Problematik, un média queer pour analyser les dynamiques politiques, documenter et amplifier les luttes.
Samedi 22 novembre 2025 à Paris, l’État s’est une nouvelle fois mis au service de l’extrême droite pour lui permettre de prendre part à la manifestation contre les violences sexistes et sexuelles, contre l’avis des organisations mobilisées pour la préparation de l’événement. Le Ministère de l’Intérieur cherche à nouveau à s’immiscer dans le mouvement féministe et effrayer, cette fois à grands renforts de matraques et de gaz lacrymogène. En envoyant la Brigade de Répression de l'Action Violente Motorisée (BRAV-M) pour permettre à l’extrême droite de manifester, l’Etat augmente encore un peu plus le niveau de répression.
Cette Brigade aux origines coloniales est connue pour la dangerosité de ses méthodes. Un rapport de l’Observatoire parisien des libertés publiques indique en 2023 qu’elle “a développé un style qui puise dans les répertoires de la chasse, du film d’action, du virilisme et de l’intimidation”. Le symbole est lourd de sens : l’État choisit d’envoyer une brigade dénoncée pour son ultra-violence pour réprimer des manifestantes féministes… dans une marche contre les violences sexistes et sexuelles. Sur les réseaux sociaux de la présidente du groupe identitaire Némésis, on voit d’ailleurs une vidéo montrant des agents de la BRAV-M saluant et applaudissant le cortège d’extrême droite.
Le gouvernement tente aussi de dépolitiser le féminisme : « toutes les femmes » devraient pouvoir prendre part aux marches, sans considérer ni les appels politiques de celles-ci, ni l’organisation, ni la contradiction immanente que représente la participation d’organisations dont les lignes politiques sont aux antipodes. Femmes de droite, de gauche, du centre, « universalistes » racistes et militantes décoloniales, identitaires ou antifascistes ; pour le gouvernement, « toutes les femmes » doivent manifester « ensemble », car la lutte contre les violences sexistes et sexuelles transcenderait les clivages.
Ce n’est évidemment pas le cas. Il n’y a pas de féminisme majuscule, mais des courants, des rapports de force internes, tous politisés. On ne peut pas réconcilier celles qui désignent les migrants comme boucs-émissaires et prônent la “remigration” avec celles qui luttent pour en finir avec toutes les violences et portent des messages de solidarités internationalistes et antiracistes. Penser le contraire, et forcer une unité « des femmes », est un discours sexiste et essentialisant. Cela revient à penser que les femmes n’ont pas d’avis politique, ne sont pas capables d’opinions propres, de divergences. Elles sont « des femmes », toutes, et uniquement cela. Pendant la manifestation une partie des organisations qui y appelaient ont fait bloc, à l’arrière, pour tenter d’empêcher l’extrême droite de défiler. Seuls les coups de bâtons des policiers ont permis à ces collectifs d’avancer, sans jamais entrer dans le reste de la marche. Cette initiative salvatrice démontre la capacité du mouvement féministe à repousser des opposants dans la rue. Mais pour combien de temps ? Comment tenir durablement quand l’Etat est maître d’un arsenal répressif qu’il met au service de l’extrême droite, déjà bien aidée par les médias mainstream ? Les médias indépendants ont un rôle clé à jouer dans ce moment charnière. Notre rôle est de documenter la répression, les liens entre l’État et l’extrême-droite, mais aussi d’analyser les discours, décrypter les tentatives de récupération, aider à déjouer les angles morts.
Avec Problematik, nous voulons nous tenir au côté des militant·es, leur donner voix, permettre de discuter stratégies et proposer des perspectives. Nous pensons que le journalisme doit enquêter pour permettre de faire un pas de côté, outiller et analyser à froid. Permettre à Problematik d’exister, c’est doter les mouvements féministes et LGBT d’un outil de réflexion, d’analyse, de partage et de documentation, pour se donner de la force. Pour dégager l’horizon ensemble !
La rédaction de Problematik
Si vous avez aimé lire cet article, soutenez le lancement de Problematik, média queer pour dégager l'horizon. Campagne de financement en cours sur Ulule :