
La tentation est quasiment irrésistible, celle d’observer les trajectoires des acteurs des différents bords politiques de notre pays. Surtout depuis l’avènement de la démocratie en 1990.
Les évolutions auxquelles on assiste nous offrent une lecture assez particulière de la vie politique nationale en ce sens que le rétroviseur de l’analyste ne nous éloigne presque pas du passé. Loin de nous faire vivre un présent dans le futur, les recompositions auxquelles on assiste ont fini par nous neutraliser dans ce qui s’apparente à un présent dans le passé.
Or, au début, ce passé nous apprend que les pères fondateurs de notre République avaient parfaitement implanté les bases de ce que doit être la politique. Particulièrement ce que doit être un parti politique. C’est-à-dire une association d’idées autour de visions diverses, parfois éparses, de ce que l’on entend faire de la société. Le cadre dans lequel on envisage transformer, selon sa vision, le pays. Bien entendu, avec la déclinaison des moyens y relatifs.
Aux premières heures de notre indépendance, chaque formation politique était ainsi organisée. Chaque parti était porteur d’un projet, d’une offre politique assise sur une idée bien précise de la société que l’on envisageait bâtir.
Cela, évidemment et comme on peut le voir encore ailleurs aujourd’hui, avec une transversalité, bien au-dessus des chapelles, du choix des régimes. Ainsi du partage du parlementarisme entre Jean-Hilaire Aubame et Paul Gondjout, pourtant de formations radicalement opposées, mais qui avaient librement fait le choix de refuser le présidentialisme si cher au Président Léon Mba. Les offres étaient opposées quoique les acteurs pouvaient partager la nature du régime.
La création d’un parti politique était avant tout une question d’idée, d’offre et d’engagement. Même s’il est clair que des affinités affectives, religieuses ou identitaires n’ont pas manqué d’accompagner ce mouvement, il reste que la base était une affaire de conception de la société et d’approche. Le tout dans une dynamique de groupe où le moi était très à l’étroit.
A l’origine, les auteurs de ceux qui peuvent être considérés comme les artisans du retour de la démocratie en 1990, ont fondé leur mouvement sur ce modèle. Le Morena, c’était une idée, une offre et un engagement. Et le cosmopolitisme de sa tête n’a aucunement occulté ces valeurs.
Valeurs qui malheureusement seront par la suite portées par deux personnes qui non seulement n’avaient pas participé à leur élaboration, mais ne les partageaient pas puisqu’elles n’avaient jamais fait acte d’engagement envers elles.
Effet de mode
On veut parler de Messieurs Paul Mba Abessole et André Mba Obame, qui prendront, en France, le relai d’une lutte qui n’a jamais été la leur. Le premier s’est retrouvé en exil à la suite d’un contentieux personnel qui, dans tous les cas, n’avait rien à avoir avec le combat du Morena. Quant au second, il était parti du Gabon pour poursuivre ses études et non porter le flambeau du Morena à l’extérieur.
C’est donc accidentellement que Messieurs Mba Abessole et Mba Obame sont devenus opposants. Aucun contentieux idéologique ne les avait auparavant opposés au régime de l’époque. Mais comme l’opportunité s’est présentée…
Il serait peut-être honnête de reconnaître à ces deux hommes politiques ont la paternité de ce qui va devenir au Gabon le contentieux accidentel. On peut le définir comme le fait de devenir opposant par suivisme, pour des raisons personnelles ou par opportunisme.
En tout cas sans idée, sans offre et donc sans engagement. On ne s’oppose pas par souci du groupe, mais par souci du moi.
Le suivisme, que l’on peut aussi appeler effet de mode, c’est ce à quoi on a assisté en 1990 lors de la Conférence nationale. En dehors du Morena et de quelques intégristes de l’idéologie marxiste du FUAPO, le reste de la nouvelle et soudaine opposition, n’était porteur d’aucune offre.
