"Les plus gênés n'ont qu'à partir"
Qui n'a jamais entendu cette phrase à un moment où il était bien tranquille dans son coin, où il ne gênait personne, mais où quelqu'un d'autre a eu envie de venir prendre sa place, quelqu'un de plus fort que lui, bien entendu?
Dans la vie de tous les jours, ce n'est pas agréable de subir ce genre de contrainte, ça peut être même franchement déplaisant.
Mais quand il s'agit de toute une population qui est priée -en utilisant évidemment la manière forte- de céder la place au plus puissant, c'est à de véritables drames que l'on assiste, des drames qui malheureusement semblent être aussi vieux que le monde, mais qui se produisent encore très souvent de nos jours et qui nous montrent que l'ancienne phrase La raison du plus fort est toujours la meilleure reste toujours aussi actuelle.
Ceci s'applique évidemment à toutes les formes de colonisation, qui ont permis aux nations les plus belliqueuses de gagner en importance et de devenir les grands pays puissants d'hier et d'aujourd'hui. L'histoire, telle qu'on l'enseigne, ne tarit pas d'éloges sur ceux qui ont su imposer leur volonté de domination (quitte à rester très évasive sur les moyens employés vis-à-vis des peuples soumis, où de revisiter l'histoire ce dont, bien sûr, elle ne se prive pas!).
Cette méthode efficace n'est pas près de disparaître, tant que l'autorité sera servie par la force; mais une autre forme de dépossession semble se pratiquer vraiment très souvent, qui consiste à "aider un pays à se développer", en quelque sorte pour son bien.
Evidemment, les colons savaient déjà justifier leur mainmise de cette façon (tout en se servant copieusement sur les richesses du pays où ils arrivaient), mais c'est sans doute plus insidieux, de nos jours, d'implanter des sociétés tentaculaires -et bien sûr multinationales- dans des zones que l'on prétend mettre en valeur, où vivaient encore des habitants pas du tout interessés par le modèle occidental, mais à qui -bien sûr- il n'est pas question de demander leur avis. Et puis, "il faut vivre avec son temps, c'est le progrès", on accepte ou on disparaît. Tant pis si "le progrès" en question détruit le milieu où l'on vit, et commence à sérieusement menacer les autres formes de vie sur la planète (y compris à mettre en péril nos propres enfants). Tant pis si ceux qui pourraient s'opposer à ces projets de développement doivent être éliminés -et ils le sont- encore et toujours, "il n'y a pas d'alternative".
Et si on prenait un peu de temps pour faire le tour du monde, et regarder à quoi ressemble ce progrès?
Comment des politiciens et bûcherons brésiliens ont assassiné le Chef indien Eusébio Ka'apor
    Source : racismoambiental.net.br
Brésil - Les agressions et les menaces qui ont été initiées il y a plus de deux mois par les bûcherons et les commerçants de la région de Centro do Guilherme lié au commerce illégal de bois à l'intérieur de la terre indigène Turiaçu à l'encontre des indiens Ka'apor ont culminé ce 26 Avril 2015, avec l'homicide de Eusébio Ka'apor.
Eusébio était l'un des défenseurs de la terre indigène et un farouche opposant aux bûcherons et aux politiciens locaux vivant de l'extraction quotidienne du bois noble depuis la terre indigène. Eusébio qui était résident du village de Ximborendá, dépendant de la municipalité de Santa Luzia du Parua, a reçu deux tirs d'armes à feu dans le dos dans une petite ville près de Centro do Guilherme.
Le leader indigène, avec un autre compagnon, revenait en moto d'un petit village venant d'être créé au sein de la terre indigène Alto Turiaçu lorsqu'en passant près d'un groupement d'habitations plusieurs personnes armées ont surgit comme s'ils les attendaient. Les Indigènes ont continué leur route vers l'avant quand, soudain, plusieurs coups de feu ont été tirés dans leur direction, deux atteignant Eusébio Ka'apor dans le dos. Transporté par l'autre indigène dans un village voisin il a été secouru par des gens qui ont essayé de l'emmener en voiture à l'hôpital de Santa Inês. Malheureusement, à peine arrivé dans la ville de Nova Olinda, il n'a pas tenu le coup et a succombé.
Nombreux étaient ceux ayant été témoins du climat de tension et de violence dans la région de Centro do Guilherme qui s'attendaient à un tel drame. Il savaient que les Ka'apor, depuis quelques années déjà, avaient décidé de devenir intransigeants face au commerce illégal existant sur leur terre, à l'origine de  nombreux préjudices. Ils avaient organisé récemment certaines opérations coup-de-poing d'expulsions de bûcherons, mettant le feu à des camions après avoir pris en flagrant délit quelques individus. tendre la main pour toucher les camions de pompiers et l'arrestation de plusieurs personnes dans la loi. Les représailles, toutefois, ont été promptes à se manifester.
De Janvier jusqu'à aujourd'hui les Ka'apor ont vécu en résidence surveillée, empêchés de quitter leurs villages parce que constamment agressés et menacés. Durant ces quelques mois quatre motos ont été volées à l'arrachée aux Indiens et 10 personnes autochtones, au moins, ont été battues et humiliées, en représailles à l'action des Indiens et pour les dissuader d'engager de nouvelles actions d'expulsion. Les Indigènes racontent qu'ils n'ont même pas tenté de déposer plaintes face à ses exactions, parce que les agresseurs recoivent la complicité de la police militaire dans la région, sans parler de l'appui et de la participation directe de conseillers municipaux et maires de la région, certains d'entre-eux ayant même été incarcérés quelques jours après une opération menée par la police fédérale, il y a un peu plus d'un an.
Le secrétariat d'État aux droits humains, le ministère public fédéral et l'OAB/MA ont été témoins de la situation, sans parvenir jusqu'à aujourd'hui à mettre en place une stratégie de maintient d'une présence institutionnelle permanente dans la région dans le but de désarmer et pacifier les bûcherons rebelles ayant été empêchés par les Indiens de continuer à exploiter de façon irrationnelle et illégale le bois dans la terre indigène.
A présent, on attend que la police fédérale et d'autres organismes enquêtent et punissent les auteurs de ce crime barbare, mais qu'il soit également initié une plannification de présence institutionnelle, car dans la région de Centro do Guilherme il y a longtemps que le loi du plus fort est en vigueur, mais l'Etat n'a jamais rien fait.  
Nb: l'auteur de l'article, Cláudio Bombieri, est un Missionnaire Combonien.
© racismoambiental.net.br / traduit du portugais par Gert-Peter Bruch
Date de l'article : 14/05/2015