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Non. Ce sont les autres. Ceux qui dirigent leurs destinées. Ceux qui décident pour eux. Ceux qui ont le pouvoir. Pourquoi n’ont-ils rien fait ? Pourquoi ont-ils laissé faire ? Pourquoi sont-ils allés jusqu’à faire taire les bribes de protestations ? Jusqu’à les criminaliser même ? Est-il même possible de répondre à ces questions ?
Si encore c’était l’angoisse d’être associés à ce que la mémoire collective a érigé comme le mètre étalon de toutes les atrocités commises par l’homme… Ce serait quand même d’une absurdité aussi terriblement flagrante que contre-productive : ils peuvent bien donner autant de gages de judéophilie qu’ils le veulent, dresser autant de procès-verbaux en antisémitisme dont ils sont capables, l’histoire les rangera tous et toutes à côté des génocidaires de tout temps et de leurs complices. Ils ont beau ne pas appuyer sur la détente ou télécommander le drone assassin, ils sont les légataires et les continuateurs de la Solution Finale, les dépositaires de son esprit. Ce n’est pas parce que les victimes ont changé ou que celles du passé sont devenues les bourreaux d’aujourd’hui que cela change cette implacable vérité.
Il semble bien qu’ils aient la propriété intellectuelle des mots nazi© et antisémite© et si leur recours systématique à des accusations infamantes ou à des analogies qui profanent l’Histoire expose au triple risque de déprécier la réalité des faits qui la constituent, de désensibiliser la mémoire que l’humanité en a et de faire ainsi renaître ses causes profondes, ils n’en ont cure. L’énergie qu’ils déploient à estampiller du label antisémite© quiconque refuse de souscrire au projet colonial et génocidaire israélien est sans précédent dans l’histoire récente de la propagande. Même le brouillard médiatique autour de la guerre en Ukraine fait figure de passe-temps en comparaison. Le qualificatif est employé à tout va sauf pour ceux à qui il est supposé s’appliquer. Mais le problème est ailleurs : si tout le monde devient antisémite©, qui l’est vraiment alors ? À bien y regarder, est-ce que ce ne serait pas plutôt leur obsession à tout ramener à la judéité qui constituerait un indice d’antisémitisme ? Qu’y aurait-il d’autre derrière l’insupportable inhumanité que suggère cet abîme entre l’indifférence d’un microcosme de privilégiés devant le spectacle de parents transportant dans leurs bras les lambeaux de leurs enfants et l’indignation de ce même microcosme pour une affiche représentant un âne médiatique ? Le souci, voyez-vous, c’est que cet âne est juif ! Leur précipitation à qualifier cette affiche de caricature est révélatrice : c’est son vrai visage, il est bien là, à nous narguer, c’est lui, sans trucages ni traits exagérés et hormis ce clair-obscur et la contre-plongée, sa photo n’est pas modifiée, pas « photoshopée ». S’ils y voient une caricature, ce n’est pas parce que c’en est une mais c’est parce qu’elle correspond à l’image qu’ils se font des Juifs : menaçants et dans l'ombre. Désolé pour les ânes, ils ne méritent pas la comparaison.
Au fond, c’est quoi, être antisémite© ? On croyait le savoir. On nous avait toujours enseigné que c’était la haine explicite des Juifs, la vénération jusqu’à la nostalgie des idées qui ont conduit à les entasser dans des wagons en partance pour la mort. Alors, peut-on vraiment croire que critiquer un individu pour ses propos ou ses actes, être en profond désaccord avec lui, le railler même, serait antisémite dès lors qu’il se révèle être juif ? Est-ce vraiment dénoncer la politique génocidaire d’un pays, fut-il composé majoritairement de citoyens de confession juive ? Ou bien est-ce insulter lesdits citoyens, les traiter de fils de pute parce que la majorité d’entre eux soutient, rit, applaudit ou appelle aux massacres d’enfants ? Pour répondre, il faudra interroger ceux qui ont théorisé l’antisémitisme, qui l’ont pratiqué allègrement et sans complexes. Florilège.
C’est uniquement en France que l’on remarque aujourd’hui un accord secret, plus parfait qu’il n’a jamais été, entre les intentions des boursiers, intentions dont les Juifs sont les représentants, et les vœux d’une politique nationale inspirée par le chauvinisme. Et c’est précisément cette identité de vues qui constitue un immense danger pour l’Allemagne. C’est pour cette raison que la France est, et reste, l’ennemi que nous avons le plus à craindre. Ce peuple, qui tombe de plus en plus au niveau des nègres, met sourdement en danger, par l’appui qui il prête aux Juifs pour atteindre leur but de domination universelle, l’existence de la race blanche en Europe.