Mais la mode c’était : « Je suis de l’opposition ». Plus qu’une mode, c’était même tout un projet de société qui a été à l’origine de la belle moisson des législatives de 1990. Laquelle sera rapidement réduite, cinq ans plus tard, à la portion congrue. La mode avait depuis perdu son effet.
Ce qui s’est passé en 2001 est révélateur de l’absence de décence en politique. A l’évidence, lorsque Monsieur Zacharie Myboto est forcé de quitter le gouvernement, c’est parce qu’il vient de se rendre compte que depuis longtemps, son ancien gendre lui a fait jouer le clavecin dans la cour du village et sous le soleil.
Le contentieux est personnel en ce qu’en recevant la dot de sa fille, il s’assurait de succéder à son beau-fils. Et c’est en découvrant qu’il n’est plus l’unique beau-père qu’il va se lancer dans un grand numéro de vengeance qui le conduira jusqu’au perron de l’Hôtel de ville de Libreville.
Dès lors, il est acquis que si le gendre n’avait pas rétrogradé sa fille à la troisième position, Monsieur Zacharie Myboto n’aurait jamais franchi la porte de l’opposition. Ici, le caractère personnel du contentieux est si limpide que la suite va l’établir formellement puisque ce n’est qu’après que sera créée son UGDD.
Autrement dit, Myboto a choisi d’aller dans l’opposition sans idée, sans offre et naturellement sans engagement. A part, évidemment, celui de se venger ; une soif de vengeance qui n’a toujours pas fini de le ronger.
Que dire alors du grand accident de 2009 ?
Peu de choses en peu de mots car si Omar Bongo Ondimba était encore en vie, on ne verrait certainement pas aujourd’hui Messieurs Jean Eyeghe Ndong, Casimir Oyé Mba et André Mba Obame dans l’opposition. Ou démissionner du PDG pour créer l’UN. Ils ne s’y trouvent pas parce qu’ils ont toujours partagé une même vision de la conduite du pays.
Pour parler simple, on dira qu’ils sont là-bas parce qu’Omar Bongo Ondimba n’est plus là. Quelle valeur alors donner à un engagement aussi relatif pour ne pas dire abstrait ? Quelle sincérité trouver en des âmes qui ont été incapables de faire le moindre reproche à Omar Bongo Ondimba de son vivant et qui sont, depuis son décès, devenus prolixes dans la critique de son action ? Si la pusillanimité cherchait un toit, elle serait la bienvenue du côté de l’ancienne Sobraga.
Le cas Jean Ping
Circonstances aggravantes : la composition même de l’équipe porteuse de ce contentieux et qui est constituée, pour la partie radicale, de Zacharie Myboto, beau-père d’Omar Bongo Ondimba ; Jean Eyeghe Ndong, petit-frère d’Omar Bongo Ondimba et André Mba Obame, beau-père d’Omar Bongo Ondimba.
Soit deux grands pères et un oncle de Monsieur Ali Bongo Ondimba. D’accidentel, ce contentieux a dès lors pris un virage familial qui ne définit finalement pas en quoi devrait-il impliquer l’ensemble de la population gabonaise.
Celui concernant Monsieur Jean Ping aurait pu rentrer dans la précédente catégorie si la légèreté et la malhonnêteté de ses propos ne mériteraient pas d’être confondues.
Car seule une amnésie collective pourra faire perdre de vue à l’opinion que si Monsieur Jean Ping avait été reconduit à la tête de la Commission de l’Union africaine, il n’aurait pas fait sa sortie, encore moins démissionner du PDG. C’est une réalité incontestable.
Autre réalité incontestable : il ne tiendrait pas aujourd’hui ces propos si au lendemain de sa défaite à l’Union africaine, on lui avait trouvé une place au gouvernement comme il le souhaitait. Il l’a tellement espéré que cela arriverait qu’il a longuement patienté jusqu’à la formation du dernier gouvernement.
Et surtout suite à la nomination de son neveu (Marcelin Agaya) qu’il s’est rendu à l’évidence qu’il n’avait plus aucune raison d’espérer. C’est donc un homme extrêmement frustré et aigri qui vient de regagner les rangs de l’opposition.
