Madame La Médiatrice,
Le mercredi 24 septembre 2025, la station France Inter axera sa programmation sur la santé mentale, lors d’une journée spéciale intitulée "Santé mentale : des solutions existent". Le point de vue éditorial est limité à la valorisation des solutions telles que l’IA, la génétique, l’imagerie et la technologie, l’alimentation, l’épigénétique, le développement de thérapies ou d’applications pour anticiper et surveiller les crises, toutes présentées comme « une révolution globale » assurée par les technosciences.
Le mouvement Printemps de la Psychiatrie réuni ce jour, s’inquiète et s’indigne qu’une radio du service public développe toujours en 2025 - alors que la santé mentale a été désignée Grande cause nationale - un point de vue unidimensionnel visiblement orienté par la fondation FondaMental, traversée par de nombreux conflits d’intérêts avec les firmes technologiques, industrielles et pharmaceutiques, alors que la mission d’une radio publique doit viser la pluralité de l’information. Un travail journalistique ne devrait pas permettre de relayer sans filtre ni analyse le lobbying financé par les intérêts privés[1].
Pourtant, la presse généraliste a diffusé l’information (article de Stéphane Foucard dans le journal Le Monde du 28 mai dernier dans la rubrique « Sciences et éthique scientifique ») que la valorisation des approches de FondaMental et de ses Centres Experts est erronée. En effet, plusieurs études scientifiques (de chercheurs et médecins)[2], contestent les résultats présentés par Fondamental, qui servent d’arguments pour une proposition de loi visant à réaliser 18 milliards d’économies en généralisant à l’ensemble du territoire les « Centres experts en psychiatrie » pilotés par cette fondation de droit privé (ici juge et partie). Ces scientifiques mettent en cause l’organisme pour usage « trompeur » de données scientifiques à des fins de communication.
Lors de cette journée d’émissions « Parlons Santé Mentale » se faisant relais des approches techno-scientifiques promues par cette fondation, faisant l’apologie d’une véritable révolution qui se ferait sans l’humain - qu’il soit soigné ou soignant. Les conflits d’intérêt devraient être clairement énoncés, nous tenons à insister fortement sur ce point.
Une radio publique ne devrait pas cautionner cette vieille rhétorique de la promesse de solutions pour la psychiatrie et pédopsychiatrie qui seraient dues aux neurosciences et aux technologies affichées comme une économie efficace, alors qu’il s’agit en réalité de légitimer le désinvestissement du social en général, et de la psychiatrie publique, faite pour et par des humains, en particulier.
Les solutions d’accueil, de soin et de l’accompagnement axés sur la reconnaissance de la primauté du soin relationnel proposées par de nombreux services de la psychiatrie publique ont fait leur preuve. Face à l’approche techno scientifique réductrice, nous défendons la spécificité de la maladie psychique, qui nécessite une approche singulière, un travail d’équipes pluridisciplinaires et la co-construction d’alliances thérapeutiques fécondes avec les personnes accueillies.
En espérant que notre lettre retiendra votre attention, nous vous adressons, Madame la Médiatrice, nos salutations respectueuses.
LE PRINTEMPS DE LA PSYCHIATRIE
Contact : printempsdelapsychiatrie@gmail.com
https://printempsdelapsychiatrie.org
Pièces et liens : -2025-5090714
- Lien vers le Manifeste du Printemps de la psychiatrie
https://printempsdelapsychiatrie.org/category/le-manifeste-et-ses-signataires/
- Lien vers l’article le Monde du 28 mai 2025 :
Autres liens bibliographiques :
- Bellahsen L & Bellahsen M, L’expertise contre l’expérience, Savoir/Agir 2020/2 N° 52, pages 53 à 62. https://shs-cairn-info.accesdistant.bu.univ-paris8.fr/revue-savoir-agir-2020-2-page-53?lang=fr&ref=doi
- Chamak B., (2024), Impact des changements des classifications psychiatriques, et limites des méthodes comportementales, des neurosciences et de la génétique, in L. Sciara et al : Troubles du neurodéveloppement ?, Érès, Toulouse, 205-218. https://shs-cairn-info.accesdistant.bu.univ-paris8.fr/troubles-du-neurodeveloppement--9782749280813-page-205?lang=fr
- Di Vittoro P, Minard M & Gonon F (2013), Les virages du DSM, enjeux scientifiques, politiques et économiques, Revue Hermès, n°66, p85-92, 2013/ 2. https://shs-cairn-info.accesdistant.bu.univ-paris8.fr/revue-hermes-la-revue-2013-2-page-85?lang=fr
- Gonon F., Gouraud H., Gillibere A., Falissard B., Cosgrove L., Kepp K. P., Cristea I. A., Naudet F. (2025). Advocacy by nonprofit scientific institutions needs to be evidence-based: a case study, SSM - Mental Health, 7, 1200464 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666560325000763?via%3Dihub
- Kirkbride et al. : (2024) The social determinants of mental health and disorder: evidence, prevention and recommendations, World Psychiatry (2024) ;23, :58-90.https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wps.21160
- Parrazzelli M, 2020, « Du développement de l’enfant à son développement optimal, Regard critique sur les enjeux politiques des programmes de prévention précoce au Québec », in Pierre Suesser et al., Parentalité, développement, apprentissages, Toulouse, « 1001 et + », ERES. https://shs-cairn-info.accesdistant.bu.univ-paris8.fr/parentalite-developpement-apprentissages--9782749267074-page-231?lang=fr
- Ponnou S, 2020, Hyperactivité / TDAH : trouble scandale, Le Sociographe, Champ Social, 2020/4, N°72, pp79-93. https://shs-cairn-info.accesdistant.bu.univ-paris8.fr/revue-le-sociographe-2020-4-page-79?lang=fr
Ajout depuis l’envoi 3 articles en réf :
Lobbying forcené et méthodes scientifiques douteuses : comment la fondation FondaMental impose ses vues à la psychiatrie française
https://www.humanite.fr/societe/psychiatrie/sante-mentale-comment-la-fondation-fondamental-grace-a-ses-relais-politiques-et-ses-methodes-scientifiques-douteuses-impose-ses-vues-a-la-psychiatrie-francaise
Dans Le Monde Diplomatique N° 203 d’octobre/novembre 2025
Santé mentale, symptômes d’un monde fêlé (Le Monde diplomatique, octobre 2025)
Une psychiatrie sous influence, par Anne Waeles (Le Monde diplomatique, octobre 2025)
[1] Les mécènes de la Fondation FondaMental : Bouygues, Capgemini, Clinéa, Klésia, Doctissimo, Institut Montaigne, Fondations Dassaut, Bettencourt, Pinaut, et les laboratoires pharmaceutiques AstraZeneca, Jansen, Lilly, Roche, Lundbeck, Otsuka, Sanofi, Servier, …
[2] Gonon F., Gouraud H., Gillibere A., Falissard B., Cosgrove L., Kepp K. P., Cristea I. A., Naudet F. (2025). Advocacy by nonprofit scientific institutions needs to be evidence-based: a case study, SSM - Mental Health, 7, 1200464