par Jeanne Prades
Vous puez ! Une brise révolutionnaire au pays du Cèdre ?
Comment ne pas penser à la Tunisie de Mohamed Bouazizi, et tout ce qui s’en suivit, lorsque Mohamed Heraz, un jeune libanais, s’immole par le feu devant le Tribunal militaire de Beyrouth le 16 octobre 2015, protestant contre la détention arbitraire de deux activistes ?Le Liban est traversé depuis plus de trois mois par une crise des ordures devenue une véritable contestation politique face à l’immobilisme de la classe dirigeante. Manifestations, arrestations arbitraires, immolation… Les interrogations fusent quant à l’avenir du pays, jusqu’ici « épargné » par le chaos régional.
Beyrouth sous les déchets
Mes premiers contacts avec cette crise remontent au 20 juillet dernier, lorsqu’en me rendant à l’IFPO de Beyrouth, j’ai été estomaquée par l’odeur nauséabonde régnant rue de Damas. Une montagne d’ordures jonchait les trottoirs, rendant la circulation impossible[1].
J’appris alors que la décharge de Na’amé avait fermé ses portes trois jours auparavant, bloquée par des riverains excédés. Situé dans la région du Chahhar au sud-est de la capitale, le village de Na’amé accueillait les déchets ménagers de Beyrouth et du Mont Liban. Le gouvernement avait été alerté dès janvier 2015, quand la municipalité avait annoncé sa fermeture définitive le 17 juillet 2015, après de longues années de protestation locale. Malgré six mois de préavis, les pouvoirs publics n’ont rien fait. Il y avait là le symptôme d’un dysfonctionnement profond, comme l’a montré l’évolution de la situation à Beyrouth dans les semaines et les mois suivants.
Jusqu’à mon départ du Liban, le 24 juillet, je suis restée perplexe devant le silence des beyrouthins. La situation était-elle si dégoutante qu’elle en était devenue taboue, dans un pays où l’émerveillement du visiteur est une priorité nationale ? Pas si étonnant finalement, compte tenu du faible souci de l’espace public et de l’apparent désintérêt des Libanais pour les questions environnementales. Aussi, quelle ne fut pas ma (bonne) surprise face à l’émergence du mouvement civil et écologique « Vous puez ! »…
Une réponse de la société civile à la classe politique : Vous puez !
J’ai donc suivi cette affaire de près depuis mon retour à Paris. C’est par l’intermédiaire d’un ami libano-allemand vivant à Beyrouth, Sylvain K., que je découvre le mouvement Vous puez ! (« tol’et rahetkon »). Présenté sur sa page Facebook comme non partisan, anti-communautaire et pacifique, il promeut des « solutions centrées sur le retour au système de municipalités et le développement du recyclage au niveau national ». La gestion des déchets (collecte, traitement, stockage) relevait des compétences municipales jusqu’à janvier 2015, puis elle est devenue régionale par décision gouvernementale[2].
Le mouvement proclame sur les réseaux sociaux : « Nous n’alimenterons pas leurs magouilles. Pour que leurs ordures et leurs querelles communautaires[3] ne nous tuent pas, nous disons à tous les corrompus ‘Vous puez !’ »[4]. Partant donc du pourrissement des déchets dans la capitale, le mouvement entend assainir une classe politique qui, à certains égards, s’apparente à une véritable mafia.
Le Liban est privé de Président depuis la fin du mandat de Michel Sleiman le 25 mai 2014, faute d’accord au Parlement. Ce dernier a quant à lui décidé unilatéralement de prolonger son mandat jusqu’en 2017, alors que l’actuelle législature aurait du prendre fin le 20 juin 2013 ![5] De quelle légitimité démocratique jouissent donc encore ces institutions ?!
