A la lecture du dernier rapport de France-Libertés, qui vient d'intervenir pour apporter son soutien aux peuples autochtones du Brésil chassés de leurs terres pour des projets de grands barrages, j'ai pu mesurer une fois encore ce que signifie l'expression "le pot de terre contre le pot de fer". J'avais souhaité attirer l'attention sur le sort de ces descendants des premiers habitants de l'Amazonie -ceux qui avaient réussi à survivre aux grands massacres- qui, décidément ont beaucoup de mal à vivre sur leurs terres.
http://blogs.mediapart.fr/blog/poppie/110314/pour-venir-en-aide-aux-autochtones-du-bresil
Depuis environ un demi-siècle, la communauté internationale a fini par admettre que "les natifs" eux aussi avaient des droits, et que quelquefois ces droits pouvaient être adaptés à leur situation particulière. Arriver à faire reconnaître ces droits et obtenir leur application n'était pas gagné d'avance, d'ailleurs les contentieux sont légion et pas seulement dans le bassin de l'Amazonie. En effet, il faut compter aussi avec la tradition du "Droit coutumier". Il n'est pas assuré que le Droit appliqué sera toujours le plus favorable aux Indiens. On joue quelquefois sur la distinction entre les droits d'une population et ceux des individus. Bref, les occasions ne manquent pas de ne pas honorer les engagements qui devaient protéger ces populations fragiles. Si le gouvernement brésilien chasse à présent les autochtones de leurs terres ancestrales, il s'appuie sur un concept que l'on peut juger particulièrement choquant, c'est celui de la "suspension de sécurité"! C'est carrément une loi d'exception, née en 1964, sous la dictature précédente, mais que le gouvernement avait préservée au lieu de l'abolir. L'appliquer aujourd'hui revient à s'affranchir purement et simplement des obligations de l'état envers certains de ses citoyens.
France Libertés défend les droits des peuples autochtones du Brésil à la 25e session du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU Le 10 mars dernier, au Palais des Nations à Genève, en partenariat avec Amazon Watch et International Rivers, France Libertés a prêté sa tribune au Conseil des Droits de l’Homme à une leader autochtone et un avocat brésilien pour dénoncer les violations des droits humains liées à la construction de grands barrages au Brésil. Cette dénonciation a été accompagnée par deux déclarations écrites, cosignées par une cinquantaine d’organisations de la société civile internationale : « Les grands barrages et les violations des droits des peuples autochtones en Amazonie brésilienne » et « Le droit à la consultation des peuples autochtones face aux grands projets ». L’objectif de l’évènement était de souligner l’importance du droit à la consultation des peuples autochtones, qui nous proposent une vision de « développement » autre qu’une simple recherche de la croissance économique. Trois intervenants ont abordé ce sujet sous des angles différents. Sônia Guajajara (APIB) a présenté les menaces actuelles qui pèsent sur les droits des peuples autochtones au Brésil, en particulier dans le bassin de la rivière Tapajós et a décrit les stratégies de résistance mises en œuvre pour que les droits humains ne soient plus considérés comme des privilèges, mais comme des droits à respecter en tant que tels. Alexandre Sampaio (AIDA), est revenu sur un instrument juridique utilisé par l’Etat brésilien pour autoriser des projets alors même qu’ils ont été déclarés illégaux par des tribunaux : il s’agit de la « suspension de sécurité », créée en 1964 sous la dictature et encore en vigueur. Ce mécanisme soulève l’importante question de l’indépendance de la justice dans l’Etat démocratique brésilien. Enfin, Sophia Lakhdar (Sherpa), a questionné la responsabilité des Etats face aux entreprises qui mènent des grands projets. Les textes actuels sur la question n’imposent pas de contraintes ; leur transposition dans la législation nationale dépend donc du bon vouloir des Etats. Or, les relations complexes entre les maisons-mères et les filiales rendent difficiles les procédures contre les entreprises ayant commis des violations des droits. Il faut, d’après Sophia Lakhdar, que le politique reprenne l’ascendant sur l’économique. Au-delà de l’évènement, notre délégation a rencontré l’Ambassadrice du Brésil auprès de l’ONU à Genève et sept agents travaillant pour le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (OHCHR). Ils se sont montrés très intéressés par le sujet de la « suspension de sécurité » et l’accès à l’eau potable des populations. France Libertés désire continuer à travailler sur ces thèmes avec l’OHCHR. La Fondation fournit des informations précises et détaillées sur les violations des droits humains au Brésil aux Rapporteurs Spéciaux des Nations Unies pour adresser des lettres d’allégations à l’Etat brésilien. Après ces rencontres à Genève, Sônia Guajajara s’est rendue trois jours à Paris pour participer à une réunion avec GDF à propos de l’implication de cette entreprise dans la construction de grands barrages en Amazonie. La délégation a également rencontré le chargé de mission « Droits de l’Homme » de l’ambassade du Brésil à Paris, ainsi que plusieurs représentants d’ONG (Survival, GITPA, Planète Amazone…), et a participé à une manifestation le 14 mars à La Défense pour la Journée Internationale pour la Protection des Rivières. Sônia Guajajara a par ailleurs répondu à une interview pour l’Observatoire des multinationales. Il est intéressant de noter que, depuis leur retour au Brésil, Alexandre Sampaio et Sônia Guajajara ont été sollicités par des médias brésiliens et des institutions étatiques afin qu’ils expliquent les raisons de leur venue en Europe. Ainsi, ce soutien international leur a permis de mettre en lumière des problématiques d’actualité extrêmement importantes et leur a servi de tremplin pour intéresser à son tour le public brésilien.