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Billet de blog 3 avril 2012

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30 billets, ce n'est déjà pas si mal. Franchement ! je ne pensais que l'on m'en donnerait tant de ma prose tout droit sortie d'un tiroir-casse. Et je devrais m'arrêter là, avant que l'on ne me rattrape, : Hep ! vous là-bas ! C'est une erreur ! Et j'me vois déjà, penaud, rendant mes trente billets à l'ouvreuse "Yes ! Milady ! Errare humanum est !"

Mais je ne peux résister  à l'envie de continuer une ou deux fois, encore. Et l'envie, comme l'on sait, c'est la jalousie, laquelle se contrôle d'autant moins qu'elle est là, à chaque coin de rue, à vous faire clins d'œil et autres appels du pied ... T'aurais pas une petite envie, là, tout de suite ? de ci, de çà ... ? Oh ! regarde, cette délicieuse petite chose ! Je la prendrais bien, pour le salon, entre le vase de Soissons et la lampe à huile. ça ferait bien, non ?

Vas y ! dit Clovis, las de tant de petites choses auxquelles, au final, se résout son existence.

C'est ainsi que tout continue, et qu'apercevant un délicieux petit article, je ne peux résister, donc, à l'envie de le commenter. Où donc se niche la jalousie, quand même ?

"Ce lundi 2 avril s’ouvre à New York une réunion sur « le bonheur » organisée par le royaume du Bhoutan au siège des Nations unies. (..)"

 Certainement le Bhoutan  qui m'aura donné cet air de gaîté, petit royaume, fermé, dit-on - auquel on ne peut accéder en train -, niché comme un joyau au cœur de cette chaîne caressant les dieux, aux pistes, surplombant des abysses, chaque jour empruntées par les Yétis, et où gronde, dit-on, le dragon, divinité mystérieuse, protectrice, "gardienne des demeures divines, symbole de l'élévation vers un état supérieur" (wikipédia).

 Fin 2005, le roi du Bhoutan, Jigme Singye Wangchuck, annonça que le royaume se transformerait en une démocratie parlementaire en 2008.  (wikipédia)

L’une des particularités du Bhoutan est sa recherche du bonheur à travers l’amélioration de son bonheur national brut ou BNB. Là où la majorité des gouvernements se basent sur la valeur du produit national brut (PNB) pour mesurer le niveau de richesse des citoyens, le Bhoutan a substitué le BNB pour mesurer le niveau de bonheur de ses habitants. Cet indice, instauré en 1972, se base sur quatre dimensions, piliers du développement durable, à savoir :

  • la croissance et le développement économique responsables ;
  • la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise ;
  • la sauvegarde de l'environnement et la promotion du développement durable ;
  • la bonne gouvernance responsable. (wikipédia)

Voici donc ce petit État, boute-en-train en diable, faisant la leçon aux grands de ce monde, les rappelant à davantage de réalisme.

Le Monde diplomatique - réaliste boute-en-train -, s'en saisit aussitôt pour nous rappeler à nos incohérences ; et voilà-t-y pas un article sur le bonheur ou, plus exactement - nuance d'importance -, sur la mesure du bonheur (1).

Voici donc, à présent, un bonheur qui se mesurerait, comme on arpente un terrain avec un mêtre-étalon, petit domaine privé,  p'tit chez-soiSam'suffit philosophique et existentiel, qui se devra, du fait, d'être dorénavant rigoureusement conforme aux prescriptions en la matière. On en déclinerait les composantes, sorte d'alliage chimique, supposant la présence de telles molécules à l'exclusion de toute autre, et selon telles proportions indiquées, normées, pour avoir été dûment mesurées par le bureau ad hoc des poids et mesures. Ni trop, ni trop peu ; économiquement, comme nous l'ont enseigné les protestants - les maîtres du genre ; bien que les bouddhistes semblent à présent leur damer le pion - et que relaie, aujourd'hui, la pensée mesurée de l'écologie, toute de sermons vêtue.

