Déjà, le changement de vocabulaire en dit long: il s'agit de mettre la France au travail, pas forcément de lui offrir des emplois.
Je peux travailler gratuitement, au noir, en étant exploitée... parce que le travail n'est d'autre qu'une activité.
En revanche, si j'ai un emploi, celui-ci me garantit des normes contractuelles, des droits, une reconnaissance, un salaire. En d'autre termes, il me protège (plus ou moins).
Ici, il s'agit donc de 'faire travailler" la population, quelqu'en soit la forme, et quelques soient les raisons susceptibles d'expliquer l'inactivité d'une partie d'entre elle.
Pourtant, dans un pays où l'une des marques identitaires majeures de chacun de nous est la profession, qui peut décemment croire que l'on puisse choisir de ne pas travailler? Et qui peut décemment vivre avec 595€ de RSA?
France Travail, c'est l'injonction à l'activité, quelques soient vos difficultés... C'est le renforcement des contrôles, pour mieux sanctionner ceux qui ne se plieront pas (ou ne pourront pas se plier) aux nouvelles injonctions à l'emploi. C'est de l'argent dépensé à payer des contrôleurs plutôt que des travailleurs sociaux susceptibles de travailler sur les "causes périphériques des freins à l'emploi" (maladie, garde d'enfant, absence de logement...).
C'est la possibilité de légitimer la suspension des aides sociales pour les plus démunis qui ne pourront pas faire face à ces injonctions. C'est le renforcement des "devoirs" des chômeurs, qui passent déjà actuellement presque autant de temps à se justifier et à aller à des rendez-vous obligatoires (bien souvent inutiles) qu'à réellement chercher du travail.
France Travail, c'est aussi la réunification de Pôle Emploi, des missions locales et autres services d'insertion... alors que Pôle emploi est déjà une véritable "usine à gaz" incapable de répondre aux besoins d'accompagnement des demandeurs d'emploi. C'est aussi la non-prise en considération du rôle majeur joué par les professionnels de l'insertion par l'activité économique, ou encore de ceux de la précarité et du logement... pour soutenir et accompagner les plus fragiles.
C'est aussi un développement croissant d'une logique de plateforme, dont on connait déjà les conséquences en termes de fracture numérique et donc d'exclusion. Un outil bien pratique pour augmenter les radiations et faire baisser les chiffres du chômage! La plateformisation, c'est aussi le fichage accru des publics précaires...
France Travail, c'est l'hypocrisie (la facilité!) de penser que les personnes sans-emploi le sont par manque de volonté, c'est refuser de voir que le mépris porté aux "sans-emploi" participe pleinement à les rendre "inemployables" (perte de confiance en soi, dépression, repli sur soi...)
Bref, il serait grand temps de s'en inquiéter!
PS: La fédération des acteurs de la solidarité a publié un décryptage du projet de loi fort intéressant: https://www.federationsolidarite.org/wp-content/uploads/2023/04/RAPPORT-FRANCE-TRAVAIL_-decryptage-VF.pdf