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Billet de blog 18 février 2013

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Lettre ouverte à Didier Migaud, 1er Président de la Cour des Comptes

Monsieur le 1er Président de la Cour des Comptes,Nonobstant la nécessaire impartialité liée à votre haute fonction, je vous croyais toujours, comme moi-même, adhérent du parti socialiste.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Monsieur le 1er Président de la Cour des Comptes,

Nonobstant la nécessaire impartialité liée à votre haute fonction, je vous croyais toujours, comme moi-même, adhérent du parti socialiste. Je ne cache pas que les dernières propositions effleurées dans votre dernier rapport et qui font la Une des media depuis le week-end me posent un problème, politique bien plus que personnel, et me conduisent à m'interroger sur les pistes que, même en période de rigueur, votre assemblée peut être conduite à envisager pour alimenter ce Trésor aussi public qu'en difficulté.

Appartenant à la même famille politique que vous, je m'autorise donc à compléter votre approche froidement comptable de ces OVNI de familles dites nombreuses, de mon analyse évidemment plus basique que la vôtre, mais néanmoins empreinte de sa dose d'expertise, puisque moi-même père de cinq enfants. Avec la même mère, qui plus est.

Si ma parole demeure certes moins techniquement imparable, elle n'en conserve pas moins, je l'espère,  le même poids politique que la vôtre, puisqu'après tout nous ne sommes jamais, vous et moi, que deux militants censés servir le même idéal politique.

Après avoir fait partie de ces affreux bataillons de nantis bénéficiaires des allocations familiales à hauteur de leurs engagements familiaux, on se disait que, peut-être, on allait pouvoir bénéficier d'un modeste mais justifié retour sur l'investissement parfois douloureusement consenti, avec finalement, un regard bienveillant de la Nation à qui, de façon très citoyenne, on a fourni de la chair à cotisations, comme autrefois on pouvait lui fournir de la chair à canons : "Aux familles nombreuses : la Nation reconnaissante"...

Qu'avez-vous vécu, ou que vous a-t-on remonté, pour que votre approche de la question soit complète, documentée, de la vraie réalité des fins de mois des parents de 3, 4, 5 enfants ou plus, pendant les 30-35 années correspondant à la prise en charge de ces chères têtes blondes ou brunes ? 

Avez-vous une idée, ou avez-vous fait travailler vos puissants ordinateurs pour essayer de le savoir, de ce qu'il reste au fond de la chaussette de ces familles à l’heure de la retraite de ces parents qu'aujourd'hui votre rapport aurait tendance à montrer du doigt comme profiteurs anachroniques d'un système, lorsqu'elles se sont appliquées à financer les études de leurs enfants, continuant à rembourser après la retraite les emprunts qui ont servi à payer les frais d'inscription, les loyers des studios que la carence de logements étudiants les obligeait à souscrire? Dans le cas inverse, je vous propose généreusement de faire gagner du temps à ces équipes pour répondre à la question : rien du tout.

N'avez-vous pas aussi le sentiment de partager un peu  le lit d'autres partis que celui qui nous réunit, ces partis où l'amalgame est quasi direct et les passerelles permanentes entre taille de la famille, assistanat, ainsi, évidemment, qu'origine géographique de ladite famille lorsqu'elle est nombreuse?

En l'occurrence, je ne pense d'ailleurs pas que les parents concernés envisagent plus que moi de vous demander  quoi que ce soit, quand ils ont le sentiment d'avoir, tout simplement, inscrit à leur fronton familial une seule priorité : les enfants d'abord! La conception de leur rôle de parents-éducateurs les a conduits quasi naturellement à cette priorité. Même si, contrairement à l'usage habituel de l'expression, cela relevait de tout sauf d'un naufrage, mais d'une prise de responsabilité plus parsemée de doutes et de prises de risques, que d'un calcul du genre de ceux que vous semblez affectionner particulièrement.

C'est vrai que d'avoir sacrifié un emploi, le plus souvent celui de la femme, pour avoir une chance "d'élever" les enfants, au sens noble du terme, et par là d'avoir tiré un trait sur une retraite, est un luxe sur lequel il va falloir vite, vite, vite revenir… 

C’est toutefois faire peu de cas de l’apport éducatif consenti, mais aussi de l’apport de cotisants aux régimes de retraite déficitaires et au déséquilibre démographique latent, que de balayer d'un revers de main ces efforts-là étalés sur 30 à 35 ans entre les premiers et les derniers, soit à peu de choses près la durée demandée aux cotisants pour prétendre à un droit à retraite.

J'avoue avoir quelque difficulté à découvrir la niche mentionnée dans vos perspectives, susceptible de reprendre 800 millions sur les retraites de ceux-là, à part dans le fait que numériquement il y ait du blé à faucher ?

J'ai juste un petit peu peur, et ce sera le militant et élu socialiste qui cette fois s'adressera à vous pour conclure, que le fait d'avoir le nez collé en permanence sur ces chiffres que vous manipulez avec une aisance que personne ne vous conteste, ne finissent par vous conduire sur des terrains glissants voire dangereux, où n'a plus cours le souci de ces valeurs que, j'espère, vous partagez encore avec moi.

Espérant avoir apporté ma modeste contribution à vos brillantes expertises, je vous prie de recevoir, Monsieur le 1er Président, mes salutations les plus socialistes qui soient.

Polovergnat.

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