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Billet de blog 16 mai 2013

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Hollande, Socialismo o muerte.

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Seconde conférence de presse du quinquennat. Marque la fin de l'an 1 et donc le début de l'an 2. Le président arrive comme une fleur, la démarche légère pour venir se poster devant son pupitre, face aux journalistes, sous les ors du palais. A sa droite, l'aréopage des ministres, sagement alignés en soutien. Le ton est jovial, rond comme une promesse, à peine empreint de solennité. C'est son style. Le meilleur du bonhomme sans doute. Un certaine aptitude au bonheur. Du moins en apparence. Le discours est rodé, l'homme a du talent. Il est habile et les éléments de langage peu à peu se dévoilent. "Offensif", le mot est lâché. Il reviendra à l'envi le temps du propos liminaire, et encore lors de la séance de questions. L'homme semble à l'aise, alerte. Parfois, sous l'épais manteau d'une langue de bois finement ouvragée, perce une once d'humour. C'est la marque Hollande, la petite blague toujours en poche. Je regarde et me dis que décidément l'homme est malin. Malheureusement pour nous...

Qui suis-je?

Qui est-il? la question lui est posée par un journaliste. La réponse en soi vaudrait un chapitre tant elle est subtilement sybilline. Il commence par une longue inspiration, qui suis-je? le temps suspend son vol, un frèle moment de vérité aux allures d'ange passe. Terrible question...  Qui suis-je? semble-il se répéter mentalement  comme si la réponse ne venait pas d'elle-même. Puis la réponse tombe enfin. Socialiste. François Hollande est Socialiste. Qu'on se le dise. Pas social-démocrate, non non, Socialiste. Il prend soin de préciser qu'il n'a pas dirigé un parti social-démocrate mais un parti Socialiste. "Socialismo o muerte"... On l'attendait Social-démocrate, le voilà Socialiste. La nuance est de taille. C'était pourtant le moment rêvé pour assumer sa trajectoire, lui le fils naturel de Delors, l'héritier de la deuxième gauche, les clubs Témoins, la fondation St Simon et tout le toutim... Le nécessaire aggiornamento de la gauche version vieilles lunes, lui, le réformiste, le moderne. L'homme qui ferait passer la fameux cap à une formation politique régulièrement pressée de faire son "outing". Rien, nada, "Socialismo o muerte". Hollande est décidément là où on ne l'attend pas. Aime-il le jeu? est-ce un caprice de monarque Républicain agacé par une question de journaliste, ou bien une Nième manoeuvre visant à noyer le poisson pour mieux effacer ses traces?. Mystère. L'homme est opaque. A force de vouloir ménager la chèvre libérale et le chou Socialiste, à force d'hésiter pour mieux sauvegarder ses arrières, il prend pourtant un risque majeur, celui de mécontenter tout le monde, ses ennemis comme ses alliés. Pire, puisque désormais tout est affaire d'image, il renforce chez ses détracteurs (qui sont légions) le sentiment qu'il est incapable de définir sa ligne. A droite, on s'en donne à coeur joie. Dans sa propre majorité, il distille le doute, poison mortel en politique. En fait, tout semble confirmer qu'il gère le pays comme jadis son parti, comme lorsqu'il règnait à Solférino. Ce ne serait pas si grave s'il était par ailleurs capable et de souplesse et d'autocritique. Las, malheureusement il n'en est rien. Ses efforts à laisser accroîre que son obstination à conserver le même cap serait plus un gage de rigueur et de sang-froid qu'une d'absence d'initiative sont pathétiquement vains. Cela risque non seulement de lui coûter à terme son trône, monarque républicain impotent, faute de soutiens politiques dans sa majorité présidentielle, mais également d'abimer durablement la crédibilité de la France sans parler des conséquences économiques qui par essence sont lourdes et compliquées à réparer dans un contexte aussi dégradé.

A la croisée des chemins.

Le choix est là, devant lui, aussi tranchant que le fil du rasoir et étroit comme le chat de l'aiguille. Soit il s'engage dans la logique de sa formation politique et de son itinéraire sur la voie sociale-libérale, mais alors il devra assumer cet héritage et la boite à outils qui va avec. Soit, ce qui est parfaitement inconcevable à ce stade, il ressource le projet Socialiste en le modernisant et prône une politique contracyclique de relance Keynésienne tout en assumant un bras de fer et avec l'UE et l'Allemagne. Entre ces deux voies, également escarpées, mais de nature bien différentes, notre pauvre président hésite et ne parvient pas à trancher. Il poursuit à petits pas, de plus en plus péniblement sur sa ligne de crête, à la merci de la première bourrasque venue. Pire, il continue obstinément à sous-estimer largement le périmètre d'une crise qui n'est pas qu'économique, mais bien plus largement de valeurs et de civilisation, en estimant qu'elle est cyclique et que la croissance, telle une comète finira par revenir. Or, rien n'est plus faux. Tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu à l'économie et qui chaussent les bonnes lunettes le savent.

Donc François Hollande est Socialiste. Et offensif. Tout le monde est prévenu. Il va pleuvoir comme à Gravelotte. Sonnez buccins et trompettes; retantissez cors et tambours, braves gens, planquez vos avoirs, protégez vos actifs. Quant aux retraités, ils vont devoir s'habituer à nouveau aux topinambours.