Adolf Hitler, in Mein Kampf
Piller, voler, pervertir, abrutir, polluer, saigner tout ce qu’il rencontre, pudeur, musique, rythme, valeur, c’est le don du Juif, son antique raison d’être. Égypte, Rome, Monarchies, Russie, demain nous autres, tout y passe. Il macère la moindre des littératures comme les plus grands empires, même « Art e Taichnique », à la satanerie, aux venins, aux plagiats, aux incantations, aux escroqueries de mille sortes.
Louis-Ferdinand Céline, in Bagatelles pour un massacre
Les procédés sont différents, le résultat est le même. On retrouve ce qui caractérise la conquête : tout un peuple travaillant pour un autre qui s’approprie, par un vaste système d’exploitation financière, le bénéfice du travail d’autrui. Les immenses fortunes juives, les châteaux, les hôtels juifs ne sont le fruit d’aucun labeur effectif, d’aucune production, ils sont la prélibation d’une race dominante sur une race asservie.
Edouard Drumont, in La France juive
De plus, si les Allemands pratiquaient un antisémitisme de race (nous disons : de peau), le nôtre est : d’Etat ; il s’agissait de nous opposer (nous) à une coalition politique et économique de citoyens étrangers organisés chez nous en manière de peuple conquérant ou d’Etat dans l’Etat. Mais nous traitons en concitoyens, compatriotes, et vrais nationaux historiques les hommes d’origine juive qui se sont assimilés à la vie séculaire de la France.
Charles Maurras, in « Cahiers Charles Maurras », nº 25, 1968
On voit bien que ça n’a rien de commun avec la dénonciation des crimes israéliens. Qu’au contraire, le plus frappant derrière ce qui n’est finalement que le Saint-Patron de toutes les théories du complot, c’est de constater à quel point l’antisémitisme est intimement lié au sionisme, dans un rapport symbiotique où l’un et l’autre se nourrissent et se renforcent mutuellement. À tout antisémite© qui a jamais souhaité voir disparaître les Juifs de son espace vital, le sionisme a apporté la solution. Hitler lui-même, en première instance, n’envisageait pas autre chose pour les Juifs que leur bannissement du Lebensraum. Au sionisme, l’antisémitisme a offert et offre encore ses cohortes de colons.
Balfour considérait l’établissement d’une patrie pour les Juifs en Palestine comme la meilleure solution à ce que l’on appelait communément le « problème juif » de l’Europe – une solution qui reflétait et incarnait la croyance antisémite centrale selon laquelle les Juifs étaient un corps étranger causant des problèmes à l’Europe chrétienne.
Balfour était un antisémite notoire qui, en tant que Premier ministre, a soutenu et fait adopter la loi de 1905 sur les étrangers (Aliens Act) qui visait à freiner l’immigration des pays d’Europe de l’Est, et en particulier des Juifs, en Grande-Bretagne.
Lamis Andoni, in From Balfour to Obama, aljazeera.com
Objectivement, l’allié idéologique du sionisme est l’antisémitisme. (…) Historiquement, ce sont l’antisémitisme et les vagues de persécution endurées par les Juifs qui ont nourri le projet sioniste. À chaque vague d’antisémitisme – qu’il s’agisse des Cents-Noirs en Russie, des Nazis en Allemagne ou du racisme en France –, de nouveaux groupes de Juifs étaient convaincus qu’il fallait qu’ils émigrent. Mais quand cela était possible, c’étaient vers les États-Unis, plutôt que vers Israël, que la plupart d’entre eux choisissaient de partir. Même par la suite, malgré les persécutions, la majorité des Juifs ne devinrent pas sionistes : pour eux, le projet sioniste était distinct, il poursuivait des objectifs qui n’avaient rien à voir avec le soulagement de leurs souffrances, du moins pas directement.
