Moi, la méfiance, je suis la gardienne des clés de votre royaume intime. Je siège le tribunal de votre conscience et me cache dans votre inconscient. Arme ou bouclier, lit de vos angoisses ou couche de vos prudences, je réside dans votre for intérieur. J'assure votre sûreté en mettant vos sens en alerte. Je suis la retenue qu'on éprouve devant l'inconnu ou état de vigilance qui préserve de la duperie.
Légitime ou maladive, au gré des vents, vous avez le pouvoir de me dissiper, de m'éveiller ou de m'exciter. Fantôme de vos blessures encore ensanglantées, vous succombez à mes murmures. Suspicion, je vous impose de rester toujours sur le qui-vive. Une fois que je vous possède, il est difficile de vous défaire de moi. Le manque de confiance en soi, en l'autre, me nourrissent.
En ces temps modernes, omniprésente, je n'ai plus de repos, je suis de toutes les affaires au cœur de l'État. Les plus hauts m'instrumentalisent pour saboter le vivre-ensemble. Ils me brandissent pour semer le trouble et diviser.Mais je ne resterai pas inerte face aux discours accusateurs et sécuritaires. La trahison décuple mes forces.
Je ne porterai pas le poids des erreurs des élus. Je préfère être la voix du peuple, crier les abus en montrant la voie de la vérité. Il est urgent de cesser d'empoisonner notre société. La confiance ne se décrète pas dans les campagnes, elle se cultive, graine après graine, acte après acte. À la lumière du lien social, le paraître et le mal-être céderont la place à l'être.
Publication L'Estrade février 2015