Nous voici donc à rejoindre le Bhoutan, au sommet de la chaîne de l'évolution, quand l'humain, ayant enfin atteint sa taille d'espèce en voie de disparition, peut prétendre à vivre conformément à la loi qu'il aura dûment décrétée comme étant celle du bonheur. Aux incohérences de la mesure des richesses, voici se substituer celle de la mesure de la qualité de la vie.

Mais rien d'insoutenable, pour autant, à cela. La preuve, des gens comme il faut, de dignes représentants des nations en discutent doctement, munis de leur petit mêtre de couturière, afin de constituer le patron de notre camisole.

Dans son "Rapport sur la construction des situations" (1957 - Ed. Mille et une nuits), Guy Debord n'écrivait-il pas “ Nos tâches immédiates : Nous devons (...) opposer concrètement, en toute occasion, aux reflets du mode de vie capitaliste, d’autres modes de vie désirables ; détruire, par tous les moyens hyper-politiques, l’idée bourgeoise du bonheur.” ?

Commentant un article paru sur ce site, intitulé "Néolibétalisme, pourquoi tu nous tiens ?" (2), j'en arrivais à énoncer que le capitalisme, ce système de production qui tient notre existence entre ses calculettes, n'avait pour seul et unique objectif que de produire de la valeur - cette réalisation concrète de l’idée bourgeoise du bonheur, pour ce système de production capitaliste - ne faisant que relayer en cela la critique établie par Marx, reprise et actualisée par A. Jappe quand il écrit :

"La richesse matérielle est un accessoire dont, certes, l'économie capitaliste ne peut se passer mais ce n'est pas son but. Celui-ci réside dans le procès de valorisation, l’accroissement démesuré de la richesse abstraite : j’investis de l’argent dans le procès de production dans la perspective de récolter au final davantage d’argent (la plus-value ou survaleur). Une activité économique qui n’aurait pas pour but, a minima, cette augmentation de richesse abstraite est une chose qui ne peut tout simplement pas exister."

La conclusion à en tirer, n'en déplaisent à ceux qui veulent conserver ce monde - c'est-à-dire les avantages qu'ils en tirent assez petitement, somme toute, mesquinement, selon cette idée bourgeoise qu'ils se feraient de l'existence précisément, et qu'ils voudraient imposer, de ce fait, au reste de l'humanité comme étant celle du bonheur -, serait que cette prétention à vouloir mesurer l'incommensurable est non seulement la dernière tentative de colonisation du qualitatif par le quantitatif, mais qu'au final cette mesure ne serait que celle des effets sur la vie de sa marchandisation, et non celle de la vie elle-même, bien plus qu'improbable.

En d'autres termes, et sans prétendre à l'exhaustivité - les facettes du bonheur étant multiples autant que multicolores - : "êtes-vous heureux de respirer du méthane, de boire des nitrates, d'être radioactifs, de manger sans plus de goût, de n'aimer que des images, de vous loger dans des abris construits sans poésie ni le moindre humour, .... etc ?" (une suggestion de questionnaire pour établir les items relatifs à la mesure du bonheur).

Voilà qui devrait, pour un long temps, rassurer sur les réalités de la mesure de ce "bonheur insoutenable" (3), et dont l'un des sens - non le moindre - consisterait à faire croire que l'économique n'est plus au centre du monde, que la création de valeur n'est plus l'unique préoccupation, celle qui mobilise, de fait, TOUS les esprits - soit parce qu'ils n'ont pas le choix, soit parce qu'ils le valent bien.

L'humain, le vivant, continuent de danser sous les cendres. Le feu sera la seule mesure de notre aurore.

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NOTES, SOURCES & LIENS

1 - http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2012-04-02-bonheur

2 -  01/04/2012, 10:48PAR PIM :  "La production capitaliste est toujours basée sur la valeur liée à l’extraction du sur-travail. Ce qui distingue le capitalisme de toute autre forme sociale est le fait qu’une forme de richesse spécifique y règne : la richesse abstraite ou valeur, qui revêt la forme de l’argent et se mesure par le temps-travail nécessaire à la production des marchandises."

http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/280312/neoliberalisme-pourquoi-tu-nous-tiens

3 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Un_bonheur_insoutenable 

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