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Billet de blog 24 février 2017

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A Saint-Denis : le mouvement social et populaire interpelle la France insoumise

En Seine-Saint-Denis, lors d'un meeting à la Belle étoile le 21 février, la France Insoumise dialogue avec des militants de terrain, qui se battent au quotidien pour la dignité des citoyens et leurs territoires.

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A Saint-Denis : le mouvement social interpelle la France insoumise

Une banderole rouge et noire domine la salle de la Belle Étoile à La Plaine Saint-Denis et résume l’esprit de la soirée : « Ils ont les milliards, nous sommes des millions ». Mardi 21 février, accueillie par la compagnie Jolie Môme (http://cie-joliemome.org/), la France insoumise ( groupe de Saint-Ouen, La Plaine Saint-Denis, L'Ile-Saint-Denis, Epinay-sur-Seine) organisait un meeting politique innovant, puisqu’il ne s’agissait pas seulement d’un moment de soutien à Jean-Luc Mélenchon, mais bien d’un dialogue avec des représentants du mouvement social et populaire. La Révolution citoyenne et sociale ne pourra venir d’en haut, et nul gouvernement, aussi volontariste soit-il, ne peut instaurer un rapport de force à même de transformer en profondeur la société s’il ne s’appuie pas sur un mouvement populaire organisé. Les limites rencontrées par  l'expérience du pouvoir de François Mitterand à partir de1981, ou par Alexis Tsipras aujourd’hui, sont là pour nous le rappeler.

Acteurs et actrices des luttes sur le terrain, les intervenants se sont succédés pour faire entendre leurs exigences, celle d’un pays qui résiste à des décennies de politiques néolibérales et sécuritaires, aggravées ces derniers mois par le gouvernement PS : aussi obstiné à imposer la loi travail qu’à soutenir aveuglément les revendications des secteurs les plus réactionnaires de la police  (https://www.mediapart.fr/journal/france/230217/conditions-de-tir-des-policiers-cette-loi-ne-protege-ni-les-policiers-ni-les-citoyens). Dans une ambiance fraternelle, mais sans concessions, les militants ont présenté leur lutte et interpellé la France insoumise, représentée par Eric Coquerel, Hélène Franco et Aïssa Terchi.

Les premiers à prendre la parole sont les organisateurs du rassemblement de soutien à Théo samedi 11 février à Bobigny : Renaud Boissac et Alys Chibout, également membre du MJCF ( Mouvement Jeunes Communistes de France). L’acte de torture et de viol dont a été victime Théo a ému bien au-delà des quartiers populaires, et a mis en lumière des pratiques qui n’ont malheureusement rien d’exceptionnel, comme le rappelle aussi la mort d’Adama Traoré lors de son interpellation. Alys Chibout explique que les violences policières ont très souvent pour origine la pratique du contrôle d’identité. Or, le contrôle d’identité est aujourd’hui la seule pratique policière qui ne fait l’objet d’aucun procès-verbal, et peut donc se dérouler sans aucune justification, avec de fréquents dérapages. Plusieurs études ont démontré que ces contrôles visent très majoritairement les jeunes Noirs et Arabes des quartiers populaires : c’est la pratique du contrôle au faciès, qui consiste à contrôler non en fonction d’un comportement illégal ou dangereux, mais en fonction d’une apparence. Ces pratiques peuvent briser des vies, non seulement s’il y a des violences, mais aussi tout simplement lorsque de nombreux jeunes des quartiers populaires loupent un examen ou un entretien d’embauche à cause d’un contrôle injustifié. Renaud Boissac et Alys Chibout expliquent qu’une mesure simple permettrait de limiter ces pratiques et d’encadrer les contrôles : le récepissé délivré lors de chaque contrôle. C’était une promesse de François Hollande, reniée comme tant d’autres. Bruno Le Roux, deputés de Seine-Saint-Denis et ministre de l’intérieur justifie aujourd’hui le non respect de cette promesse.Hélène Franco, magistrate et membre de la France insoumise informe que la Cour de Cassation elle-même, peu suspecte d’être à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire, a condamné l’Etat français pour la pratique des contrôles au faciès  

(https://www.courdecassation.fr/communiques_4309/contr_identite_discriminatoires_09.11.16_35479.html ; http://l-la-preuvemsi.net/Controles-au-facies; Voir aussi la rencontre entre Issa Coulibaly de Stop contrôles au faciès et Jean-Luc Mélenchon: https://www.youtube.com/watch?v=E830PpcGChQ )

De tels actes soulèvent l'indignation, et donnent lieu à des mobilisations politiques nouvelles: ainsi le 11 février à Bobigny, alors que la presse dominante n'a retenu que les violences marginales, un moment majeur d'expression politique a eu lieu: des milliers de citoyens, des quartiers populaires en particulier, se sont rassemblés, soutenu par les militants de la gauche de combat, et ont pris la parole. Les prises de parole de Bobigny ont exprimé une révolte, contre des pratiques policières et étatiques néocoloniales, pour la justice et la reconnaissance

( http://www.eric-coquerel.fr/node/574).