Refonder la gauche

Après les amers lendemains de défaites, lorsque la droite sera à nouveau aux affaires, il va donc falloir refonder cette gauche en mille morceaux et ce sera assurément un casse-tête. Car dans les têtes justement les blessures seront profondes. D'ailleurs, on peut légitimement se demander si la gauche parviendra à se régénérer sous sa forme classique, au vu des temps inédits que nous abordons. Le recours à une personnalité tutélaire ou providentielle, même si à droite ou à l'extrême-droite cette option là ne fait guère de doute, sera infiniment plus compliquée à gauche, courant travaillé par l'idée, propre aux lumières, du renouvellement et du progrès. Car au-delà des affres présentes et à venir de cette crise, de ses conséquences économiques, nous sommes collectivement plongés dans une période sombre, privée d'horizon de progrès. Quel grand projet, quelle dynamique de renouvellement d'ampleur pourrait représenter suffisamment d'espoir pour nous conduire à dépasser les clivages politiques et mettre en branle toute notre société vers un avenir meilleur? L'Europe? Elle a longtemps représenté, notamment pour nos générations, un formidable défi et un horizon de progrès dans lequel il était possible de se projeter. Malheureusement, dans sa configuration actuelle, néo-libérale, elle ne représente plus guère d'espoir. Pire, elle est devenue ces dernières décennies un véritable repoussoir, "intrumenté" pernicieusement d'ailleurs par une classe politique en recherche éperdue de légitimité. Les peuples consultés, elle serait immanquablement recalée. L'Europe ne divise même plus, elle fait l'unanimité contre elle.

De tous temps, les idées de gauche, ont nécessité une mobilisation intellectuelle plus intense que celles de droite. Ce n'est pas leur faire insulte que de l'écrire. Cela tombe sous le sens. Là est peut-être d'ailleurs le véritable drame de l'histoire. Nous payons aujourd'hui le prix fort d'une doctrine qui s'est subrepticement insinuée dans tous les compartiments de notre vie, qui a gagné à bas-bruit une bataille idéologique qui ne disait pas son nom. Le néo-libéralisme a remporté la première manche. Inutile de le nier. Et c'est peut-être là le véritable paradoxe de l'histoire, car c'est au moment même où il met un genou à terre, épuisé par ses propres turpitudes et ses échecs répétés, qu'il triomphe dans nos têtes: L'individualisme, le consumérisme, l'absence navrante de conscience citoyenne (même si des îlots résistent ça et là) la désertion des urnes, l'à quoi-bontisme généralisé au sein de la société et au coeur même de l'entreprise, tous ces maux en découlent. En chemin, nous avons juste oublié de faire société. Le confort nous a confis. Et ce sont les tenants de la gauche sociale-démocrate qui en portent sans doute la plus lourde responsabilité. Comme l'écrivait voici qq années Jacques Julliard, l'ancien éditorialiste de l'Obs, à présent chez Marianne  "c'est au moment où les sociaux-démocrates regardaient en l'air que le néo-libéralisme leur faisait les poches...

Le temps, toujours le temps...

Du temps, il en faudra. Mais en avons-nous assez? notre seul espoir, c'est peut-être et paradoxalement cette crise, qui peut, si elle s'accentue, et je crains que ce soit le cas, agir comme un véritable accélérateur de l'histoire. On fait souvent le parallèle entre la période actuelle et les années 30, mais même si la comparaison semble tenir, il y a un point essentiel qu'il faut néanmoins prendre en compte, c'est le degré d'instruction moyen de nos contemporains. Cela n'a plus rien à voir. J'ajouterai une autre chose, à mes yeux capitale, bien que très discutée et controversée, c'est l'avènement de l'internet et des réseaux électroniques. Transversaux, incroyablement actifs, le réseau des réseaux et tous ses nombreux dérivés inaugurent un nouveau rapport au monde. On a pas fini d'ailleurs d'appréhender à quel point cette technologie aura bouleversé ce début de siècle. Mais c'est un autre débat...

Une course de vitesse est donc engagée. Parce que la crise, tel un bolide poursuit sa trajectoire et accélère, indifférente à nos petites affaires. Parce qu'elle sème le doute, la misère et qu'un néo-fascisme protéiforme prospère dans son sillage et déferle sur tout le continent Européen. Car la tentation du repli identitaire, de la pulsion nationaliste ou religieuse est infiniment plus simple que l'idée des droits de l'homme et l'universalité des lumières. Parce que la part d'ombre qui dort au fond de nous, n'est qu'assoupie. Toujours.

Il faudrait donc agir avec célérité. Oui monsieur le président, être offensif, et pas seulement en paroles. Allumer des contrefeux, pratiquer de vigoureuses politiques contra-cycliques car il y a urgence. Proposer un véritable changement de paradigme, en particulier une nouvelle éthique mêlant l'écologie au social. Relancer notre économie en mettant véritablement au pas la finance dérégulée et en finir enfin avec les paradis fiscaux, véritables cancers démocratiques qui métastasent. Une sixième République serait un bon re-départ, un bon signal de changement. Malheureusement, on ne voit rien venir de comparable. Et le drame veut que ce soit cette gauche au pouvoir qui privée d'initiative, comme effondrée en elle-même, confite dans ses certitudes erronées, ne parvienne plus à rien. 

Mais François Hollande a l'air content de lui. Son second grand oral vient de s'achever. Il sourit à la presse. Il est soulagé. 

Offensif et Socialiste qu'on vous dit...

Pinelli.

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