En outre, la politique libanaise suit des usages qui évoquent plus la tradition dynastique et le système féodal que la démocratie républicaine. Pour s’en faire une idée, il suffit de regarder la composition actuelle du gouvernement. Ainsi, les deux Machnouk, Mohammad, ministre de l’Environnement, et Nouhad, ministre de l’Intérieur, tous deux en cause dans la crise des déchets, sont proches parents. Mohammed Machnouk et l’actuel Premier ministre, Tammam Salam, sont des amis d’enfance, et leurs pères respectifs ont participé au même gouvernement, celui de Saëb Salam, père de Tammam. Par ailleurs, Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste libanais (PSP), est d’abord l’héritier d’une dynastie féodale druze, devenu malgré lui « Seigneur » du Chouf et leader politique en succédant à son père assassiné[6]. Il a reconnu le dimanche 30 août sur son compte twitter faire « partie de cette classe politique que le public a huée (lors de la grande manifestation du samedi 29 août) ». Cela ne l’empêche pas de préparer son propre fils Taymour à sa succession. Ce dernier a reçu les délégations du Chouf en tant que futur za’im (seigneur) dans le palais familial de Moukhtara (Chouf). Il s’est également entretenu avec les notables politiques libanais en tant que nouveau président du PSP à la résidence familiale de Clemenceau à Beyrouth. Il a même été introduit par son père auprès de François Hollande à l’Elysée !
On comprend mieux que la crise des déchets révèle en réalité une crise bien plus profonde opposant deux camps qui sont en fait deux générations. D’un côté, avec une jeunesse éclairée et politisée, de nombreux émigrés revenus vivre au Liban, mus par un sentiment patriotique doublé d’une volonté de réformes. De l’autre, une caste sociopolitique jugée illégitime, confisquant la voix du peuple de façon quasi héréditaire, tout en accaparant les richesses du pays. La crise des déchets en offre le dernier exemple.
Le tournant du 22 août : de la protestation à la contestation
Alors qu’ils n’étaient qu’une vingtaine à participer à la première manifestation un mois auparavant, ils furent plus de 40 000 à se rassembler le 22 août place Riad el-Solh, en plein centre de Beyrouth. L’exaspération populaire fut telle qu’on a pu entendre des manifestants scander « le peuple veut la chute du régime » (‘al-sha’b yourid isqat an-nizam’), fameux slogan ayant accompagné les chutes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte. En un weekend, un mouvement de protestation contre l’incurie des pouvoirs publics s’est donc transformé en véritable contestation politique du régime.
La pression populaire a porté ses fruits. Le Conseil des ministres du 24 août a décidé finalement, après d’innombrables reports, de rendre publics les résultats des appels d’offre pour la gestion des déchets lancés en janvier 2015. Mais des voix se sont rapidement élevées dans les médias contre un « partage des parts politique » : les prix excessifs proposés par les compagnies seraient la preuve de leurs liens avec des politiciens désireux de capter toujours plus d’argent public. Le lendemain, ces résultats furent annulés après un Conseil des ministres houleux, déserté par les ministres du Courant patriotique libre (CPL) de Michel Aoun et ceux du Hezbollah et du Tachnag (parti arménien), autrement dit ce que l’on appelle l’ « Alliance du 8 mars ». Cette incapacité du gouvernement à agir est une nouvelle illustration de la paralysie endémique du pays, miné par l’opposition stérile des partisans du « 8 mars » à ceux du « 14 mars ».
« 8 mars » contre « 14 mars » : une opposition stérile héritée de la guerre civile
Tout commence apparemment le 14 février 2005, jour de l’assassinat du Premier ministre, Rafic Hariri, opposé à la reconduction du Président libanais, Emile Lahoud, jugé trop proche de Damas. S’ensuivent deux manifestations historiques, où l’antagonisme « pro » et « anti syrien » prend une nouvelle dimension. Le 8 mars 2005, les partisans du « grand frère » syrien font une démonstration de force sous la houlette du Hezbollah. En réponse, 1,3 million de Libanais manifestent leur opposition à la présence syrienne le 14 mars place des Martyrs, au centre de Beyrouth.
