Parmi les plus grands, certains l'ont déjà dit : Le monde entier est un théâtre et tous, hommes, femmes ne sont que des acteurs (Shakespeare); le Moi n'est pas maître dans sa propre demeure (Freud); Je est un autre (Rimbaud).
Tout cela me plonge dans la plus grande perplexité.
Formulé autrement : quand on dit "Je" sur les blogs, qui parle ?
Quel est donc cet autre moi-même qui pourtant est autre que moi-même ?
Soyons clairs : il ne sera pas question ici des pseudonymes (débat inépuisable qui a déjà eu lieu) mais des avatars, ces personnages virtuels qui, sur Mediapart, représentent un ou une abonné(e) et sont, à mon sens, injustement traités.
Moi, Pointvirgule, je suis un pseudonyme par nécessité. Mon inventrice, Mme Hicks ( qui est emploi fictif dans diverses administrations) l'a choisi par respect du devoir de réserve. Chacun appréciera son sens de l'éthique.
Mais en tant qu'avatar, je revendique et j'oppose la réalité du virtuel aux effets délitescents d'un imaginaire mal tempéré. Faudra-t-il en venir à une syndicalisation des avatars ?
Car l'avatar existe. C'est le lieutenant du chef, celui qui peut "tenir lieu de", voire le remplacer. L'avatar, tel le costume d'Arlequin, donne à voir les multiples facettes de l'être de son créateur. Ou encore l'avatar est à son inventeur ce que la succursale est à la maison-mère : on y trouve les mêmes articles, mais pas nécessairement aux mêmes endroits.
Bien entendu, les échanges inter-avatarés sont fréquemment d'une extrême virulence. Mais en va-t-il autrement sur la scène du théâtre de la vie réputée vraie ? Mediapart n'est qu'un microcosme...
Ce qui me semble beaucoup plus compliqué, et parfois plus violent encore, ce sont les conflits qui divisent l'avatar et son "original".
Mme Hicks n'apprécie pas toujours mes interventions et - je tiens à le faire savoir - exerce souvent sur moi une forme de censure qu'elle qualifie d'auto-modération.
Moi, Pointvirgule, je réplique aussi sec et produis sans compter des vannes qui ne la font pas rire.
Elle me trouve décalée et me reproche un usage excessif du second degré.
Je lui réponds qu'elle nous fatigue avec ses citations d'auteurs à la noix, et anglais de surcroît, que d'ailleurs personne ne lit plus.
Bref nous avons des rapports de vieux couple et, la plupart du temps, nous oublions bien vite que nous sommes pourtant faites de la même farine...
Car comment expliquer, sinon, que nous détestions l'une et l'autre les endives braisées ?