Arguant d'une « contrainte budgétaire ponctuelle sur la fin de l’exercice 2025 », la mise en œuvre de cette décision se traduit, à l’échelle des fermes, par des refus de formations habituellement financées. Les services Vivéa font savoir aux organismes formateurs de plusieurs régions que peu ou prou, seuls les cursus liés à des obligations réglementaires pour les chefs d’exploitation seront finançables.
En clair, il reste surtout possible – car obligatoire – de se former au réglage de son pulvérisateur de pesticides ou à la « biosécurité » dans les élevages de porcs ou de volailles. Pour le reste, il est pudiquement conseillé de reporter les formations sur 2026… avec d’ailleurs une probabilité de voir de telles mesures être reconduites.
Vivéa s’assoit ainsi sur le droit à la formation et sacrifie les transitions agricoles. Concrètement, cela revient en effet à priver subitement les paysans et paysannes de leurs droits à se former sur des pratiques alternatives, des méthodes de cultures agroécologiques ou à des approches différentes de l’élevage.
À l’heure où tout le monde vante la nécessaire évolution des pratiques agricoles et le besoin d’adaptation au changement climatique, Vivéa explique tranquillement aux chefs d’exploitation, qui ont tous et toutes cotisé cette année comme les précédentes, que les droits que ces prélèvements étaient censés leur garantir se sont tout à coup évaporés.
Hormis en élevage hors-sol, l’hiver est propice à la formation dans toutes les filières : en prétextant que les formations peuvent être reprogrammées sur le premier trimestre 2026, comme si ces créneaux de formation étaient « vides » et que rien n’était déjà prévu, Vivéa impose de fait une « année blanche » à des pans entiers de la profession agricole – en réalité tous ceux encore en lien avec le rythme des saisons.
Pour les maraîchers, les arboriculteurs, les éleveurs et les viticulteurs notamment qui attendaient le calme relatif du milieu de l’automne pour consulter les programmes de formation, c’est la douche froide, qui peut se résumer ainsi : « Nous avons bien noté votre souhait de vous former et ne pouvons y donner suite ; mais merci d’avoir cotisé. »
Agrandissement : Illustration 1
Comme tout fonds de formation, Vivéa a une gouvernance appuyée sur la représentation professionnelle, qui semble étonnamment muette sur le sujet.
Bien que la direction du fonds s’abrite derrière des justifications techniques pour garantir une bonne gestion comptable et officiellement limiter les risques de mise sous tutelle publique, la dimension politique de cette décision ne doit échapper à personne : à la moindre contraction budgétaire, c’est toute une vision de l’agriculture qui s’exprime, et tous les professionnels agricoles cherchant à sortir de l’ornière dont on bafoue les droits.
Ferjeux Courgey, paysan, co-président du Pôle InPact (association qui réunit dix structures nationales de développement agricole et rural : Accueil paysan, l’Atelier paysan, Réseau Civam, Fadear, InterAfocg, MRJC, Miramap, Sol, Solidarité Paysans, Terre de liens)
Droit de réponse
Le texte publié le 28 octobre sur le blog du Pôle InPact et intitulé “Le fonds VIVÉA sacrifie les transitions agricoles” comporte plusieurs affirmations inexactes et des interprétations erronées quant aux décisions récentes prises par VIVÉA en matière de financement de la formation professionnelle agricole.
1. VIVÉA n’a pas “suspendu” les financements
Contrairement à ce qui est affirmé, aucune suspension générale des financements n’a été décidée. VIVÉA a été contraint de limiter temporairement ses financements à la suite de la révision tardive et significative à la baisse du montant de la collecte 2025 transmise par la MSA le 14 octobre dernier.
Jusqu’à cette date, le niveau de recettes prévisionnelles, confirmé à plusieurs reprises, permettait d’honorer l’ensemble des engagements pris.
Ignorer cette nouvelle information budgétaire aurait constitué une faute de gestion, contraire à la responsabilité légale de VIVÉA en tant que gestionnaire de fonds publics.
2. Les formations n’ont pas été “sacrifiées” mais priorisÉes
Les financements ont été priorisés jusqu’à épuisement des crédits disponibles, selon des critères objectifs et harmonisés sur l’ensemble du territoire.
Aucune filière, thématique ou approche pédagogique n’a été écartée.
Les formations mentionnées (agroécologie, diversification, adaptation climatique, etc.) continuent d’être soutenues dans la limite des enveloppes régionales.
Certaines sessions prévues sur les deux derniers mois de l’année ont dû être reportées, non par choix politique, mais par nécessité de régulation budgétaire immédiate.
3. Une situation conjoncturelle, non structurelle
La régulation opérée concerne uniquement la fin de l’exercice 2025.
Elle ne remet pas en cause la stratégie ni les orientations de VIVÉA, qui demeurent pleinement tournées vers l’accompagnement des transitions agricoles, économiques et écologiques.
Dès le début de l’année 2026, les financements reprendront sur la base des priorités établies avec les représentants professionnels, conformément au plan stratégique en vigueur.
4. Une gouvernance pleinement mobilisée
La gouvernance de VIVÉA, composée de représentants de toutes les organisations professionnelles agricoles, a été informée et associée.
Les choix opérés visent à préserver la soutenabilité du dispositif, pour garantir que les fonds mutualisés continuent de bénéficier à l’ensemble des chefs d’exploitation sur la durée, et non à quelques-uns au détriment des autres.
5. Un engagement inchangé pour les transitions agricoles
Accuser VIVÉA de “s’asseoir sur le droit à la formation” ou de “sacrifier les transitions agricoles” est inexact et injuste.
Chaque année, plus de 110 000 agriculteurs bénéficient d’un financement VIVÉA, dont une part croissante se forme précisément sur les enjeux d’agroécologie, d’autonomie, de circuits courts, de diversification ou de reconversion.
C’est cette ambition que nous continuerons à défendre, dans le respect de notre mission d’intérêt général et de notre exigence de bonne gestion.
Nous assumons la responsabilité de décisions difficiles, mais elles ne traduisent aucun renoncement. Elles garantissent la pérennité d’un système mutualisé qui appartient aux agriculteurs eux-mêmes.
— Emilie LECERF, Directrice générale de VIVÉA
Post-scriptum du Pôle InPact
Cette réponse de la direction de Vivéa vient paradoxalement confirmer les faits que nous dénoncions (des sessions annulées, des équipes stoppées, des paysannes et paysans privés de formation sur la fin d'année). Laissons aux lecteurs et lectrices le soin de se faire leur propre opinion.