Pourquoi une telle polarisation ? La guerre civile (1975-1990), marquée par les interventions étrangères, notamment syrienne, dans les affaires libanaises, n’a pas abouti à une réconciliation nationale. Loin de sceller un nouveau compromis entre factions armées, les accords de Taëf du 22 octobre 1989 n’ont fait qu’entériner l’arrêt des hostilités sous la houlette syrienne et le parrainage saoudien. C’est dans ce contexte que l’interventionnisme étranger, réel ou perçu, structure la scène politique libanaise.
Ainsi, deux Liban se font face : un Liban du Nord, majoritairement sunnite, qui subit l’intervention incessante de l’armée syrienne sur le territoire libanais, et un Liban du Sud, majoritairement chiite, où le Hezbollah, créé en 1982, domine le champ politique et la lutte armée dans la confrontation avec Israël. Deux Liban qui, n’ayant pas le même ennemi, ni les mêmes amis, ont une lecture bien différente des dynamiques régionales. Tout cela affaiblit une unité nationale déjà très fragile.
La création du Grand Liban en 1920 n’a pas surmonté le désaccord profond entre nationalistes arabes (musulmans et chrétiens) partisans de la Grande Syrie[7], et un mouvement chrétien maronite, allié à la puissance mandataire française, réclamant un Etat libanais indépendant[8]. Le Liban est de plus en plus paralysé par le régime « confessionnel », véritable moteur des ingérences étrangères, instauré par le Pacte national lors de l’accession du pays à l’indépendance en 1943[9]. Par la suite, et plus encore aujourd’hui, cette fragile construction a fait du Liban le terrain d’affrontement privilégié entre l’Arabie Saoudite et l’Iran dans leur course au leadership régional.
L’opposition entre « 8 mars » et « 14 mars » est aujourd’hui exacerbée par la guerre en Syrie, et elle ne recoupe pas le clivage « confessionnel ». Alors que la plupart des partis chrétiens, issus d’anciennes milices, comme les Forces libanaises ou les Phalanges, sont ralliés au mouvement du « 14 mars », le Courant patriotique libre (CPL), fondé par le général maronite Michel Aoun autour de la résistance à l’offensive militaire syrienne (1992), a rejoint les rangs du « 8 mars » après une entente avec le Hezbollah le 6 février 2006.
Le clivage, qui s’est manifesté lors du Conseil des ministres du 25 août, déserté par les ministres de l’alliance du « 8 mars », se retrouve également dans l’interprétation des troubles survenus en marge des manifestations les 22 et 23 août.
Une lecture communautaire des débordements des 22 et 23 août
Depuis les violences survenues le weekend du 22 août, opposant de jeunes manifestants aux Forces de sécurité intérieure libanaises, le mouvement a du faire face à diverses tentatives de déstabilisation et de décrédibilisation dans un contexte politique extrêmement tendu et fragile.
Sur les commentaires de la page Facebook Vous puez !, ou dans certains articles libanais traitant de la crise des déchets, partisans du 8 mars et du 14 mars s’accusent mutuellement, sans autre argument que l’appartenance supposée au camp adverse. Certains observateurs n’interprètent d’ailleurs pas ces manifestations comme un phénomène de politique intérieure au Liban mais comme le fruit d’une manipulation extérieure et notamment iranienne[10].
Mais si l’on veut l’interpréter au contraire comme un phénomène interne, « national », on peut se poser la question : y a-t-il réellement un Etat nation libanais ? D’une part, les institutions politiques dont est doté le pays n’ont plus aucune légitimité démocratique. D’autre part, l’expression d’un sentiment national libanais n’est pas évidente alors que les sensibilités et les appartenances semblent largement dépasser le Liban.
