Sont altérophiles (de alter, l’autre, le semblable) ceux qui, bien que se reconnaissant des alter ego, sont plutôt favorables aux alter égaux. Ceux qui, à la jouissance du pouvoir, préfèrent le bonheur simple du partage. Ceux qui, pour répondre à l’humain et indéracinable désir d’une satisfaction totale et inconditionnelle, cochent l’option créativité et s’engagent souvent du côté des arts.
Car l’altérophile, contrairement à l’haltérophile, n’a nul besoin de montrer ses muscles. Militant d’une érotique de la joie de vivre, il sait se satisfaire des petites joies quotidiennes. Une rencontre imprévue, un sourire fugace et inattendu, une fleur insolente qui pousse entre deux pavés, le reflet du soleil sur l’ardoise bleutée des toits, lui sont autant de petits plaisirs à déguster sans modération.
L’altérophile, curieux de l’autre, cherche plus à apprendre de lui qu’à le convaincre de modifier sa route. Et plutôt que de s’obstiner à le réduire au silence, il tentera de comprendre son langage pour découvrir quelques fondamentaux d’une langue commune.
L’altérophile, depuis longtemps, a choisi son camp. Il est avec l’oncle Archibald de Brassens :
Ô vous, les arracheurs de dents
Tous les cafards, les charlatans, les prophètes
Comptez plus sur oncle Archibald
Pour payer les violons du bal
A vos fêtes.
Sans doute est-ce parce que l’altérophile préfère aux cris la musique, à la discorde l’harmonie, et aux vaines chicanes le « bien faire et laisser dire » ?
L’avenir le dira. Et en attendant, occupons-nous du présent, qui ne perdrait rien à être moins vindicatif.