Tant qu'on n'aura pas reconnu qu'une partie de la population française a pu être :
-1- profondément choquée par l'obscénité des caricatures de Charlie et offensée dans son sentiment religieux, beaucoup pouvant dire, comme l'a fait Priscilla Mangel devant le tribunal : "J’ai un problème avec le blasphème, je le reconnais",
-2- sincèrement scandalisée par le choix de toutes les autorités du pays de faire de ces caricatures un emblème de la liberté d'expression et de la laïcité, en les arborant au fronton des bâtiments de la République et en encourageant les enseignants à les prendre comme support pédagogique dans leurs cours sur ces thèmes,
on ne pourra pas juger en équité une personne qui dit " J’ai un problème avec le blasphème, je le reconnais. En tant que croyante, je pense que le blasphème ne pousse pas la société à la fraternité. Les dessins sont provocants, c’est le but, j’ai donc utilisé les mots pour provoquer à mon tour, pensant que mes mots étaient équivalents. Mais j’ai mené une introspection et ces paroles ne sont pas excusables… " et qui encourt trente ans de réclusion.
Tant qu'on n'aura pas admis que ceux qui, dans les institutions politiques et dans les médias, ont promu ce choix, peuvent porter une part de responsabilité dans ce qui est advenu, en confondant la nécessaire défense de la liberté de publier ces caricatures et l'approbation des caricatures elles-mêmes, en transformant ainsi le droit au blasphème, que la République doit faire accepter aux personnes qui "ont un problème" avec cela, en une injonction au blasphème, que la République ne peut promouvoir sans risquer de faire de l'islamophobie sa doctrine officielle aux yeux des mêmes personnes...
Tant qu'on n'aura pas accepté au moins de débattre de cette possible part de responsabilité des personnes qui, par leur autorité institutionnelle ou par leur pouvoir d'influence médiatique, ont contribué à cette confusion, on ne pourra juger en équité les personnes qui sont aujourd'hui sur le banc des accusé.e.s.