Une logique nationale fragile greffée sur des appartenances communautaires très fortes
Pour tenter de comprendre la situation libanaise, il faut s’astreindre à déconstruire une lecture nationale,évidente en Europe, mais discutable au Proche Orient. Les Etats nations européens sont le fruit d’un processus lent débuté au Moyen-âge. Les Etats arabes, eux, ont moins d’un siècle et leurs frontières ont été tracées par les puissances européennes victorieuses de 1918, selon leur vision stratégique et leurs propres intérêts. Le concept même d’Etat nation[11] est difficilement applicable à la région. Des mouvements nationaux se sont développés en confrontation avec la domination ottomane puis avec celle des puissances mandataires dans la première moitié du XXème siècle[12]. Mais ces mouvements ont rarement permis de dépasser l’appartenance au groupe ethnico-religieux, qui tend à prévaloir dans la région. Celle-ci est restée pour l’essentiel une mosaïque communautaire.
On parle souvent de logique confessionnelle au Liban. On parle de chrétiens (maronites ou autres), de musulmans (sunnites ou chiites) ou de druzes. Or, les différences confessionnelles, après des siècles de cohabitation conflictuelle et d’endogamie, sont devenues quasi « ethniques ». Il est plus juste de parler de logique communautaire[13], en dépassant ainsi la seule variable religieuse, pour appréhender les complexes jeux d’alliance des Libanais.
Prenons l’exemple druze. Professant une religion hétérodoxe, dont le caractère musulman n’est pas unanimement reconnu, la communauté druze s’est établie progressivement dans les montagnes du Levant après son éradication d’Egypte au XIème siècle : dans la montagne libanaise dès le XIIème siècle (Chouf), au nord de l’ancienne Palestine (Galilée et plateau du Golan), puis en Syrie au XVIIIème siècle (djebel Druze)[14] . Si l’on peut admettre une solidarité communautaire entre Druzes, malgré leur éclatement géographique, il n’y a pas entre eux d’unité politique. C’est donc essentiellement au niveau de la communauté locale (pour le Liban, celle du Chouf) que s’exprime le lien de solidarité, selon des traditions patriarcales et féodales.
Ainsi, les rapports des Joumblatt, chefs druzes libanais, avec le « grand frère » syrien, se sont plusieurs fois renversés de la Guerre du Liban à nos jours. En 1976, Kamal Joumblatt s’oppose à l’intervention de la Syrie, alors alliée au camp maronite, dans la guerre civile. Il est assassiné en 1977 vraisemblablement sur ordre de la Syrie, et remplacé à la tête de la coalition palestino-progressiste par son fils Walid Joumblatt. Ce dernier renoue une alliance prudente avec la Syrie jusqu’en 2005. La rupture s’opère à nouveau lorsque Walid Joumblatt accuse publiquement Damas de l’assassinat de son père, après 30 ans de silence. Il revient néanmoins dans le giron de Damas en 2011 en rejoignant l’opposition pro-syrienne de Najib Mikati, avant se rapprocher à nouveau camp du 14 mars récemment.
Comment expliquer de tels revirements ? Walid Joumblatt, en tant que « Seigneur » du Chouf, est d’abord responsable de la protection de sa communauté avant d’être chef du PSP. Ainsi a-t-il noué des alliances politiques permettant de préserver avant tout les intérêts de sa communauté, ultra minoritaire au Liban (4%). Ces revirements, que nous pouvons interpréter comme des reniements dans une lecture politique nationale, sont en fait dictés par une stratégie de survie privilégiant la loyauté communautaire.
Cette logique peut expliquer également la division des chrétiens sur la scène politique libanaise. Les « chrétiens », en tant que groupe confessionnel, n’existent pas. Onze Eglises cohabitent, parmi lesquelles les maronites (majoritaires), les arméniens, les syriaques, les chaldéens, etc. A cela s’ajoutent des enjeux de pouvoir personnel, comme peut l’illustrer le revirement brutal du maronite Michel Aoun en 2006. Après 15 ans de résistance armée contre l’intervention militaire syrienne, le chef du CPL conclut une entente avec le Hezbollah le 6 février 2006. Il aurait rejoint les partisans de Damas dans l’« Alliance du 8 mars » avec l’espoir de briguer le mandat présidentiel, qui doit être exercé par un maronite. La compétition avec les autres leaders maronites au sein du 14 mars devenait trop rude pour cet « outsider », issu d’un milieu modeste et non d’une lignée patricienne.