Azmi Bishara, in L’antisionisme est-il « une des formes modernes de l’antisémitisme » ?, carep-paris.org
Si la judéité est devenue ce champ de mines entourant le génocide des Palestiniens, c’est parce que c’est l’antisémitisme qui a fait Israël. Et aussi longtemps qu’Israël et la judéité ne pourront être séparés, comme on extrairait la tumeur d’un organe, l’entêtement morbide à faire de ses crimes commis au grand jour un acte de légitime défense contre l’antisémitisme, non pas dans un silence gêné — traitement d’ordinaire réservé à l’histoire souvent tragique des peuples d’Afrique — mais dans l’approbation quasi-unanime de ceux qui ont le pouvoir et les moyens d’y mettre fin, restera une mystification aussi terrifiante que dangereuse. Tuer mille Palestiniens en dix minutes n’a rien d ’un affrontement existentiel, c’est l’optimisation de la mise à mort, dans un esprit semblable à celui de la Solution Finale. Non seulement le « Foyer Juif » est devenu le pire endroit au monde pour être juif, mais les atrocités dont il se rend coupable depuis trois-quarts de siècle au nom de ce droit d’être juif font de lui le pire danger pour les Juifs du monde entier et d’une façon tout à fait inédite dans l’histoire de l’humanité, un terreau concret pour les futures graines de l’antisémitisme.
Alors, ne nous y trompons pas, ils ont beau dire que pour eux haïr Israël, c’est être antisémite©, aimer Israël, c’est sans le moindre doute l’être avec bien plus d’élan et de convictions. Et les preuves de la confluence entre le sionisme et l’extrême-droite, tous deux ferments réels de l’antisémitisme global, ne manquent pas. Quelle foutue différence y a-t-il entre Serge Klarsfeld, William Goldnadel, Yvan Attal, Sophia Aram, le RN qui va faire allégeance au sionisme barbare et génocidaire de l’État hébreu et la Hongrie d’Orban qui accueille le dirigeant israélien génocidaire ? Aucune. Les ennemis d’autrefois convergent désormais dans leurs projets respectifs de pureté raciale et la haine des Musulmans qui les anime. Et c’est peut-être à cet endroit précis qu’on peut trouver un élément de réponse aux questionnements qui introduisent ce texte : une haine qui en cache une autre. Dès lors, ce ne serait nullement une surprise que derrière les sourires, les chemises repassées et les larmes de crocodile, certains aient des pollutions nocturnes en rêvant de Gazas à la française.
Mais il y a une autre question qui taraude : est-ce que les accusations d’antisémitisme portées à l’encontre de la France Insoumise et particulièrement de Jean-Luc Mélenchon sont fondées ?
Elles ne datent pas d’hier. En 2018, lors d’une marche blanche en hommage à Mireille Knoll, victime d’un crime à caractère antisémite, Mélenchon et un groupe de députés de la FI sont expulsés manu militari par des nervis de la LDJ. La raison : leur soutien à la campagne BDS (Boycott, Désinvestissements, Sanctions) contre Israël. Rien à voir avec Mireille Knoll donc, mais le lien entre antisionisme et antisémitisme est déjà à l’oeuvre à ce moment-là et est présenté comme la preuve la plus solide de l’antisémitisme de la France Insoumise. À noter que Marine Le Pen, également persona non grata à cette marche, pour d’autres raisons, est huée mais parvient à aller jusqu’au bout sous protection policière. Dans un contexte de tensions accrues entre les forces de l’ordre et la FI, c’est un privilège dont n’a pas pu bénéficier Mélenchon. Au contraire, la police prend un malin plaisir à laisser la bousculade se dérouler et les injures être proférées sans accrocs en étant sûre que la scène soit bien filmée par les journalistes présents.
Au même moment en Angleterre, une campagne similaire commence contre le leader du Parti Travailliste Jeremy Corbyn, le plus à gauche jamais élu à la tête du Labour. Son élection avait fait dire au premier ministre de l’époque, David Cameron : « Le Labour représente maintenant une menace pour notre sécurité nationale, pour la sécurité de notre économie et celle de votre famille ». Rien que ça ! Corbyn non plus n’a jamais caché son soutien à la cause palestinienne.
Problème : en France, l’antisémitisme est un délit, pas l’antisionisme. Nombre de personnalités, majoritairement à l’extrême-droite, ont été condamnées pour antisémitisme : parmi les plus connues, le défunt père Le Pen, Alain Soral, Dieudonné mais aussi beaucoup de figures d’arrière-plan du Front National puis du Rassemblement National. En dernier recours, à bout de souffle ou par dépit, il serait donc facile d’arguer que ceux qui accusent la FI et Mélenchon d’antisémitisme n’ont qu’à les poursuivre en justice. Que s’ils ne le font pas, c’est qu’il savent très bien qu’ils perdront. L’argument est fragile, mais il n’en reste pas moins que le seul moyen que ces procureurs auto-proclamés ont à leur disposition, c’est de tout faire pour que soit admis l’équivalence entre antisionisme et antisémitisme. Dans les esprits, c’est pratiquement chose faite, dans la loi, c’est pas donné.
