Pierre Prades
Avons-nous entendu une seule condamnation publique des représailles collectives exercées par les autorités israéliennes sur les familles des jeunes palestiniens accusés d'avoir versé le sang des colons ou des citoyens juifs?
Compte tenu des structures encore patriarcales des familles palestiniennes et de leur mode de vie communautaire, la destruction d'une maison familiale met à la rue un nombre important de personnes de tous âges, dont la responsabilité n'est en rien engagée par un crime qu'aurait commis l'un de leurs parents. C'est, à l'échelle d'une famille, le même acte de punition collective que les bombardements de Gaza...
S'il fallait une nouvelle preuve de la nature coloniale de la domination que subit le peuple palestinien, en voici une. Les palestiniens ne sont pas traités comme des individus responsables de leurs propres actes mais comme membres d'une "autre" communauté qui doit payer pour eux.
A-t-on vu de telles représailles collectives exercées par les autorités israéliennes sur la famille d'un citoyen juif ayant commis un acte de la même gravité ?
Comme c'est souvent le cas, la justification utilitariste de cette pratique (faire un exemple, décourager ceux qui voudraient en faire autant…) ne fait que masquer sa fonction symbolique, celle d'une vengeance tribale. Car cette pratique d'Israël est en tous points semblable à la vengeance tribale qui était jugée légitime dans les sociétés communautaires traditionnelles : l'individu n'est pas un sujet moral autonome, il n'est que le membre d'un corps, et c'est ce corps, sa communauté, sa tribu, qui est le vrai sujet moral. En punissant toute la famille d'un palestinien pour un acte attribué à celui-ci, les autorités d'Israël signifient clairement qu'elles "vengent" leur tribu en punissant l'autre tribu qu'elles veulent dominer.
Qu'une pratique aussi archaïque et aussi contraire aux droits humains d'aujourd'hui soit mise en œuvre par un Etat qui se veut démocratique est déjà un scandale. Que cela puisse se faire sans susciter de réactions de nos propres représentants politiques ni de nos grands médias est un autre scandale, et qui nous touche de plus près encore.