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Billet de blog 7 mai 2025

L’autre 8 mai 1945

Nous sommes en 2025, soit 80 ans après le 8 mai 1945, les âmes des victimes appellent à nous souvenir de cette date où eut lieu un crime d’Etat. Malika Fecih, autrice.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 8 mai 1945, évidemment je connais !

Le 8 mai, c’est la date anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la victoire sur le fascisme, sur le nazisme.

Le 8 mai 1945, en France, on fêtait la fin de la guerre, on fêtait la paix, on fêtait le retour de la liberté, de l’égalité, de la fraternité… On fêtait le retour des valeurs qui caractérisent la France.

Et l’autre 8 mai 1945 ?

Quel autre 8 mai 1945 ? Celui-là, je ne le connais pas.

Il se passe aussi en France, dans son empire colonial, dans le Nord-Est de l’Algérie.

Les Algériens profitent du climat d’euphorie qui règne autour de cette victoire pour tenter une revendication. Cette victoire, c’est aussi la leur, ils y ont contribué, ils étaient plusieurs centaines de milliers enrôlés dans l’armée française. Pas tous volontaires certes, mais présents sur le front pour libérer la France.

Le 8 mai 1945, à Sétif, Guelma et Kherrata, les Algériens défilent pacifiquement dans les rues de la ville. Ils réclament pour eux aussi la liberté, l’indépendance. Certains manifestants s’enhardissent même à brandir le drapeau algérien. Insoutenable ! L’étendard est perçu comme une provocation, une agression !

La liberté ne se partage pas et ne vaut pas pour les « indigènes ». J’ai bien dit « indigènes », non pas par familiarité, ni par erreur, mais c’est ainsi que l’Etat français qualifiait les populations originaires des terres colonisées. Ils étaient d’ailleurs régis par un code de l’indigénat qui les reléguait à un statut de sous-citoyens n’ayant le droit que de survivre sur leurs terres confisquées.

Les manifestations sont violemment réprimées. On parle d’une centaine de morts côté français clairement identifiés et de dizaines de milliers de morts côté algérien. Les exécutions sommaires sans procès battent leur plein. Les braves tirailleurs algériens qui ont bataillé fraternellement avec les soldats français la veille sont abattus. Des charniers, des fours crématoires sont improvisés pour faire disparaitre au plus vite les victimes. Impossible de les dénombrer avec précision quand les restes ne sont que cendres… Des familles endeuillées cherchent encore à comprendre, cherchent à offrir une sépulture à leurs défunts disparus après une manifestation le 8 mai 1945.

Cet autre 8 mai 1945, je ne le connaissais pas.

A l’instar, du 17 octobre 1961, j’ai découvert ces massacres en plein Paris toujours suite à une manifestation pacifique des Algériens, il y a quelques années en m’intéressant à la guerre d’Algérie. D’origine algérienne, j’étais pourtant au premier loge pour recevoir cette histoire. Mes parents, mes oncles, mes tantes, mes ainés compatriotes, tous l’avaient connue, l’avaient subie.

A l’école, au lycée, le programme d’histoire au bac couvrait la période de la seconde guerre à nos jours. Impossible de rater cet épisode.

Pas un mot sur cet autre 8 mai 1945 !

Un évènement passé à la trappe.

Un silence des Algériens qui tentaient d’oublier ce terrible pour guérir leurs blessures et qui décidaient de regarder de l’avant. Une omerta des politiques français qui couvraient des exactions d’un Etat voyou prêt à tout pour maintenir sa domination coloniale.

Comme si ne pas parler permettait d’oublier, pas de procès, pas de paroles, pas de victimes, pas de bourreaux, pas de coupables… Circulez, il n’y a rien à voir !

Qui peut croire à un tel processus ?

Nous sommes en 2025, soit 80 ans après le 8 mai 1945, les âmes des victimes appellent à nous souvenir de cette date où eut lieu un crime d’Etat.

Malika Fecih, autrice, le 10 février 2025

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.