Premier billet de Prune Antoine, journaliste à Berlin, en partenariat avec Arte.
Tout d'abord, je tiens à vous souhaiter alles gute mes bons pour 2010! L'année promet notamment de swinguer, entre la carbonisation aigue du climat et les tribulations des nouvelles recrues de Barroso II. Cela commence à jaser sec à propos de la présidence espagnole de l'UE que personne n'a vraiment entendu venir d'ailleurs. Une discrétion qui pourrait sembler gage d'efficacité après les trompettes françaises, tchèques ou suédoises ? Las, il est permis d'en douter, au vu du premier canular de l'année, perpétré le 4 janvier sur eu2010.es, le site flambant neuf soigneusement mis en place par les Hidalgos. Ainsi, tous les internautes désireux d'accéder au site ont été renvoyés par des hackers farceurs sur une image de l'acteur anglais Rowan Atkinson, le légendaire interprète de Mister Bean, souvent utilisé pour caricaturer l'actuel chef du gouvernement espagnol, José Manuel Zapatero.
Pour Julien Frisch, l'explication de ce couac est bien simple : « le site espagnol n'est pas sécurisé », titre t-il. La faute à une obscure « défaillance XXS », intervenue malgré le budget de « près de 9,65 millions d'euros que l'Espagne a consacré à son service web. »
Les geeks casse-bonbon de l'euro-blogo y vont également de leur laïus. Si le site en question affiche un beau « multilinguisme », entre version catalane, galicienne ou basque, de quoi faire se pâmer les régionalistes du cru, la version allemande n'est point encore disponible. Mais Mutti Merkel ne risque t-elle pas de grogner ?
Et que dire de « l'absence d'applications sociales », déplore e-toile. « Stockholm avait marqué le coup avec le blog de sa ministre des affaires européennes et son équipe de diplomates chargée de "twitter" les temps forts de la présidence suédoise. » M'enfin, n'en déplaise aux droïdes, ce n'est pas avec des twits et de la fesse de bouc que l'on avance sur les dossiers chauds. Il n'y a qu'à voir le désastreux échec Cop' 15, pourtant moult commenté dans les vertes prairies du web 2.0 !
Enfin, les Espagnols ne sont pas les seules victimes des hyènes europhobes. Car DEUX présidences se font désormais concurrence : celle de l'ami Herman Van Rompuy, catapulté de l'anonymat le plus complet à la présidence du conseil européen, instaurée par le traité de Lisbonne et celle de l'Union, rotative, et parfaitement inefficace, accordée à un Etat-membre pendant six mois. Deux présidences, cela signifie donc deux sites web. En l'espèce, c'est avantage Madrid, remarque perfidement The European Citizen. « Souvenez-vous quand on disait que le Président du conseil serait une sorte de personnage über-puissant, capable de lancer des directives rien qu'avec ses yeux ? Eh bien, on dirait qu'il n'a même pas été capable de trouver un bon web designer ! »
Il est vrai que le site du président du conseil est d'une sobriété toute monacale. Peut-être que Van Rompuy, 64 ans, « aux faux airs de professeur de philosophie », n'est guère rompu aux cochonneries virtuelles ; toutefois, il a déjà commencé à changer subtilement les rouages de la machine communautaire, selon le Brussels blog. Exemple : organiser des petites sauteries imprévues, « montrant qu'il entend utiliser l'intégralité de son autorité présidentielle ». Choc en vue au Berlaymont ! « il pourrait même abolir, voire changer la pratique des communiqués émis à l'issue des Sommets et ne racontant rien sur des douzaines de pages. » En attendant, la première journée de travail d'Herman, dont la vidéo est en ligne, ressemble à celle des tous les technocrates de la terre. Entre le taxi, les réunions de cols blancs et la lecture du journal, le rythme de l'année s'annonce définitivement éreintant...