Répondant à l'invitation du projet Sécession, l'artiste Alvaro Alonso Martinez fabrique une étrange carte d'école pour l'Europe.
On pourrait nommer « effondrement cartographique » le procédé utilisé par l'artiste Alvaro Alonso Martinez pour créer Mittelmeer 03. Il s’agit d’une carte subjective, reprenant le canon des cartes d’école, et saisissant le moment geo-politique de l’Europe. Mittelmeer 03 détoure, découpe, entaille les frontières du Sud en se focalisant sur l’acronyme PIGS qui désigne dans la langue de l’Euroland, les « Etats-cochons » : P pour Portugal, I pour Italy, G pour Greece, S pour Spain. En lieu et place de ces quatre entités, Alvaro Alonso Martinez a glissé, dans une couche cartographique sous-jacente, une géographie allemande. Une première lecture de l’oeuvre renvoie donc à la perception, par les pays du sud de l’Europe, d’un nouveau cycle hégémonique : une « idéologie allemande » de la monnaie, de la rigueur. Mittelmeer 03 interroge cette perception en l’imprimant dans l’espace. Dans quelle mesure, des territorialités, des cultures, des langues peuvent-elles supporter la contrainte ? La dette qui est ici comme une astreinte-cadre exigeant le drainage et la soumission de l’espace compose la troisième couche intouchable, immatérielle de la carte, rendue visible par la pression, l’impression sur les territoires. Mais au-delà, c’est une vision géo-poétique qui s’impose : une «géographie migrante», où des marqueurs vagabonds (noms de fleuves, de villes) se déplacent selon des voies de traductions et d’intraduisibles. On imagine Mittelmeer 03 , avec sa plastique de cartes d’écolier, servant aux instituteurs, pour offrir aux enfants une poétique du vacillement.