Les « paesine », qu'on appelle aussi marbres florentins, sont des calcaires éocènes altérés par les infiltrations d’eaux chargées de sels minéraux ( dont les oxydes de fer et de manganèse) qui sont à l’origine de ces paysages dont la formation prend des millions d’années. L’humidité de la terre leur conserve ces incroyables coloris à dominantes d’ocre, de brun rouge, de beige et ces blocs, une fois coupés et polis, nous proposent des aventures, des fantasmagories, des géographies imaginaires….
Depuis toujours, ou presque, les paesine occupent une place de choix sur ma table de travail.
Attrape-rêves, ouvertures vers l’ailleurs, lieux de tous les envols, ils nous parlent en silence et nous renvoient l’écho de nos questions sans réponse.
Ce sont des passeurs de frontières qui, à force de libérer les mots de leur fonction descriptive, rejoignent parfois le temps poétique des haïkus japonais.
Familiers de nos paysages intérieurs, ils nous redisent avec Eluard que l’amour est un caillou riant dans le soleil ou bien, dans une baroque chorégraphie des mots, réactivent et font surgir d’anciennes ritournelles, moire et satin et soir et matin, par exemple, comme (m’en) chantait Anne Sylvestre.
Les paesine nous regardent et, du fond de leur insolente immortalité, nous laissent vagabonder, découvrir des fragments d’avenir, inventer d’improbables lectures. On peut, en les suivant dans leurs voyages immobiles, aborder des archipels non encore répertoriés, entendre des paroles pas encore prononçées, voir des décors à l’envers…
Ils savent tout, ne disent rien et se contentent de faire signe.
Et eux qui ignorent les notions de début et de fin, et auquels le mot « provisoire » n’inspire aucune crainte, nous délivrent pourtant un message essentiel :
Le temps passe, apprenons à vivre – et vite !