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Billet de blog 28 février 2014

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Connaissez-vous Ayn Rand?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Certaines personnalités ont une véritable influence sur la pensée des autres, et partant, sur leur comportement.

J'ignorais jusqu'à il y a peu de temps encore jusqu'au nom d'Ayn Rand, il apparaît qu'il s'agit pourtant là d'une personne qui a fortement marqué les esprits, et pour ce que j'ai pu comprendre, d'une façon redoutable.

En fonction de pas mal de circonstances, chacun de nous développe des rapports différents avec les autres, c'est très variable selon le milieu où l'on évolue.   Il semble  -d'après de très nombreuses observations concordantes-  que le jeune enfant qui découvre le monde, et donc a tout à apprendre, se montre curieux, sans hostilité particulière pour l'inconnu.  Il découvre et n'a pas peur à priori, y compris de ses semblables.  Dans le jeu, qui est son activité naturelle, il semble plutôt bien disposé envers d'autres enfants.

Dans nos sociétés, avec les années et probablement au vu d'autres comportements, il semble restreindre le cercle de ceux avec qui il veut bien échanger.  En quelque sorte, son empathie fixe déjà des limites.   Ce n'est pas nécessairement le cas dans d'autres groupes où n'apparaît pas si vite la notion de propriété et d'exclusion.  Certains enfants en Afrique ou en Asie partagent spontanément, c'est moins évident chez nous.

Ces enfants ont très vite, les uns et les autres   - c'est une notion quasi innée-   la perception de ce qui est bien ou mal, de ce qu'il est ou non souhaitable de faire.   Ils sont assez vite conscients que la méchanceté et l'égoïsme sont plutôt négatifs, et celui qui sait montrer au gamin que l'autre enfant en face en est peiné, a de bonnes chances de corriger facilement son attitude.  Au moins aussi efficacement que par une punition sans doute, et sans lui apprendre le sentiment de rancoeur.

Si l'empathie semble finalement très naturelle à l'être humain, il peut y trouver une grande satisfaction. Là aussi les exemples abondent. 

Mais on nous pousserait plutôt à cultiver l'égoïsme et le "chacun pour soi" dans notre société actuelle, et cela dès l'enfance.    Un peu déjà comme s'il n'y avait pas place pour tous, on persuade très vite chacun individuellement qu'il est le meilleur, et on place tout le monde en compétition.     Que peut-il se passer alors?   Un ressenti d'infériorité pour celui qui se trouve en position de faiblesse, l'inverse pour le plus fort qui aura peu de chances de se montrer solidaire, s'il veut gagner encore.   C'est parti pour un monde d'adultes qui ne se feront pas de cadeaux!  L'égoïsme se retrouve érigé en valeur.

Ce que j'ai découvert, c'est qu'une philosophe, Ayn Rand, soutient que l'altruisme est immoral, que c'est l'égoïme qui est une qualité!    Cette philosophe est très écoutée dans la société américaine, ... on nous précise "notamment dans les milieux conservateurs ultralibéraux". 

L'idée est que se soucier des autres est une perte de potentiel pour celui qui le fait, en ne pensant qu'à son seul intérêt, en "voulant tout pour lui", il montera plus haut!  L'autre est une gêne, un frein à sa volonté et bien sûr à son enrichissement.   On voit très nettement les implications de cette théorie.   Mais voilà : il semble que ce ne soit pas une idée marginale, mais toute une façon de penser!  la différence entre partisans et opposants de la solidarité sociale et d'un rôle de l'état dans la vie des citoyens, qui aiderait les plus faibles.

Cette philosophe, née en Russie au début du XXème siècle, naturalisée américaine, morte en 1982 ... au début du "reaganisme", est paraît-il l'une des auteures les plus populaires outre-Atlantique!  Je lis (Plaidoyer pour l'altruisme  de Matthieu Ricard) : "En 1991, selon un sondage effectué par la Bibliothèque du Congrès, les Américains  ont cité "La Grève", son ouvrage principal, comme le livre qui les a le plus influencés après la Bible!   Publié en 1957, ce roman-fleuve de 1400 pages -qui définit la vision du monde d'Ayn Rand-  a été imprimé à 24 millions d'exemplaires.  Aujourd'hui encore, il s'en écoule plusieurs centaines de milliers par an."    Elle a écrit d'autres très importants best-sellers d'ailleurs, c'est vraiment quelqu'un(e) de très écoutée...  Rien d'étonnant si on apprend que Ronald Reegan était l'un de ses fervents admirateurs, ni que l'ancien patron de la Réserve fédérale qui contrôle l'économie américaine a déclaré qu'elle avait profondément modelé sa pensée  "Nos valeurs étaient en harmonie".  Ayn Rand se tenait aux côtés de ce financier (Alan Greenspan) lorsqu'il a prêté serment devant le président Ford.  ... C'est une véritable héroïne pour le Tea Party, et les mouvements qui souhaitent réduire au strict minimum le rôle de l'état dans la vie des citoyens.  Je lis encore : "Paul Ryan  qui fut candidat à la vice-présidence américaine en 2012, aux côtés de Mitt Rommey, exige de ses collaborateurs qu'ils lisent les écrits d'Ayn Rand, il affirme que c'est elle qui a inspiré sa carrière politique.   L'essentiel du programme économique et social de Paul Ryan consistait à réduire les impôts pour les riches et les subsides pour les pauvres".  

Cette "littérature" ("La Grève") n'a été publiée que récemment en France "sous l'impulsion et avec le financement d'un admirateur américain" (!)  Un essai plus concis est publié en français sous le titre "La Vertu d'égoïsme".    Mathieu Ricard, qui est un optimiste, estime que ceci est assez éloigné de la mentalité française!   ??? (lui nous vante tous les bénéfices que l'on tire d'une attitude altruiste, et ils sont nombreux)

Ayn Rand ne prétend pas que nous sommes tous fondamentalement égoïstes, elle déplore que nous ne le soyons pas assez!  Pour elle, l'altruisme n'est qu'un vice masochiste qui menace notre survie et nous conduit à négliger notre bonheur au profit de celui des autres et à nous comporter en "animaux sacrificiels" L'altruisme signifie que vous placez le bien-être des autres au-dessus du vôtre, que vous vivez dans le but de les aider et que cela donne un sens à votre vie.  Pour moi, c'est immoral"   En revanche, son mot-phare, son phare et son étendard, c'est le mot EGO, "un mot sacré qui ne mourra pas, même si nous devons tous périr dans la bataille"

"L'altruisme est une notion monstrueuse, qui représente la moralité des cannibales se dévorant les uns les autres.  C'est aussi une déchéance: vous devez offrir votre amour à ceux qui ne le méritent pas.  Voilà ce qu'est votre morale sacrificielle et voilà ce que sont les idéaux inséparables qu'elle vous offre : réformer la société pour en faire un parc à bétail humain, et remodeler votre esprit à l'image d'un tas d'ordures"

Un vrai retournement des choses!

 On peut continuer sur ce ton... c'est assez affligeant de savoir que ça peut convaincre,  et c'est comme si ça nous renvoyait un souvenir en écho...  ces personnages qui se prenaient pour des surhommes, les seuls assez beaux, assez "réussis" pour  survivre, la RACE des élus!

Glaçant!

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