Quant à la « communauté » chiite, elle ne s’organise et se conçoit comme telle que depuis quelques décennies. Il n’y avait pas de communauté chiite structurée aux côtés des Druzes et des Maronites sous le mandat français, ce qui explique d’ailleurs leur marginalisation sociale et politique[15]. Ils sont pourtant les premières victimes des conflits. Ils se sentent d’un côté menacés par un changement démographique en faveur des sunnites en cas de naturalisation des réfugiés palestiniens. De l’autre, ils sont les principales victimes des confrontations incessantes entre Hezbollah et Israël dans le Sud-Liban. D’où l’émergence d’une puissance communautaire chiite encouragée, depuis les années 1980, par la République islamique d’Iran.
C’est donc l’articulation entre dynamique communautaire et logique politique qui permet d’appréhender plus finement la situation libanaise, au delà des formes institutionnelles dont on ne peut pas vraiment dire qu’elles « constituent » la République libanaise comme Etat nation.
Vous puez ! l’occasion d’une alliance nationale libanaise ?
Mais le mouvement citoyen initié par Vous puez ! pourrait être l’occasion d’un sursaut national. Selon Sylvain K., que les fauteurs de trouble soient « envoyés par les partis politiques » ou qu’ils soient de « pauvres gens qui n’ont d’autres moyens d’exprimer leur colère », il ne faut pas laisser « ternir » ce mouvement prônant la fin d’un système communautaire étouffant.
Les militants ont finalement occupé le ministère de l’Environnement de force le mardi 1er septembre après que l’ultimatum demandant la démission du Ministre soit écoulé. Et, alors que les ordures ont rempli le lit du fleuve Nhar Beyrouth en même temps que le retour des pluies, la campagne s’est élargie à l’ensemble du Liban. Le mouvement ne s’arrêtera pas « tant que nous n’aurons pas envahi le Parlement ! » affirme Sylvain K. Il est vrai que le mouvement a d’abord suscité l’enthousiasme dans le monde entier, avant de s’essouffler légèrement. Des manifestations de solidarité ont été organisées de New York à Paris en passant par Londres et Montréal, tandis que les messages et groupes de soutien se multipliaient sur les réseaux sociaux. Indice peut-être que c’est à travers la diaspora libanaise que peut émerger un sentiment national capable de dépasser les luttes intestines.
Cet élan citoyen pourrait être l’occasion d’une entente minimale entre toutes les parties libanaises en vue d’un nouveau Pacte national, seul à même peut-être de préserver le Liban du chaos régional. C’est d’ailleurs l’élément phare du programme de Nadine Moussa, première femme candidate aux élections présidentielles libanaises avortées de 2014, pour qui il est urgent de trouver un nouveau contrat social entre tous les Libanais. Elle préconise l’évolution vers une « Troisième République », la seconde étant « obsolète » et impuissante à régler les problèmes « à leur racine »[16].
Mais il pourrait tout aussi bien retomber aussi vite qu’il n’est apparu, sous la pression des forces déstabilisatrices en présence. Pis encore, à l’heure où les rues beyrouthines se sont transformées en rivières de déchet[17], la situation pourrait dégénérer en véritable catastrophe entrainant le Liban vers le gouffre syrien.
Lorsque les maladies et les morts viendront alourdir le bilan de la « crise des déchets », qui pourra contenir la colère légitime d’un peuple excédé ?
[1] Beyrouth, comme beaucoup de villes des pays du Sud, ne facilite pas la vie aux piétons. La largeur des trottoirs est dérisoire le long des grands axes routiers et leur entretien semble laissé au gré des enseignes privées.
[2] Le plan de gestion des déchets, adopté le 12 janvier 2015, partage le Liban en six zones, chacune d'entre elles devant être gérée par une société privée.
