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Billet de blog 15 octobre 2010

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Justice pour la "folie"?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme chacun ici le sait, une loi mijote en sourdine, jusqu'au jour où elle sortira dans un "panier de textes", histoire de noyer le poisson.

Une loi qui, entre autres dispositions que vous trouverez ailleurs, dans l'édition locale des "Contes de la Folie Ordinaire, prépare la facilitation des "incarcérations thérapeutiques" et l'accroissement notable des contraintes et restrictions à la sortie des patients.

Une loi qui préjuge aussi de la nécessité d'obligation de soins y compris à domicile; une loi qui définit, sur des critères experto-administratifs, des sous-catégories de malades, en une curieuse échelle de dangerosité; une loi qui met loin derrière le pouvoir préfectoral les interventions potentielles du juridique, y inclus le juge des libertés et de la détention (ou des lieux privatifs de liberté, comme vous voulez).

Les Rendez-Vous de l'Histoire, qui se tiennent à Blois tous les ans, ont décidé cette année de traiter de la Justice.

Dans ce cadre, une conférence avait lieu à l'Ecole des Ingénieurs du Val de Loire, sur le thème "la justice et ses fous". Quatre orateurs ont pris la parole: Madame Guignard, historienne, Madame Magnan, psychologue expert auprès des tribunaux, Monsieur Senon, professeur de psychiatrie et spécialiste des situations médico-légales, et Monsieur Gelvy, administrateur de l'UNAFAM (union des familles et amis des malades mentaux).

Loin de moi l'idée d'en faire un compte-rendu journalistique.

Mais si l'historienne nous a accompagnés dans un périple allant de la Rome antique à 1820, en passant par les faits de la Révolution, explicitant les cheminements politiques et socio-culturels permettant d'éclairer la loi qui a cadré pendant plus d'un siècle la question de l'irresponsabilité pénale des aliénés, c'est surtout sur les trois autres interventions que je souhaite... intervenir.

Les deux psy ont joliment illustré leurs propos d'exemples humains, qui parlaient de la souffrance, à distance pondérée des passions agitées lors des crimes de malades; je dirais sagement. Et puis ils se sont retrouvés sur une idée force: le chemin de la compréhension des faits est barré par toutes sortes de considérations, du jugement en procédure immédiate où le temps n'existe pas, mais la décision pénale, si, au poids de l'imaginaire collectif, qui tend à renforcer les peines pour les crimes incompréhensibles et/ou étranges, quand bien même l'explicitation apparaît superfétatoire dans le le temps des jugements.

S'ils ont fini par dire, tous deux et fermement, qu'en réalité, dans la justice actuelle, marquée, ce n'est pas moi qui le dit, d'influences néolibérales inquiétantes dans toute l'Europe, il s'agit à présent d'une -je cite- justice de la peur...

Ca se passe à mon sens de commentaires.

Par contre, je voudrais insister sur le fait que le représentant officiel de l'UNAFAM, association connue pour des prises de positions favorables au projet de loi sécuritaire au niveau de son lobbying national, a déclaré sans ambages la même chose que les deux intervenants précédents: en substance un refus clair et net des mesures coercitives prévues; en précisant de surcroît qu'il est question de bien comprendre que les comportements des malades ne sont que l'inflation spectaculaire, exagérée, de nos propres comportements dans la vie normale, et qu'ils méritent compréhension et respect...

Ceci n'en a peut-être pas l'air, pour les gens qui sont loin du problème, mais c'est un véritable renversement de tendance, qui ouvre sur des espoirs réels de barrer la loi folle qui prétend régenter la stigmatisation et l'enfermement des "fous", en tant qu'ils nous font peur! Risque zéro n'est plus à la mode, qu'on se le dise.

JC Duchêne, psychiatre

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