On sait que chaque parole, chaque mot est disséqué, scruté minutieusement sous les microscopes du grand laboratoire médiatique de Mélenchologie afin d’y trouver des traces d’antisémitisme. Éreinte-t-il seulement la figure de Léon Blum que le doute les habite soudain ! On en revient en quelque sorte au syndrome décrit un peu plus haut : si l’opposant ou le contradicteur est juif, il bénéficie d’une sorte d’immunité qui, si elle n’est pas respectée, et quand bien même sa judéité ne serait pas attaquée, fait automatiquement de l’auteur de l’estocade un suspect d’antisémitisme… Il ne restait, jusqu’à ce que la fameuse affiche la détrône, qu’une seule déclaration de Jean-Luc Mélenchon assez « problématique » pour représenter l’argument numéro un qui ferait la démonstration définitive de l’antisémitisme de l’Insoumis et par ricochet, de chaque membre de son mouvement politique, de ses militant(e)s jusqu’à ses sympathisant(e)s : dans un post de blog daté du 2 juin 2024, il dit en substance que — asseyez-vous, accrochez-vous aux accoudoirs, éloignez les enfants et ouvrez les guillemets — « l’antisémitisme reste résiduel en France. »
Toute personne qui a dépassé l’âge de huit ans sait que dans l’hypothèse où il aurait eu tort de le dire, ça ne représente absolument en rien un propos antisémite, tout au plus la minimisation d’un phénomène, et sans doute une conclusion à laquelle d’autres comme lui auraient pu arriver, à tort ou à raison. Lorsqu’on n’a jamais, ou tout au plus rarement, assisté de sa vie à un acte antisémite ou à l’expression de l’antisémitisme, comment ne pas en déduire que finalement ce délit soit « résiduel » ? Et si tant est que l’on se trompe (et tout le monde peut se tromper), est-ce que cela fait de nous des antisémites ? Au mieux, c’est léger. Très léger. C’est dire le peu qu’il y a à ronger sur l’os Mélenchon pour les soutiens d’Israël en France… et pour ceux qui voudraient l’évincer. Y compris et surtout à gauche. Car si Corbyn a pu l’être, c’est non seulement par manque de soutien populaire mais surtout en raison de l’hostilité qu’il suscitait au sein de son propre parti. D’ailleurs, le quotidien Libération, dès le lendemain, en fait des caisses en citant d’anciens compagnons de route de Mélenchon, anonymes bien sûr, qui se seraient éloignés à cause de son supposé antisémitisme : « Où va-t-il s’arrêter ? » « A-t-il pu à ce point changer ? » « Peut-on devenir antisémite à 70 ans ? » Certes, Mélenchon a mal choisi son moment pour dire que l’antisémitisme en France était résiduel : depuis le début de la destruction de Gaza et le massacre méthodique de ses habitants qui a démarré suite au 7 octobre 2023, l’antisémitisme en France et l’antipathie — et c’est un euphémisme — à l’encontre d’Israël ont naturellement augmenté. Les deux étant bien sûr allègrement confondus par les médias et par les autorités qui recensent les actes antisémites.
Quoi qu’il en soit, qu’en est-il réellement des actes antisémites en France ? Comme la curiosité n’est pas toujours un vilain défaut, s’en faire une idée assez précise, au-delà des effets d’annonces médiatiques, n’est pas chose impossible. Pour cela, les rapports de la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) sont un support plutôt fiable. Bien qu’ils donnent un certain nombre d’informations peu exploitables en tant que telles, on peut tout de même se concentrer sur le recensement par année des actes antisémites. En ayant pris la liberté de simplifier l’inventaire de ces actes en quatre catégories : (A) les propos et gestes menaçants (comprenant les propos verbaux comme écrits, c’est-à-dire les tags, inscriptions, tracts, messages en ligne…), (B) les atteintes aux biens (comprenant les vols, les incendies, les dégradations diverses), (C) les violences physiques, (D) les homicides. On résumera le contenu de ses rapports ainsi :
Dans le rapport 2020, sur un total de 339 actes antisémites (chiffre en baisse de plus de 50% par rapport à l’année précédente) : (A) 75% (B) 13% (C) 13%.