[3] Notons l’ambivalence de l’adjectif taïfiyya en arabe, qui renvoie à la fois au communautaire et au confessionnel, avec une connotation plutôt négative.
[4] http://facebook.com/tol3etre7etkom
[5] 23 tentatives ont échoué entre le 25 mai 2014 et le 25 mai 2015, de réunir le quorum nécessaire de 2/3 des 128 députés au Parlement.
[6] Kamal Joumblatt est assassiné le 16 mars 1977, en pleine Guerre du Liban, vraisemblablement sur ordre de la Syrie. Son fils, Walid Joumblatt, attendra 2005 pour accuser publiquement Damas après près de trente ans d'alliance.
[7] Il s’agissait, sous l’empire ottoman, d’une province arabe nommée « Bilad as-Sham », ou « Grande Syrie », comprenant la Syrie actuelle, le Liban, la Jordanie, la Palestine, une partie de la Turquie et de l’Irak. Lorsque le partage de la région entre la France et la Grande Bretagne (accords Sykes-Picot) est entériné par la Société des Nations en 1920 (conférence de San Remo), la France obtient un mandat sur une partie de ce que l’on appelle alors la Syrie, comprenant le Mont Liban, et qui exclut la Palestine et la Jordanie.
[8] À partir du Mont Liban qui avait déjà émergé au cours des siècles comme un Emirat druzo-maronite autonome.
[9] Il prévoit que le Président de la République doit être chrétien maronite, le Premier ministre sunnite, et le président du Parlement, chiite.
[10] Voir à ce sujet les articles de P. Abi-Akl dans L’Orient le Jour des 24 et 25 août 2015.
[11] C’est à dire la coïncidence entre l'appartenance à un groupe, défini comme la nation, et l'existence d'une souveraineté et d'institutions politiques et administratives qui l’exercent, l'État.
[12] Le nationalisme arabe commence à émerger avec la Nahda au XIXème siècle. Plus localement, l’Emirat du Mont Liban se développe comme entité socio-politique autonome dès le XVIème siècle.
[13] Dans ce cas, le lien communautaire est caractérisé par l'attachement qu'a l’individu envers le clan (lien de sang), son village et ceux qui y habitent (lien de voisinage) et les pratiques coutumières et religieuses qui s’y exercent. Dans laGemeinshaft de F. Tönnies, la fidélité, la loyauté, l’honnêteté d’un individu ne portent pas sur des valeurs ou des principes généraux mais sur le groupe lui-même.
[14] « Le druzisme prend naissance en Égypte en 1017, sous la forme d’une scission du mouvement fatimide ismaïlien, avec la révélation du calife al-Hakim (996-1021). Un groupe de fidèles accepta la prétendue incarnation divine d’al-Hakim et, sous la direction du vizir al-Darazi, forma une nouvelle communauté religieuse », in C. Roussel, « Chapitre 1. La communauté druze et son organisation spatiale », Les druzes de Syrie, p. 19-29, Presses de l’IFPO, 2011.
[15] En vertu du Pacte national non écrit de 1943, le pouvoir exécutif est partagé entre sunnites et maronites, et seule la présidence du Parlement est réservée aux chiites. C’est dans le cours des affrontements palestino-israéliens, qui touchent durement les populations du Sud-Liban, puis de la guerre civile libanaise, qu’émergeront des acteurs politico-militaires chiites. Le « mouvement des déshérités » fondé en 1973 par l’imam chiite Moussa Sadr, puis sa milice Amal, ont offert un cadre à la jeunesse chiite marginalisée, avant d’être peu à peu supplantés par le Hezbollah, une scission d’Amal soutenue par l’Iran de Khomeini.
[16] Florence Massena, « Will Nadine Moussa be Lebanon’s next président ? », Lebanon Pulse, Al-Monitor, 18 mars 2015.
[17] Voir les vidéos prises par des habitants du quartier d’Achrafye (Beyrouth Est) notamment, postées sur la page Facebook Leb48 :
https://www.facebook.com/leb4884/?ref=ts&fref=ts