Afin justement, d'affronter l'inconcsient néocolonial de l'Etat, et d'accepter la réalité d'une France multiple, la défense des droits des migrants est aussi un combat majeur, comme l’illustre Mamba Touré, représentant d’un collectif de sans-papiers. Il s’interroge sur le programme de Jean-Luc Mélenchon : quelle sera sa politique de régularisation ? De même, le collectif La Chapelle debout qui vient en aide aux migrants invite plusieurs Soudanais et Soudanaises présents dans la salle à s'exprimer dont une jeune femme, militante des droits de l’homme et persécutée, qui cherche à obtenir le droit d’asile, et livre un témoignage poignant.

( https://blogs.mediapart.fr/la-chapelle-en-lutte/blog/220416/nous-ouvrons-des-batiments-vides-par-le-collectif-la-chapelle-debout)

L’éducation, qui devait être la priorité de la présidence Hollande, s’invite aussi dans le débat. Camille Aymard, du collectif  Touche pas à ma zep ( http://www.tpamz.levillage.org/) explique que malgré les déclarations fracassantes de Najat Vallaud-Belkacem, la Seine Saint-Denis manque toujours autant de professeurs. Pire encore, les moyens alloués aux plus faibles, par les politiques ZEP, sont aujourd’hui en passe d’être supprimés. Vis-à-vis de la candidature de Jean-Luc Mélenchon, l’attente est grande, mais les questions sont fortes également, après des décennies de déception.

Quelles réponses peut apporter la France insoumise ? Eric Coquerel expose des aspects déterminants du programme pour répondre à ces défis. Ainsi, la suppression des BAC et des BST, brigades qui sont aujourd’hui trop souvent des forces de répression aveugle, et leur remplacement par une police de proximité d’abord dédiée à la prévention est une nécessité absolue. « Il faut tout faire contre les violences policières », et aussi imposer le récépissé de contrôle d’identité. En soutien aux familles de victimes, le Parti de Gauche marchera le 19 mars pour la justice et la dignité. Pour les sans-papiers qui vivent et travaillent dans le pays, la France insoumise propose également une régularisation totale, ainsi qu’une application pleine et entière du droit d’asile, également pour les réfugiés climatiques. Le programme de Jean-Luc Mélenchon affirme aussi qu'il faut changer radicalement de géopolitique : par la sortie de l’OTAN et la fin des traités de libre-échange, il s’agit de mettre fin à l’exploitation du Sud par le Nord et aux guerres impérialistes. Mais une limite est justement relevée par Timothy Perkins de La Chapelle Debout : le changement de géopolitique ne peut être l'unique réponse, la France à elle seule ne pourrait pas mettre fin aux causes structurelles des migrations, une exigence d’accueil doit donc être maintenue. Sur ce point, il semble que le démarche de la France insoumise gagnerait à être plus audacieuse et à opposer encore plus clairement des principes de solidarité à la xénophobie massive qui s’installe en France et dans toute l’Europe. De même, la condamnation sans appel de l’islamophobie est aussi une exigence de la part de nombreux militants des quartiers populaires. (https://paris.demosphere.eu/rv/51050) 

En définitive, la question est bien celle de savoir comment créer des alliances pour bâtir une société plus juste. Comment, face à la vague réactionnaire du FN qui monte démesurément, les organisations politiques et sociales de la gauche de transformation peuvent-elles s’organiser pour ne pas être balayées, être à l’offensive et conquérir de nouveaux droits ?  Une perspective intéressante est évoquée par Aïssa Terchi : la France insoumise peut être un outil dont se saisissent les citoyens des quartiers populaires pour faire valoir leurs droits au-delà du moment électoral, l'enjeu est de bâtir un mouvement de masse, populaire et divers, à l'image du pays. C’est à cette condition que le mouvement autour d’un homme et d’un programme pourrait devenir celui du peuple tout entier. La marche du 18 mars pour la VIème République et celles du 19 mars pour la Justice et la Dignité pourraient incarner cette perspective si elles parviennent à échanger et à se mêler en vue d'un avenir commun.

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