Résider secondairement quelque part n’étant pas dans mes moyens, il m’est un jour venu l’envie de m’abonner à un site participatif. Pour changer d’air.
J’ai donc loué un bungalow.
Là, au début, tout semblait parfait. Pas de luxe, non. Mais du calme et, parfois, de la volupté.
Chacun, candidement, y cultivait son jardin. (Entendez : sa parcelle. C’était un site de gauche.)
Et tous les heureux locataires de se rendre visite, d’échanger, d’organiser des dîners-débats ou des apéros festifs. Ou de rester tranquillement dans leur transat.
Bref. Le bonheur, à l’époque, était simple comme un clic sur un fil.
Et puis insensiblement, à l’instar du quotidien de ces couples qui s’affirment « félins pour l’autre », les choses se durcirent.
Ce que j’appelais naïvement ma petite maison dans la prairie informatique changea du tout au tout.
Je renonce à lister ces subreptices et douloureuses, sniff, modifications… sniff.
Une seule les résumera.
Un matin, qui fut donc loin d’être un beau jour, l’amicale des joyeux et paisibles locataires du site dut se rendre à l’évidence : plus une clé, plus une serrure ! Tout avait disparu. Même les fenêtres étaient condamnées au supplice raffiné dit « à l’espagnolette ».
Les bungalows, caravanes et autres habitats en toile étaient désormais ouverts aux quatre vents. Bien classiquement, à semer du vent on ne récolta que de la tempête.
Aussitôt, une délégation de l’amicale citée plus haut demanda audience aux dirigeants du site.
On leur expliqua que le retrait des clés et serrures visait à fluidifier les échanges, à préserver la spontanéité et à encourager la par-ti-ci-pa-tion.
Certains ne s’en remirent pas et bouclèrent leur sac aussi sec. D’aucuns protestèrent, en vain ; d’autres se réjouirent de l’aubaine et passèrent à l’action. Personne, heureusement, n’alla jusqu’à s’immoler.
Un autre matin, encore moins beau que l’autre, les responsables de ce qui était presque devenu un camp de travail (car c’est un vrai travail que de surveiller portes et fenêtres contre les intrusions systématiques, et un boulot à plein temps aussi que d’organiser raids après raids) eurent une nouvelle idée.
Ils inventèrent les « Recom2Com », destinés, dirent-ils, à cimenter, voire bétonner l’élan par-ti-ci-pa-tif. Les tenants (et lieutenants) de l’effet d’aubaine se recyclèrent vite fait dans le commerce des têtes de gondoles.
Une délégation de l’amicale citée plus se rendit à nouveau au bureau de la direction. Mais là, surprise : la porte était fermée ! Fermée, oui, comme du temps des clés et des serrures. Et la direction aussi sourde que muette.
Je n’en reviens pas.
Mais bon, je commence à me demander si j’aime vraiment le camping… surtout sauvage.