Depuis plusieurs années, la région Île-de-France et le département de Seine-Saint-Denis sont les territoires avec le risque de contamination le plus élevé (deuxième après Paris avec 300 à 400 nouveaux diagnostics par an). Pour autant, les offres de prévention et de dépistage sont toujours insuffisantes. Les jeunes, les personnes nées à l’étranger, celles entretenant des rapports entre hommes et les personnes trans sont les populations avec le plus haut taux de séroprévalence.
Selon le Sidaction, « les personnes vivant avec le VIH sont en moyenne deux fois et demie plus précaires que la population générale et la crise économique les touche particulièrement ». Les LGBTQI+ de quartiers populaires sont donc particulièrement concerné·es par ces questions. À ce sujet, le rapport dirigé par France Lert, La Seine-Saint-Denis, un Département engagé pour la fin du sida en 2030 met réellement en exergue les défis auxquels va devoir faire face le département pour arriver à une Seine-Saint-Denis sans sida.
Depuis quelques jours, en préambule de la journée mondiale de lutte contre les VIH, les chiffres épidémiologiques nous arrivent. Bien que des améliorations peuvent être notées, notamment dans le nombre de tests effectués, mais aussi dans le nombre de prescriptions de la PrEP chez les HSH (notamment en ville), il nous semble qu’au regard des conditions d’accès des populations clés aux services de santé, grandement dégradées depuis l’épidémie du COVID 19, on ne peut seulement se réjouir de ces résultats. Le nombre de dépistages tardifs, notamment chez les populations d’Afrique subsahariennes, reste très important au sein du département, notamment au sein de communes éloignées du soin et de la prévention (45% en national contre 51% pour le 93, avec des pics à 70% dans certaines communes).
De nombreuses associations sur place effectuent un travail de terrain plus que nécessaire. Malgré ça, les lieux de prise en charge des personnes concernées, vivant en Seine-Saint-Denis, sont concentrés à Paris et ses centres de santé. Conscient·es des stratégies d’éloignement du lieu de domicile, notamment dû à la stigmatisation toujours aussi importante, on ne peut ignorer que ce constat provient également du manque de moyens alloués à la santé en Seine-Saint-Denis. En effet, le département ne compte qu'un seul CEGIDD (Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic) et seulement quelques Centres Départementaux de Prévention Santé (CDPS), et cela, face à une dizaine de centres à Paris. Néanmoins, bien que le rapport de Lert encourage les liens entre le département et les CEGIDD de Paris, et notamment l’amélioration de leur service d'accueil, nous pensons que la lutte contre le VIH doit aussi s’inscrire au sein de nos territoires.
En bref, nos revendications concernant les politiques de santé et la lutte contre les IST : l’ouverture de nouveaux CeGIDD en Seine-Saint-Denis, campagnes de prévention, accès aux informations, aux dépistages, aux méthodes de protections (notamment la PrEP)... Sans oublier la lutte contre la sérophobie. En effet, les personnes séropositives sont encore trop souvent discriminées en raison de leur maladie, dont l’accès au soin peut être entravé par les LGBTQIA+phobies, le racisme, les politiques migratoires, la précarité, le classisme, la toxicophobie et la criminalisation de la transmission... Nous exigeons donc un accompagnement inconditionnel de toutes les personnes touchées.
Depuis plusieurs mois maintenant, nous revendiquons pour cela l’ouverture en Seine-Saint-Denis d’un Centre LGBTQI+ communautaire géré en autonomie par des personnes concernées. Un lieu par et pour les LGBTQI+ de quartiers populaires. Cet espace se doit aussi d’être un accès au soin et à l’information !
En effet, les jeunes, très présent·es au sein du département, et touché·es par la maladie n’ont pas assez d’informations et de formations relatives à la sexualité. L’intensification des campagnes de prévention et de sensibilisation sur le VIH et ses traitements dès le collège pour lutter contre la discrimination des personnes séropositives est dès à présent une nécessité. La méconnaissance de l’existence de la PrEP et du TASP (traitement pris par les personnes séropositives empêchant la transmission du VIH) sont des signes alarmants du manque de circulation des informations en matière de prévention.
Comme toujours, nous sommes persuadé·es que c’est en unissant nos forces que nous arriverons à créer un réel levier pour renverser les hégémonies qui nous gouvernent. Comme nombre de collègues, nous exigeons des actions immédiates de l’État en faveur d’une politique sociale d’accès à la santé cohérente, permettant réellement à tou·tes - et surtout aux populations les plus exposées - de bénéficier de prévention et de prise en charge à la hauteur des besoins.
Pour aller plus loin :
- Conseil national du Sida et des hépatites virales, « Journée mondiale: garantir les droits des personnes migrantes et réduire les inégalités d’accès à la prévention et aux soins », 2022
- Fabienne Caby (dir.), Étude Coïncide, INSERM (Nous remercions @Aides93 pour le partage d’informations à ce sujet)
- “SFLS 2022 : Briser les frontières”, Seronet, 2022
- Françoise Lert (dir), “La Seine-Saint-Denis, un Département engagé pour la fin du sida en 2030”, Seine-Saint-Denis : le Département, 2018
- Fred Lebreton, « VIH en France : données stables, mais fragiles », Seronet, 2022