Texte initialement publié le 31 janvier.
La nation ukrainienne est en danger ! Nous devons lui fournir de toute urgence les armes et les munitions dont elle a besoin pour reconquérir l’intégralité de son territoire. Seule sa victoire, en rejetant la Russie hors d'Ukraine, assurera la paix, en accord avec le droit international. Un cessez-le-feu consacrant la mainmise de la Russie sur le Donbass, la Crimée et leur population en échange d’illusoires garanties de sécurité est un leurre.
La Russie, une fois ses arsenaux regarnis, serait en mesure de reprendre son offensive contre les démocraties européennes. Les risques vont de la guerre hybride, que la Russie pratique déjà (cyberattaques, désinformation, intrusion dans les processus électoraux), à l'engagement dans un conflit de haute intensité.
Depuis deux ans l’Ukraine fait face à une guerre d'agression menée par Vladimir Poutine, dont les troupes pratiquent à grande échelle les bombardements délibérés de civils, les viols, les tortures et les déportations d’enfants. Depuis deux ans, à la surprise du monde entier, l’Ukraine démocratique et son armée ont réussi à repousser l’envahisseur et à libérer de nombreuses localités, malgré une infériorité en hommes et en matériel. Mais la Russie, appuyée par les livraisons d’armes des dictatures d’Iran et de Corée du Nord, peut aussi compter sur le soutien de la Chine.
La stratégie européenne a reposé d’abord sur les sanctions économiques qui devaient amener Poutine à la raison. Elles ont limité la capacité de la Russie à produire des armes, mais n’ont pas eu tous les effets escomptés : il faut les renforcer. Quant à l’aide militaire fournie à l’Ukraine par ses alliés, elle a été trop hésitante et modeste pour exploiter les victoires de l’été 2022, trop tardive et limitée pour percer les défenses russes l’été dernier. Elle commence même à faire défaut : bloquée aux États- Unis, elle l’est aussi en Europe par le veto hongrois et l’hésitation de certains gouvernements européens.
Sur le front, dans les régions occupées comme pour l’ensemble des villes et territoires ukrainiens bombardés quotidiennement, la situation est grave. L’Europe doit impérativement tourner son industrie de défense en priorité vers l’Ukraine. Et notre pays peut jouer un rôle moteur, car nous sommes la principale puissance militaire du continent, notre base industrielle et technologique de défense comptant plus de 4000 entreprises.
La mise en œuvre d’un dispositif de solidarité économique et industrielle avec l’Ukraine permettrait d’agir rapidement dans cinq directions :
- augmenter la cession, la fabrication et les livraisons d’armes et de munitions ;
- donner des garanties aux industriels de l’armement ;
- se doter, avec nos partenaires européens, d'un organisme de contrôle pour assurer un embargo strict sur l’exportation des technologies duales ;
- encourager la mutualisation des outils de production, civils et militaires, au service de la défense ;
- mobiliser de nouvelles ressources financières en faveur de l’aide à l’Ukraine.
L’engagement de la France aux côtés de l’Ukraine est indéniable, mais il nous faut trouver les moyens d’augmenter considérablement la production et la livraison d’armes françaises qui ont fait leurs preuves.
Notre président a promis 78 canons Caesar et 40 missiles Air-Sol Scalp-EG : il nous faudra assurer intégralement le financement des premiers et céder ou fabriquer davantage de SCALP. Nous disposons aussi de Mirage 2000D, de batteries de défense anti aérienne SAMP/T et Crotale, de missiles Sol-Air Mistral et de missiles antinavires Exocet en nombre, de radars Ground Master 200 et de véhicules du génie, dont les robots de déminage SDZ.
En matière de production, trois priorités apparaissent : la fabrication d’obus de 155 mm, qui n’est pas à la hauteur du programme européen ; la livraison de drones de divers types ; la fourniture d’équipements de guerre électronique. Ajoutons que ces investissements bénéficieront à long terme à l’amélioration des capacités défensives de la France, face aux risques accrus de conflit de haute intensité. Encore faudrait-il que les entreprises françaises puissent obtenir une garantie de 5 à 10 ans sur le volume de leurs commandes, selon leurs investissements. L’Ukraine n’est pas un client étranger comme les autres : elle est prioritaire parce que sa défense contribue à celle de notre pays.
L’effort budgétaire de la France pour l’Ukraine (environ 2 Md € prévus sur 2024-25) devrait être au moins doublé, afin de rétablir la parité avec l’Allemagne, en proportion du PIB. Cette augmentation tient compte :
- des commandes pour l’armée française (en plus de celles prévues par la loi de programmation militaire 2024-2030), en compensation des cessions d’armements sur ses stocks, soit 1 Md € ;
- de l’augmentation du fonds de soutien à l’Ukraine, qu’il faudrait porter à 800 M € en 2024 (au lieu des 200 M € budgétés) et à 1 Md € en 2025 (au lieu de 200 M € si le budget était reconduit à l'identique) ;
Plusieurs sources, bancaires ou fiscales, pourraient être exploitées pour couvrir les dépenses d’armement, comme l’a indiqué le récent Rapport d’information sur l’économie de guerre de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Une autre piste, plus mobilisatrice, serait de faire appel à l’épargne des Français. Afin d’éviter une hausse de l’endettement public extérieur, pourraient être lancé un emprunt national et créé un « Livret d’aide à l’Ukraine » (sur le mode du Livret de développement durable). Cela permettrait à nos concitoyens de s’impliquer dans le soutien à la démocratie ukrainienne.
La paix passe par le retrait complet de l’armée russe hors du territoire ukrainien. Aussi les moyens, qui ont manqué à l’Ukraine depuis deux ans, ne doivent plus lui faire défaut. Et la France peut être la première au sein de l’Europe à donner l'exemple d’un engagement décisif. L’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! et les signataires en appellent à la mobilisation de tous.
Liste des premiers signataires:
Galia Ackerman, historienne
Guillaume Ancel, ancien officier et chroniqueur
Antoine Arjakovsky, historien et essayiste
Nicolas Bouzou, économiste
Bernard Bruneteau, historien
Vincent Desportes, Général (2S) de l’armée de Terre
Jean-Marc Dreyfus, rédacteur en chef de la Revue d'histoire de la Shoah
Patrick Dutartre, Général (2S) de l’armée de l’Air
Antoine Garapon, magistrat
André Gattolin, ancien sénateur
Michel Goya, Colonel des troupes de marine et historien
Etienne Klein, essayiste
Marc Levy, écrivain
Jonathan Littell, écrivain
Ariane Mnouchkine, fondatrice du Théâtre du Soleil
Jean-Paul Perruche, Général (2S) de corps d’armée, enseignant-chercheur
Olivier Py, directeur du théâtre du Châtelet
Pierre Raiman, membre fondateur de Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre
Robin Renucci, directeur du Théâtre de La Criée
Nicolas Richoux, Général (2S) de l’armée de Terre et historien
Sylvie Rollet, professeure émérite, Présidente de Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre
Dominique Schnapper, ancienne membre du Conseil constitutionnel
Pierre Servent, auteur, Colonel de réserve (h)
Nicolas Tenzer, enseignant à Sciences Po Paris
Xavier Tytelman, consultant défense
Michel Yakovleff, Général (2S) de l’armée de Terre
Vous pouvez ajouter votre nom à la liste de tous les signataires qui est consultable sur https://www.pourlukraine.com/post/davantage-armes-francaises
