De nombreux éléments actuels me paraissent particulièrement préoccupants concernant la réalité démocratique de notre pays. Je souhaite écrire une petite série récapitulant ces éléments, en particulier certains qui m’amènent à penser que nous pouvons qualifier la politique de M. Macron non plus de droitière, mais d’extrême droitière. La situation inquiétante en ce qui concerne l’état d’urgence sanitaire est déjà analysée par des vrais spécialistes du droit constitutionnel ici-même, sur Mediapart. En plus, on va faire une petite pause Covid pour ces billets.
Je souhaite revenir, par contre, sur d’autres éléments beaucoup moins visibles (quoique), comme :
- L’hommage rendu par M. Macron à Pétain (https://www.lexpress.fr/actualite/politique/qu-a-vraiment-dit-macron-sur-le-marechal-petain_2046919.html) : bien évidemment, une vieille thèse d’extrême droite pour rendre supportable l’image de Pétain, qui est de défendre son bilan de la 1ère GM – quant à appeler un Général un « soldat », hmm – c’est comme si j’essayais de réhabiliter la mémoire d’Émile Louis ! J’adore le tweet du service de communication de l’Élysée :
« STOP AUX RACCOURCIS : « On peut avoir été un grand soldat pendant la Première Guerre mondiale ET CONDUIRE À DES CHOIX FUNESTES PENDANT LA DEUXIÈME. ».
Comme je suis joueur, j’essaie le mien : STOP AUX RACCOURCIS : « on peut avoir été un grand conducteur de bus pendant la journée ET VIOLER SES PASSAGÈRES HANDICAPÉES PENDANT LA NUIT ». Allez, un deuxième pour la route : « on peut avoir été un grand banquier ET ÊTRE UN MAUVAIS PRÉSIDENT QUI FAIT DES CHOIX FUNESTES » (le fameux en même temps macronien !) Vous aussi, vous pouvez essayer de réhabiliter la mémoire des colonialistes, des maris violents, des membres du Ku Klux Klan, bref, amusez-vous, le choix est vaste.
- La conception très personnelle de M. Macron du partage des pouvoirs, en particulier du travail législatif et de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
- Le traitement scandaleux des migrants tout en se revendiquant toujours de la « patrie des droits de l’homme » pour insulter chaque jour qui passe notre devise nationale (Liberté, Égalité, Fraternité), ou au mieux, la tartiner de merde.
- La tendance du gouvernement à confisquer à tous ses contradicteurs et réinventer certains termes, valeurs, notions et à s’arranger avec leur sémantique, voire leur ontologie, au premier rang desquels les concepts de droit (et d’état de droit), devoir, science et laïcité (sans oublier bienveillance, confiance, maison commune pour les enseignants).
- La façon de traiter les consultations citoyennes, le travail syndical et représentatif et globalement toute opposition ou sujet déplaisant.
- Les renoncements écologiques, économiques sous pression (ou non) des lobbies ou plus globalement les mensonges programmatiques, en particulier les déclarations sur l’ancien monde et les mises en examen des élus LREM.
Les questionnements ne manquent pas.
Et nous commençons aujourd’hui par…. Darmanin !
1 – Parrainages
Un des premiers arguments des macroniens (et d'autres relativistes) quand ils essaient de minimiser la crise démocratique en cours est le fait que nous avons encore le droit de vote (axiome du fameux "toi tu vis pas en Chine, ça se voit"). Pourtant, l’état du droit de vote dans de nombreux pays du monde semble largement décorrélé de la valeur démocratique des régimes en question, mais passons ce premier biais logique évident.
Gérald Darmanin vient encore (enfin, il y a dix jours) de refuser d’annuler la publication des signataires de chaque candidat au journal officiel (https://www.sudouest.fr/elections/presidentielle/parrainages-on-ne-change-pas-les-regles-du-jeu-a-quelques-jours-du-match-selon-darmanin-7640756.php). Quelle avancée pour la démocratie. Qu’attendre, après tout, d’un ministre de l’intérieur qui a fait régulièrement interdire des manifestations durant son mandat, mais se permet de manifester, à l’appel des syndicats de police, contre la justice (ce qui rejoint d’ailleurs le sujet de l’appréciation très aléatoire de la séparation des pouvoirs et donc du principe fondateur de notre République dans l’esprit de nos ministres et président) ou qui trouve Mme Le Pen trop molle.
En plus d’user de comparaisons populistes absolument infantilisantes et démagogiques (le sport) et outre les approximations (100 jours ce n’est pas « quelques jours »), ce qu’il y a de pratique, avec ce gouvernement, c’est que quand un de ses membres dit quelque chose, par exemple, mettons, « nous voulons l’expression démocratique la plus large », il faut absolument comprendre le contraire.
Ayant parcouru quelques mairies pour réunir ces signatures, faisons une petite liste des raisons invoquées par les élus pour ne pas donner leur parrainage :
Avoir peur de se faire radier de son parti,
Avoir peur de se faire caillasser la maison ou la voiture par des crétins,
Avoir peur de se retrouver isolé au sein de son conseil municipal,
Avoir peur de ne pas se faire réélire,
Avoir peur de se faire sucrer les subventions par chantage du conseil départemental,
Avoir peur de tout à la fois et bien d’autres choses.
« Favoriser » la représentativité démocratique en termes de pressions individuelles et de peur de représailles, en voilà une conception originale.