires, d'un monde fantasmé sacralisant la subjectivité du beau, la spiritualité d'un simple instant de perfection, renouvelé chèrement..., la religion d'une auto-satisfaction sur-personnalisée, sur-médiatisée..., la misère elle ne cherche que subsistance durable, que survivance tenace, que considération humaine.

Plurielle, bariolée, sans limite d'âge ni de territoire, elle rayonne et irradie la cruauté de sa souffrance dans les époques qu'elle a traversé, comme elle s'illustre et culmine en saison froide... De son mot si commun, banalisé..., discriminé..., aujourd'hui il en dénature son symbole quand certains-es en ont fait "grâce"..., en ont mérchandisé son sens. D'une caricature de sa nature au simplisme de sa définition ce mot en a perdu le cœur de son sens, en a personnifié son sentiment. D'aucuns diraient qu'elle est une nécessité salutaire à un certain équilibre, qu'elle est par nature la stabilité de l'équilibre de leurs choses. Aucuns en renieront son existence..., son utilité..., tant elle les réconfortera de les garder de s'en approcher, comme une mise en garde quoi. Mais tous-tes s'accorderont à la choyer dédaigneusement..., tant elle leur apporte le soulagement de ne pas..., ne serait-ce que la vivre..., supporter sa violence parfois, si ce n'es pas souvent, la savoir et la penser dans un jour sans fin...!

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