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Billet de blog 12 mars 2025

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Le cauchemar américain

L’arrivée au pouvoir aux USA d’une administration libertarienne plonge le monde dans une forte incertitude. Nous formons l’hypothèse que le libertarisme, doctrine inégalitaire qui impose un capitalisme dérégulé et détruit les services publics ne peut pas être efficace et qu’il doit conduire à des crises, économique, sociale et écologique dont les américains seront les premières victimes.

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L’arrivée au pouvoir aux USA de personnages aussi improbables que D. Trump et E. Musk plonge le monde dans un sentiment d’incrédulité et de forte incertitude sur l’avenir.

Ces personnages se rattachent à la doctrine libertarienne mise en œuvre par Javier Milei président de l’Argentine depuis 2023. Cette idéologie politique fondée sur l’affirmation d’une inégalité naturelle entre les humains donne la priorité absolue à la liberté individuelle et à la propriété privée.

Au plan économique le libertarisme impose un capitalisme dérégulé, une espèce d’ultralibéralisme, laissant le marché totalement libre d’assurer la croissance des richesses et leur répartition. Dès lors l’état, et les institutions publiques, doivent être réduits au minimum pour permettre le libre développement de l’initiative individuelle. Il n’est plus question de protéger les faibles ni de redistribuer les richesses. L’individu est responsable de sa condition et la société n’a pas de devoir d’assistance aux défavorisés.

Les libertariens affichent un mode de pensée en rupture avec la logique rationaliste et avec les valeurs morales qu’on pensait universelles. Les droits de l’homme et les droits des peuples sont balayés par la loi des plus forts. Ces gens ne pensent plus en fonction de connaissances établies mais selon les intérêts de leur caste et selon leur représentation fortement biaisée du monde. A cette doctrine hyper capitaliste, les libertariens du 21ième siècle ajoutent un repli nationaliste et des valeurs très conservatrices sur les questions sociétales (avortement, homosexualité, genre). Le libertarien est un male blanc dominant, hétérosexuel, raciste et sexiste.

On peut se demander ce qui attire une part importante de la population de beaucoup de pays du monde vers une idéologie aussi brutale. C’est sans doute la conséquence de près de quarante années de néolibéralisme et de mondialisation non régulée des échanges commerciaux. Cette période a vu les richesses se concentrer dans peu de mains tandis que se dégradaient les systèmes de redistribution et de protection sociale. Les classes sociales dont le niveau de vie avait progressé au temps de l’état social d’après la deuxième guerre mondiale ont été progressivement déclassées et ont glissé vers des conditions de vie de plus en plus difficiles. L’offre politique classique s’étant avérée incapable de contrer cette aggravation des inégalités, les gens ont tendance à se tourner vers une offre nouvelle, qui se pose en rupture avec le système. Ainsi, l’élection de Trump aux USA n’est pas due aux suprémacistes blancs, qui restent minoritaires, mais à la grande population des déclassés qui espèrent par ce vote une amélioration rapide de leur niveau de vie.

Mais cet espoir, cet ersatz du rêve américain, a toutes les chances de tourner au cauchemar pour les américains car la doctrine libertarienne ne peut, dans son déni de la réalité, que conduire à des crises économiques, sociales et climatiques.

Crise économique d’abord. Les décisions abruptes, prises en vertu d’une rationalité idéologique perturbent l’équilibre instable du milieu des affaires et du commerce. Ainsi la taxation tous azimuts des importations est censée favoriser la production intérieure, mais elle peut aussi faire monter les prix et amorcer une spirale inflationniste. Par la baisse de la bourse, les marchés financiers ont signifié leur scepticisme sur le bienfondé de ces premières mesures. Ce qui a amené nos brillants libertariens à rétropédaler, différant de quelques semaines les principales taxations. De même, l’expulsion massive des immigrés pourrait priver des entreprises américaines d’une main d’œuvre nécessaire pour soutenir la production. La violente réduction des services fédéraux peut aussi avoir des effets négatifs sur les marchés en générant chômage et baisse de la consommation. On voit que les conséquences des décisions politiques n’ont pas été anticipées et qu’elles peuvent conduire à des difficultés économiques. A plus long terme il faut se souvenir que le libertarisme est le symptôme de l’échec de l’économie libérale à produire du bien commun. C’est, en quelque sorte, le soubresaut pré-mortem d’un système à l’agonie. En poussant à l’extrême la logique du néolibéralisme, le libertarisme ne sera pas plus efficace et est condamné à l’échec c’est-à-dire à l’effondrement des marchés financiers, avec la récession et l’inflation qui marquent les grandes crises du capitalisme.

Crise sociale aussi, d’abord comme conséquence de la crise économique et de l’échec de la promesse d’amélioration du niveau de vie de la population. Mais aussi par la politique antisociale assumée par les libertariens : discrimination des communautés et des minorités, destruction des services publics et des dispositifs de protection sociale dont les services de santé. Ce nouveau contexte ne peut que générer des tensions et conduire à des mouvements sociaux de grande ampleur.

Crise écologique enfin car le déni climatique des libertariens ne peut que se heurter à plus ou moins long terme aux réalités des événements climatiques extrêmes et autres catastrophes environnementales. La répétition d’ouragans de plus en plus violents, de tornades, de grandes inondations et de vastes incendies devrait conduire les américains à douter de l’idéologie antiécologique de leurs dirigeants et à les sanctionner dans les urnes.

Nous faisons ici l’hypothèse que la doctrine libertarienne ne peut pas être efficace. Fondée sur l’inégalité entre les hommes, elle ne peut pas produire du bien commun et ne peut qu’accroitre les inégalités sociales. Les américains (et les argentins) devraient être les premiers à s’en rendre compte et à subir les conséquences du libertarisme. Il leur appartiendra de débarrasser le monde des monstres qu’ils ont mis au pouvoir.

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