Voilà un jour qui n'aurait pas existé dans le calendrier républicain: le 31!
jour si désepérant que je me demande si j'ai bien compris la vie et les jours...
Faute de reportages de fond sur ce que sont ces gens qui voguaient vers Gaza, j'ignore tout de ce qu'ils veulent, des pressions orchestrées, des manipulations souterraines qui les agissent, des armes planquées dans les cales, de la haine hypothétique qui les animait, ou de leurs motivations pacifiques et solidaires. Il est vrai que les dix neuf morts ne pourront pas (m') en rendre compte.
Y avait-il des armes destinés à ce foutoir qu'est le Hamas? je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que ces petis bateaux n'auraient jamais pu transporter les armes de destruction massive que possèdent leurs "copains d'en face". Par contre, il semble avéré qu'ils apportaient dans leurs flancs quelques denrées bien innocentes à des frères humains qu'on interdit de tout commerce avec qui que ce soit, en dépit des courageuses (!) décisions de l'ONU et des protestations polies de la plupart des pays nantis de la planète.
Monsieur Israël, Madame Palestine, où sont passées vos racines les plus anciennes, celles d'une histoire sémite commune, que les religions ont faussée au point d'oublier Abraham, non en tant que figure religieuse, mais en tant que promoteur du changement le plus radical et le plus humanisant, même à son corps défendant: celui d'acter le symbole du sacrifice plutôt que la barbarie du meurtre sacrificiel?
Mon cancer personnel me fait rigoler, quand je vois à quel point le cancer de la haine taraude vos peuples et vos élites. Mais où diable (c'est le bon mot, non?) sont passés dans vos contrées les tenants de la paix et de la compréhension réciproque? Je ne peux m'empêcher de penser au "Pilpoul", ou quelle que soit son orthographe, qui fait du peuple -terminologie culturelle et non religieuse- juif le parangon de la palabre dialectique, celle qui est capable, sans fin, de remonter jusqu'à la terre-mère, et d'articuler tous les points de vue sans les castrer au nom d'une incertaine raison ou au nom des vengeances dédiées à l'histoire.
Depuis la nuit des temps, dans cette région du monde, tous les avatars conflictuels de la "guerre primitive" ont joué à dissimuler la seule cause qui vaille au delà des analyses à l'emporte-pièce: le combat pour l'eau; l'eau et le désert, le désert et l'eau; la mort guettait, les hommes se sont déchirés pour leur survie, sans piger un seul moment que c'est en s'unissant qu'ils auraient les meilleurs chances.
Dans les sinistres débats, en France, sur l'identité nationale, je pensais à cette histoire recueillie, il y a bien longtemps, dans un bus de Yaoundé où la cohue forçait les gens à se bousculer pour y entrer: un gars râle; l'autre: "qui es-tu, et combien gagnes-tu, pour me parler sur ce ton?" Pas si loin de la question de savoir à qui appartient la terre, de droit divin (tu parles, dieu est à l'infini, donc la terre devrait être à l'horizon...) ou de droit du sang, ou d'autres fariboles. L'identité humaine, n'est-ce pas le droit d'être debout, sur deux pattes, et de ce fait de pouvoir envisager à la fois un usage des mains pour autre chose que marcher, et la possibilité de regarder vers l'avenir, de le penser, de le parler?
Et d'être debout quelque part, là où, après la prime enfance, on s'est levé à la verticale. De connaître ce "droit de l'homme" singulier, que personne ne pourrait plus jamais vous remettre à terre, jusqu'à ce que le fossoyeur s'en mêle. Même si vous êtes une brute, même si vous puez le venin de la haine, même si vous êtes fanatisé au point de tuer aveuglément. J'en appellerais volontiers à Badinter, pour défendre ce droit, et à mon désespoir, pour tenter de refuser encore ce que trop de gens nous exposent comme un fait acquis: Palestiniens et Israëliens ne sont plus des hommes, ce sont des Palestiniens et des Israëliens, des ennemis, bien commodes pour ce monde actuel qui a tant besoin de points de cristallisation pour évacuer ses pulsions endogènes.
Je ne sais pas pourquoi, depuis ce matin pourri, je repense à Ian Palach