C'est mon premier "billet", jusqu'ici je me suis contenté de poster sur FB ou Twitter, mes coups de coeur, mes coups de gueules.
Mais depuis le 7 février, les chosses ont changés. Nous sommes tous des citoyens, la politique nous appartient et la première des conditions est la Liberté.
Aujourd'hui c'est le Dimanche de l'Espoir.
Demain dimanche nous serons beaucoup à Paris -je le souhaite- tous citoyens par delà nos engagements et convictions politiques ou religieuses, à partager notre émotion, à penser aux victimes, à leurs proches, et montrer haut et fort aux terroristes que nous n’avons pas peur.
Après-demain, il sera temps de penser politiquement aux raisons et aux conséquences de ces journées d’horreur et se poser la question des solutions collectives à apporter.
La première des réponses puissantes à apporter, la plus importante et la plus urgente à mon sens, sera celle qui revient à l’Education Nationale.
Nous avons une ministre de l’Education Nationale qui s’appelle Najat Vallaud Belkacem. Qui de mieux placée qu’elle pour ouvrir enfin à l’école le chantier de l’enseignement de la Laïcité. Car s’il est indispensable de savoir lire, écrire et compter, il est encore plus indispensable de savoir Penser. Penser avant de Croire. A ce titre l’Ecole et son apprentissage du rôle de citoyen, bien au dessus de toute conviction religieuse, doit devenir la plus urgente des responsabilités de l’Ecole.
Nous avons, pour la plupart des gens de ma génération, grandi avec la fierté d’appartenir à une république laïque, où les appartenances et les convictions religieuses restaient circonscrites dans le cadre familial, mais quand nous voyons des gamins (itw France Inter de cette prof de français qui a exposé des caricatures de Charlie dans sa classe pour parler de cette tuerie) de 12-15 ans n’avoir de sacré QUE le religieux et qui ne peuvent répondre devant une caricature de Charlie que par un faible et démuni: « Ça se fait pas !», que la discussion ne peut même pas être envisagée, on doit accepter que la politique dite « d’assimilation » qui a peut-être fonctionnée un temps, ne fonctionne plus aujourd’hui. Pourquoi le regretter, il faut simplement adapter la République à ces nouveaux enjeux. Ils passent par l’Ecole, par une place beaucoup plus importante à donner l’Instruction Civique et à l’histoire des religions. Par la ferme assertion que l’athéïsme n’est pas un blasphème, et que le droit de croire n’est pas plus puissant que celui de ne pas croire.
Autre exemple, personnel celui-là: il y a un an, je jouais sur scène une comédie sentimentale, « Le Bonheur », où étaient invitées des classes de ZEP 4eme, 3eme, 2nd à venir assister à la représentation, pour la plupart ils n’avaient jamais assisté à une représentation théâtrale.
Pendant une heure, leurs rires se sont mêlés à ceux du public jusqu’au moment où une de mes répliques, en réponse à celle de ma partenaire, disait ceci:
« Elle: Tu l’as vu ?
Moi: Non, il attendait dans 4X4 aux vitres fumées… C’est pas une bagnole qu’il a, c’est une burka »
Cette fois au lieu d’entendre des rires, des cris se sont élevés, des sifflets: « Ça se fait pas ! » Le brouhaha a duré une bonne minute, ça paraît toujours très long ce genre de situation. En tous cas, j’ai du attendre le retour au calme pour pouvoir continuer de jouer.
A la fin de la représentation nous avons rencontré la vingtaine de jeunes.
Passée la première minute où les accompagnants et certains des jeunes nous ont remerciés, le débat a immédiatement été lancé par trois ou quatre d’entre eux de confession musulmane:
A l’adresse de ma partenaire:
« -Non c’est bien votre spectacle madame mais pas vous monsieur! (moi)
-Moi ?
-Oui, vous !
-Pourquoi?
-Vous avez parlé de la burka!
-Ah oui, et qu’est-ce que j’ai dis? (Je demande ça en souriant pensant que nous allons ouvrir un débat, et là, la bonhommie s’efface sur les visages de ces mômes (15-17)
-On s’en tape, vous en parlez pas de ça c’est tout ! Vous êtes musulman ?
-Non.
-Alors vous parlez pas de burka ! Faut la fermer, c’est tout ! Vous avez pas le droit !
-Pas le droit !? Mais si, nous sommes en république et j’ai le droit de parler de tout…
-Non ! C’est sacré, ça ! Vous la fermez, c’est tout, y’a pas à discuter !
J’ai cru une seconde que ça allait cogner…
Ils sont sortis de la pièce en m’adressant quelques gentillesses en arabe…
Il est évident que ces gamins ne finiront pas pour autant djihadistes.
Mais à travers cet exemple je tiens seulement à alerter sur la façon dont le fait religieux, peut dans certaines familles, -qu’elles soient musulmanes, catholiques ou juives- se placer au-dessus des valeurs républicaines et la façon dont ces familles transmettent leurs croyances aux jeunes générations, qui n’en viennent à considérer comme sacré que le fait religieux. Comme si tous les autres devoirs moraux et citoyens (civisme, sociabilité, tolérance, bienveillance, correction, courtoise, convivialité…) ne comptaient pour rien (ou si peu) en regard du religieux.
Bien loin de moi de penser que cette dérive ne concerne que l’ensemble de nos concitoyens de confession musulmane. Je ne crois pas d’ailleurs qu’il y ait de « communauté » musulmane, pas plus qu’il n’y a une « communauté juive » ou une « communauté catholique ». Chacun est libre et n’est aucunement responsable de sa so called
« communauté ».
Je pense en revanche, qu’il y a des « communautés sociales » d’où l’Education est exclue et où le religieux ne reste que le dernier carré d’espoir.
C’est un autre espoir que la République doit et peut porter à ses citoyens.
Demain je marcherai pour cet espoir.
Sam KARMANN