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Billet de blog 30 mai 2013

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L'EUROPE "BOUNCY CASTLE"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Trop c'est trop. Les recommandations, que dis-je, les injonctions, hier de la commission Européenne en matière de réductions des déficits publics ont provoqué un tollé, et cela même parmi les Européens les plus convaincus. A l'image de l'éditorialiste vedette de France Inter, le très honorable Bernard Guetta, qui se matin s'est fendu d'un éditorial qui a bien failli me faire griller un feu rouge. Selon lui, ce nième train de recommandations de la commission pourrait bien être le dernier convoi tant l'exaspération qu'il a provoqué est grande. Car enfin, dit-il de quelle légitimité populaire la commission se réclame-elle pour oser s'immiscer ainsi dans les politiques des états-membres? d'aucune, ses commissaires étant nommés par les dirigeants des 17 membres actuels de l'Euro, majoritairement libéraux souligne Guetta.

Voici donc l'Europe actuelle "bouncy castle" à moitié dégonflé, impopulaire et illégitime. Contestée dans la rue, et bientôt au sein même des états qui la composent. La réaction du président Français hier a été immédiate, mais procède, comme toujours, d'un double discours désormais classique, qui n'est d'ailleurs pas l'apanage de François Hollande et qui consiste à fustiger l'Europe depuis Paris et à s'agenouiller pieusement lorsqu'on est de passage à Bruxelles. Nous touchons là à un vice de forme terrible de la construction Européenne. En effet, ses états membres ont constamment joué avec l'impopularité de Bruxelles tout en signant chaque traité qui l'accroissait avec l'inconséquence aventureuse propre à une certaine pratique de la politique. En d'autres termes, conscients de la fragilité d'un édifice en construction, aux fondations incertaines qui plus est, il était impensable de critiquer l'Europe ouvertement. Or, le courage politique étant une vertu rare, aucun dirigeant ne s'est risqué à le faire. Là est bien le problème. Si l'Europe avait été amendée puissamment, intelligiblement et intelligemment avant, peut-être n'en serions-nous pas là. Mais l'histoire en a voulu autrement. Pusillanimes, la plupart des dirigeants l'ont fustigée à domicile, l'instrumentant ensuite systématiquement à des fins de politique intérieure. 

L'Europe ennuie.

La grande majorité des médias, prescripteurs d'opinion s'il en est, a quasi systématiquement exclu de ses dossiers un thème qui enquête d'opinion après enquête d'opinion auprès de ses lecteurs, aurait montré le désintérêt profond des citoyens à son égard. Les années ont passé. Le poison aussi. Les citoyens, faute "d'Europédagogie", se sont peu à peu désintéressés de l'aventure l'Européenne, comprenant goutte à son fonctionnement, et n'entendant finalement résonner comme discours dans l'agora que les plus saillants, lesquels, de scrutins en scrutins prenaient peu à peu le goût doucereux d'une vérité inavouable.

Nous sommes en 2005. Les Français, consultés par référendum et après une campagne qui restera dans les annales peut-être comme la première du genre avec l'irruption d'un nouvel acteur sur l'échiquier démocratique - j'ai nommé le citoyen instruit et critique- rejettent avec une nette majorité le projet de constitution Européenne. C'est un coup de tonnerre dans le ciel bleu de l'Europe. Peu de temps après, ce sont les citoyens Néerlandais qui emboitent le pas à la France. Mais qu'à cela ne tienne: aucunement questionnée par les résultats et les enseignements de ces scrutins, l'Europe choisit la voie autoritaire. Le traité sera ratifié par voie parlementaire, et cela au mépris total de la démocratie la plus élémentaire. L'Europe a choisi de passer en force. Mal lui en a pris. Lorsqu'on congédie la démocratie, elle a la fâcheuse tendance à revenir par la fenêtre. Il ne faut pas chercher ailleurs l'impopularité croissante de l'Europe. 

#ResetEurop

L'Europe reste pourtant une grande idée. Dans le monde qui vient à grands pas, une entité solidaire, solide et valide vaudra toujours mieux qu'un petit village gaulois isolé et fortifié. Alors cette Europe rêvée, il nous faudra la construire, ou plutôt la reconstruire. Tout d'abord, bâtir un consensus autour d'un diagnostic clair et courageux. Accepter l'idée que l'Europe dans sa forme actuelle contient les germes mêmes de son déclin. Une Europe impopulaire est condamnée soit à mourir à plus ou moins brève échéance, soit à opter pour la tentation impériale. Dans l'un ou l'autre des cas, elle se butera à une force largement sous-estimée par les architectes Bruxellois, qui ces derniers temps est en phase d'acquisition de vitesse, et qui à trait à la puissance identitaire historique des l'états-nations. Partout en Europe les forces réactionnaires montent. Pays-bas, Royaume-Uni, France, Italie, Grèce etc... dans tous les pays durement frappés par la crise, ou en passe d'être percutés par elle, montent des forces politiques centripètes, qui prônent le retour à l'Etat-nation dans sa forme ancienne. Surfant sur l'impopularité de l'Europe décrite plus haut, ces partis jouent sur du velours, et les citoyens séduits par un discours simpliste sont désormais convaincus que l'Europe n'est pas la solution, mais le problème. 

And now?

Si l'on veut conjurer ces forces qui menacent nos démocraties et doter notre espace continental de vraies protections et d'un ensemble cohérent, visant à harmoniser les normes sociales, fiscales, à mutualiser les dettes de sorte de desserrer le noeud coulant qui étrangle nos concitoyens, il faut d'urgence procéder à un "reset" de l'Europe. Appeler immédiatement à une conférence majeure, où l'essentiel serait mis sur la table, sans tabous ni faux-semblants. Toutes les forces démocratiques sincèrement Européennes, de gauche comme de droite, conscientes des dangers que l'Europe dans sa forme actuelle fait peser sur nos démocraties doivent parler d'une même voix et faire émerger un nouveau courant panEuropéen, une sorte de CNR à l'échelle Européenne appelant de ses voeux à un "reset" général de l'Europe, à une refonde de ses institutions donnant la prévalence au parlement, seule instance légitime, et conduisant donc à un retour de la démocratie au coeur même de l'Europe. Si, comme je le crains, car je ne suis pas naïf contrairement à ce que laisserait entendre les lignes précédentes, l'Europe faisait fi de ces avertissements dont je ne suis que le modeste colporteur, alors de Charybde en Scylla l'idée Européenne entrerait dans une nuit d'encre entrainant toutes nos nations dans une régression majeure à l'échelle d'un continent dont l'histoire nous rappelle à quel point les équilibres géopolitiques sont fragiles...

Pinelli.

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