Dans le rapport 2021, il n’est fait aucun cas des différents types d’actes antisémites commis et seul le nombre total est donné : 589 actes antisémites. Nulle part ailleurs, on ne trouve d’informations sur les catégories commises. On peut probablement faire l’hypothèse que la pandémie de covid et les mesures sanitaires y ont été pour quelque chose.
Dans le rapport 2022, 436 actes antisémites sont recensés : (A) 83% (B) 7% (C) 10%.
Dans le rapport 2023, le nombre d’actes antisémites comptabilisés explose : 1676. Toutefois, le rapport s’empresse de préciser que ces actes se concentrent très majoritairement après le 7 octobre 2023. Ce qui indique très clairement la corrélation avec le conflit ayant lieu en Palestine et les crimes de guerre commis par Israël.
Comme en 2021, le rapport de 2023 ne donne aucune information quant à la nature de ces actes. Pour ce faire, on se réfèrera au site Statista qui fournit le contenu détaillé des actes antisémites commis sur l’ensemble de l’année 2023 : (A) 87% (B) 8% (C) 5%.
La première constatation que l’on peut faire sur l’ensemble de ces rapports, et particulièrement sur le rapport 2023, c’est que la vaste, très vaste majorité des actes antisémites sont en fait des propos antisémites, que ce soit sous forme verbales, écrites, tags, inscriptions ou messages sur les réseaux sociaux. S’il ne faut pas en sous-estimer la portée sous prétexte que ça ne serait que des paroles et non des actes, les unes conduisant souvent aux autres, on observera tout de même que les médias se gardent bien d’informer sur le contenu réel des actes antisémites, laissant circuler l’idée de facto largement répandue que la France serait perpétuellement au bord du pogrom. On déduira également que l’augmentation du nombre de propos antisémites en 2023 (et parions que c’est le cas en 2024 aussi) a sans le moindre doute bénéficié de la confusion volontaire entre les déclarations pro-palestiniennes, les manifestations antisionistes (qui ne sont pas reconnues comme de l’antisémitisme), les expressions de colères populaires contre Israël et de véritables propos antisémites.
L’antisémitisme en France persiste et ne doit pas être minimisé. Toutefois, son omniprésence dans un débat public qu’il submerge complètement contribue à la fois à éclipser la réalité de l’instauration progressive en France d’un racisme d’état, autrement dit systémique, ce qui est la pire forme de racisme et la plus dangereuse qui soit (et les Juifs en savent quelque chose) à l’encontre des Musulmans, mais aussi à hiérarchiser les racismes et au bout du compte, prendre le risque de provoquer un retour de flammes antisémite. Enfin, sans nier même que l’antisémitisme de gauche a existé et peut encore se manifester sous une forme plus ou moins furtive, si Jean-Luc Mélenchon a commis une ou des erreurs de jugement, ni lui ni la FI ne se réclament de cette gauche-là. Au contraire. Leur soutien à la cause palestinienne entre autant dans le cadre d’une lutte pour le droit des Palestiniens à vivre sur leurs terres en tant que citoyens à part entière d’un état palestinien que d’un combat contre l’antisémitisme dont l’explosion en France (et ailleurs) est clairement corrélée aux crimes contre l’humanité dont se rend coupable Israël.
Cui bono ?
Ceux qui ont un intérêt à voir tomber Mélenchon et la FI sont avant tout ses adversaires politiques qui se comptent aussi parmi ses « alliés », et les relais hexagonaux des intérêts israéliens auxquels les contestations, sans les entraver vraiment dans leurs objectifs coloniaux, font trop de publicité. L’État français, l’UE et le lobby militaro-industriel assistés par les médias sont aux commandes, suivis de près par tout le spectre politique de droite et une partie de la gauche « molle », Parti Socialiste et écologistes en tête, trop lâches pour soutenir la Palestine.
On l’a vu dans la première partie : si l’on veut trouver des « résidus » d’antisémitisme en France, à la manière des orpailleurs à la recherche d’un filon prometteur, au-delà de l’évidence mise en lumière dans l’entre-deux tours des législatives de 2024 d’une persistance vivace de l’antisémitisme au sein d’une extrême-droite qui ne parvient décidément pas à s’en défaire — chassez le naturel — et en dépit de ses courbettes à un État hébreu de toute façon indifférent à ses états de service, c’est aussi dans la boue de toutes les complaisances pro-israéliennes qui s’écoule de ces caniveaux qu’on suggèrera de le faire.