Comme tout bon porteur d’un contentieux personnel, il n’a aucune idée, aucune offre. Il y est pour lui-même et l’usage fréquent du « Je » dans ses lamentos traduit parfaitement le caractère personnel de son combat.
Pour autant, il faut reconnaître à Monsieur Jean Ping un certain courage. Ou plutôt le courage de la répétition qui lui a permis – effet de mode, décidément – de venir surfer sur « l’étrangisme » si prisé par ses nouveaux amis.
Et on ne commettra pas l’impair de soupçonner de xénophobie ce pur produit de l’étranger qui a porté « l’étrangisme » jusque dans son patronyme.
Monsieur Jean Ping le dit : il déteste la présence des étrangers au Gabon et ne fond d’amour que pour les Gabonais. Sauf qu’on attend qu’il vienne nous faire la démonstration qu’il n’est pas le propriétaire de la société Phoenix Capital Management, qui est nichée au 17ème étage de la Tour BIAO, en pleine Avenue Lamblin d’Abidjan, en Côte d'Ivoire (Site : http://phoenixafricaholding.com/fr/).
Une société créée avec l’argent que Monsieur Jean Ping a gagné au Gabon et qui non seulement emploie une dizaine d’Ivoiriens, donc d’étrangers, mais participe à l’essor de l’économie ivoirienne.
Cette forme de patriotisme mérite assurément d’être expliqué aux Gabonais afin que l’on mesure bien l’étendue de son amour pour le Gabon. Cet amour qui l’a poussé à prendre son argent pour aller donner du travail aux étrangers et contribuer à la richesse d’un pays étranger.
Sa dévotion à l’étranger est de notoriété et la presse qui le soutient a eu bon réflexe de le livrer en promouvant son futur livre. Un ouvrage qui ne parle bizarrement pas de Gabonais mort, mais plutôt d’un étranger en la personne de Kadhafi.
Déverser un torrent de larmes pour la mort de Kadhafi au point de pondre tout un livre alors que notre Péan d’Omboué aurait gagné à nous sortir un best-seller sur la mort de quelqu’un qu’il connaît infiniment mieux que le Libyen : un certain Joseph Rendjambé.
Mais on peut comprendre que son cousin n’a pas eu la générosité aussi large que Kadhafi. Monsieur Jean Ping le sait : « L’intérêt guide l’esprit ».
Lui jeter la pierre d’avoir presque donné le fer de Bélinga à ses oncles Chinois, serait lui faire le reproche de s’occuper de ses parents.
Aussi, pourra-t-on se contenter de lui faire remarquer que contrairement à ce qu’il raconte, s’il y a une famille qui s’est littéralement mis au service de l’étranger, c’est bien la sienne. Deux exemples pour le démontrer.
Pour l’avoir lui-même cité, son fils est un homme d’affaires. Le mensonge selon lequel il aurait été contraint à l’exil ne peut sérieusement prospérer devant cette vérité implacable : il est le Consul honoraire du Tchad au Gabon. Monsieur Jean Ping emprunte ainsi le raccourci de la calomnie tout simplement pour que les Gabonais ne sachent pas que son fils travaille au Gabon pour les intérêts du Tchad, un pays étranger.
L’autre exemple concerne son frère, le fameux Monsieur Tchen. Comme son neveu, il est lui aussi Consul honoraire des Pays-Bas au Gabon. A part que le tonton est en train de faire mieux que le neveu.
Il se trouve que le diplomate Hollandais a poussé le culot d’introduire une demande de passeport de service au ministère des Affaires étrangères. Autrement dit, Monsieur Tchen veut un document gabonais pour lui permettre de travailler pour les intérêts d’un pays étranger.
Quand on est ainsi lié, personnellement et familialement, à l’étranger, parler des étrangers tel que Monsieur Jean Ping l’a fait relève de ce que Claude Cléro appelle « la capacité de mentir à sa propre conscience ».