Bon jour!
En ce jour de la fête patronale de mon jeune frère, je ne vais pas la lui souhaiter; tant est valorisé dans notre société repue le rite au détriment du sens; je sais qu'il ne m'en tiendra pas rigueur; tant il est en phase avec moi sur ces questions.
Dernièrement, il m'est arrivé de vouloir "faire sa fête" à mon journal en ligne, et, par effacement volontaire, j'ai éliminé mes crises de rage (y compris en autocensurant mon dernier blog, car la colère est mauvaise conseillère). Il n'y a pas lieu de faire la fête, même à son journal, même à toute forme de scénario autoréalisateur. Le malheur transcende tout ça, et il est, regard étant, notre quotidien.
Car je me suis rendu compte que, si, par inédite expérience, je me sentais "empli" dans ce medium de tant de nouvelles relations sociales, tout ça n'était en réalité qu'illusion, comme au fond tout ce qui est virtuel, de la pensée auto-proclamée à la critique acerbe (contre quoi, du reste), de l'espoir délirant d'être entendu et apprécié aux guimauves d'adulations aussi temporaires qu'illusoires, de la croyance précaire d'être lu pour ce qu'on a envie de dire aux coteries de parlation entre supposés initiés...
Cher, trop cher, en matère de folies inutiles, père noël, je ne vous envoie ici aucun message. Juste envie de dire à ceux qui croient en vous qu'ils sont exactement dans la position des crétins que le réel n'atteindra jamais. Juste envie de dire que l'illusion du bonheur, ça suffit comme ça! Il fait moins dix degrés dans bien des non-lieux où essaient de survivre des gens, et vous êtes supposé distribuer des "consoles" à des bambins ignares et riches.
Cher, insupportablement cher père noël, vous êtes supposé vous cramer lamentablement en descendant dans des cheminées allumées; or dans bien des mal nommés "foyers", ça caille; si c'est plus facile pour vous, paradoxe illustre des descentes de cheminées, ça ne dit rien de la pauvreté que vous auriez du prendre en compte; à ce titre, je vous hais!
Indignation, dit l'autre? Ceci implique que nous nous sentirions indignes; indignes de ce que nous supportons (au sens des supporters) de nos mutuels cris de révolte aisée, complaisante, de nos manifestations qui n'ont aucune action sur le réel, de nos offusquations gratuites, à l'abri dans nos "masures" bien chauffées et bien fermées à celui qui a faim et froid.
Ce soir, j'ai honte de moi, j'ai honte de mes co-commentateurs, j'ai honte de notre journal en ligne, j'ai honte du programme de congés de nos ministres, j'ai honte de la fermeture pour trève des confiseurs de tous les services qui sont présumés assister les plus démunis d'entre nous. Pour le nouvel an, je vais, comme l'an dernier, apporter du foie gras et un chèque en vue de logement de gens par ces grandes froidures à "Restaus du Coeur", sans illusion sur ce que les successeurs de Coluche en ont fait, mais juste par principe, tout en sachant que je me plante sur l'essentiel...
Le journal qui me permet de m'exprimer ne semble néanmoins pas très agité sur le respect de la loi DALO, pas très excité sur les arcanes de la pauvreté ordinaire, pas très porteur sur les injustices au jour le jour de cette société qui laisse tant de gens sur le bas-côté de la route.
Cher, trop follement cher père noël, mets, s'il te plaît, dans les chaussons fourrés de Plénel un petit hérisson en forme de malheur ordinaire, qui le gratouille au point que la ligne éditoriale puiise devenir, bien au delà des minables protestations des abonnés, une attaque en règle contre toutes les inégalités de base, celles qui font non le substrat des affaires politiciennes, mais celle de la survie, voire, au mienx, de la vie de nos contemporains.
Je le sais, je suis un "commentateur fou"; j'en parle en connaissance de cause, c'est mon métier. Mais, que diable, vous mes co-commentateurs, qui vous écharpez pour un mot de travers, pourriez-vous au moins un moment laisser de côté vos bisbilles érotisées pour défendre ensemble quelque chose qui vous transcende: le secours de votre prochain; le Tsigane chassé, le fou enrégimenté, le sans abri à demi congelé, l'expulsé de droit divin, le fiché à la banque de france, le voisin malade, le vieux solitaire, le Somalien persécuté, et...tous les forçats de la faim.
J'en ai marre de tout ce vent que nous déplaçons pour notre seule jouissance, et vous adjure, sinon de vous indigner, du moins de marquer votre histoire (et la nôtre commune) de quelques jurons agis bien ciblés.
A vôt' bon coeur!
JCD