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Billet de blog 28 mars 2025

Vie : chose extensible qu’on ne parvient pas toujours à remplir

Vie, exutoire, quintessence… au sein de l’atelier Prendre mots de la Maison des femmes de Saint-Denis, on s’est amusé à donner nos propres définitions de quelques mots choisis.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au sein de l’atelier « Prendre mots », les patientes prises en charge par la Maison des femmes de Saint-Denis (93) se sont essayées dernièrement à donner leur définition de quelques mots choisis ensemble. Car au-delà des règles du bon usage établies par les dictionnaires, les mots font toujours écho à quelque chose de personnel et c’est ce quelque chose qui nous intéressait de travailler. 

Dans un premier temps, nous dessinons une constellation autour d’un mot à l’aide de tous les autres mots que celui-ci nous évoque. 

Ainsi pour le mot “Vie”, jaillissent les mots : beauté, partage, cycle, souffle, énergie, désir, création, mère, mouvement, vibration, sacré, mort, passage. Ces mots associés nous aideront à creuser le sens que l’on donne au mot de départ.

Illustration 1
A l'atelier "Prendre mots" de la Maison des femmes © MdF

Après un bon quart d’heure à réfléchir et écrire en silence, nous partageons nos définitions, mesurons ce qui fait consensus pour toutes et ce qui fait la singularité de chacune. 
(Nous reproduisons ci-dessous que les textes dont les femmes ont accepté qu’ils soient retranscrits dans ce blog) 
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« Vie : D’abord un souffle de désir. Ou un désir de souffle. Quelque chose qui remplit les poumons et irrigue la pensée. Une vibration perpétuelle, un mouvement permanent qui engendre à son tour de la vie. Un cycle fragile et essentiel, profondément humain. Quoique non : les animaux, les plantes, les arbres, les rochers et les glaciers, tous sont irrigués de vie. » 
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« Donner la vie, tel est le rôle de la mère dans le cycle éternel de l’humanité. Cet acte d’amour à la base nait d’un partage entre deux personnes, du fruit d’un désir. 
Le souffle de vie en chacun est précieux et sacré, et sans cesse en mouvement, la nature ayant horreur du vide, dit-on.
L’essence même de la vie en chaque chose, en chacun, est de toute beauté si elle est en harmonie. 
La vie se partage bien au delà de la mort, qui permet d’exister sous une autre forme suivant d’autres cycles mais la vie permettra à d’autres d’exister. » 
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« Vie : chose extensible qu’on désire tous le plus grand possible en longueur, en profondeur, mais qu’on ne réussit pas toujours à remplir. » 

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Nous passons ensuite au mot ”Exutoire” dont la constellation se remplit des mots : sortie, défouloir, création, soulagement, broderie, positif, cris, sublimer, énergique, délester, libération.

Illustration 2
A l'atelier "Prendre mots" de la Maison des femmes © MdF

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« Exutoire : endroit où l’on peut déverser sa colère, son chagrin, sa rage afin de s’en délester. Ensuite, plus légère, reprendre tout cela, le malaxer et créer dans la joie, des étoiles et des pépites à déposer doucement sur son oreiller. » 
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« Un exutoire est un défouloir, une libération énergique, comme un cri qui crée un soulagement. Action de se délester d’un poids pour sublimer. » 
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« Exutoire : nom masculin ayant une résonance toute particulière en ces temps agités. Trop souvent associé au nom commun femme, l’exutoire devrait reprendre sa définition première de porte de sortie, de mouvement vers la création. 
Moyen de se débarrasser de ce qui gêne.»
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« Exutoire: se dit d’une action nous extirpant d’une situation inconfortable, désagréable voire anxiogène. C’est une sorte de porte de sortie où nous pouvons nous libérer de ce qui nous met mal, à mal, sous forme de défouloir, propice au délestage énergique et qui permet de nous soulager et retrouver notre sérénité et notre positivité la plus totale, ne serait-ce qu’en criant ou à travers des arts créatifs comme la broderie : afin que du chaos jaillisse la lumière, propice à un retour à la normale. » 
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« Exutoire : tiroir où il est possible de ranger ses colères toutes chiffonnées. Le temps d’avoir l’énergie de sortir le fer à repasser. » 

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Nous nous apercevons que le mot “Quintessence” est apparu plusieurs fois dans nos textes. Sans passer par le chemin de la constellation, nous tentons chacune de le définir.

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« Quintessence : essence, substantifique moelle d’une personne, d’un moment, d’un lieu, d’une émotion, de toutes choses en somme. »

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« L’essentiel tout simplement »
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« C’est l’essentialisation de toute chose. Se dit d’une odeur et d’un souvenir lointain. Peut-être utilisé aussi négativement, “la quintessence du mal” par exemple pour une personne profondément mauvaise, rien de bon en elle. 
Se dit également de belles choses, “la quintessence de l’art” par exemple. C’est la substantifique moelle, la partie essentielle, la plus riche de chaque chose, de chacun. »
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« Quintessence : nom féminin. Bien compliqué ! L’essence suprême ? En tout cas, rien à voir avec le super ou le gasoil. Peut-être un rapport avec les huiles essentielles ? Faudrait travailler à partir de l’étymologie. C’est quoi ce “quint” ? Sans ce “e” qui le rapprocherait de la toux. Est-ce que ce quint sans “e” serait le tout sans “x”. E.X…. Ça me laisse perplEXe.» 
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Du coup, nous allons chercher l’étymologie du mot. Où l’on apprend que la Quinta Essentia est chez les philosophes anciens, le Cinquième élément, celui qui s’ajoute aux quatre premiers (la terre, le feu, l’air, l’eau) et qui en assure la cohésion ou la vie. Nous retournons donc à la vie, notre premier mot et cela nous réjouit : notre cercle de jeux de mots fait de jolies boucles.

Et tant que nous sommes devant le dictionnaire papier trouvé sur une étagère de la salle, Louise (qui écrit par ailleurs des romans policiers) le feuillette à la recherche du mot “autrice”. Notre Petit Robert aux pages jaunies date de quelques années, et stupeur : « Y’a pas le mot “autrice” dans ce dictionnaire… Après “auteur”, tu tombes sur “autruche” ! »
Eclat de rire général.

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L’atelier « Prendre mots » vise à permettre aux femmes vulnérabilisées et victimes de violence, prises en charge dans le parcours de soin de la Maison des femmes de l’hôpital Delafontaine, de s’exprimer dans le cadre d’exercices d’écritures encadrés. Ce n’est pas un groupe de parole mais une espèce de cercle de jeux de mots, animé par la photographe et autrice Louise Oligny, la dessinatrice, créatrice et autrice Clémentine du Pontavice, la journaliste Sophie Dufau, et cette année avec l'étudiante en art thérapie Juliette Cabon. Pour retrouver tous nos posts, cliquez ici.

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