D’un côté, la rumeur médiatique qui s’aliène à saturer les écrans de carcasses fumantes et incandescentes de véhicules de gendarmerie incendiés à Saint-Soline. Des commentateurs de salons parisiens qui n’ont jamais mis un pied dans le 79 et qui se satisfont d’être le lit fascisant dans lequel se love la classe bourgeoise. Tel est le journalisme de préfecture qui ne manque aucune occasion d’assurer le service après-vente d’un schéma national du maintien de l’ordre en pleine déroute.
Et puis de l’autre côté, il y a les maillons interdépendants d’une camaraderie immense sur le terrain des luttes et au-delà.
49.3 policier en rase campagne
Citoyennes et citoyens, faisant face au bras armé d’une démocratie défaillante. Militantes et militants, sous le coup d’un 49.3 policier en rase campagne. Tous les profils, sous une averse de mensonges et de condamnations démagogiques à l’œuvre pour dépolitiser notre lutte, criminaliser notre lame de fond populaire. Tous les âges, sous un cumulo-lacrymus où ne tombe rien d’autre qu’un gaz suffoquant. Toutes les déterminations, de la plus singulière à la plus collective, sous un grondement incessant de grenades GM2L classifiées comme armes de guerre, tirées sans discernement avec la régularité d’une trotteuse, comme l’éclair d’un orage violent dont on espère qu’il ne s’abattra pas sur nous.
Quel est l’objectif stratégique que la préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée, fait défendre à Sainte-Soline ? Y a-t-il des installations classées ? Des engins de chantier ? Ou est-ce juste un cratère vide au milieu des champs que l’État défend bec et ongles dans un scénario qui ressemble de plus en plus à celui de la cabane de chantier de Sivens ?

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En France, il existe un gouvernement hors-sol, déconnecté de toute réalité, qui n’a jamais pris au sérieux la catastrophe climatique. Son égarement est acté depuis ses prédécesseurs et son inaction climatique largement condamnée. Alors qu’il y a urgence en matière écologique, l’État s’illustre une nouvelle fois par son incurie. Après les blouses en sacs poubelles, voici les nappes en bâche plastique. Et quoi de mieux pour protéger cette cavité sèche, subventionnée avec de l’argent public, que d’y dresser plus de 3000 militaires, de leur faire tirer plus de 4000 grenades explosives, sans retenue, ni sommation. Le décorum est d’allure totalitaire : des hélicoptères, des VBRG, des quads, des motocross, des drones, des camions de l’armée, du matériel de guerre… En guise de provocation, les canons à eau nous attendent. Plus d’une centaine d’officiers de police judiciaire chargée d’enquêter a posteriori sur les manifestants en vue d’en faire condamner pour l’exemple. On parle même du personnel hospitalier qu’on aurait réquisitionné pour prélever les effets personnels des convalescents, en quête d’incriminer des camarades abîmés, bousillés, éborgnés, mutilés irrémédiablement, des manifestants dont l’évacuation a été empêchée.
De Paris à Sainte-Soline, l’État exerce les violences policières et la terreur contre sa population
Cette débauche de moyens déployés à coup d’argent magique offre à l’agro-industrie et à la bourgeoisie une sérénité qui nous démontre que la guerre de l’eau a déjà commencé. Coût de de ce désastre coercitif ? Plusieurs millions d’euros dépensés au bénéfice d’intérêts privés. Comme partout où pullulent ces cratères aussi vastes qu’un très grand stade, seul prévaut l’appétit insatiable duquel est vomi le jus rance et lucratif du carbofascisme. Qu’adviendra-t-il de tout ce vivant anéanti par l’agrobusiness ?
La semaine dernière, dans un élan divinatoire, Darmanin avait promis de « nouvelles images extrêmement violentes ». Le voilà aujourd’hui à distordre sans modération la vérité des faits pour mieux la faire coller au plan de communication gouvernementale. Ce petit monsieur avait incriminé les supporteurs anglais de Liverpool pour se sortir du fiasco du Stade de France. Autre séquence, même méthode. L’annonce de la procédure de dissolution injuste du mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre est du même acabit. Cet homme excelle dans l’art de rejeter la faute sur les autres. À la manière d’une caisse de résonance, le procédé rhétorique est massivement relayé par les paillassons en cravate des chaînes d’intox : criminaliser les victimes pour justifier la puissance de feu répressive et leur trouver des circonstances aggravantes – des sous-entendus indignes d’incarner la publicité comme sauvegarde du peuple. Il est nécessaire de rappeler que l’esprit de cette mobilisation n’a absolument rien du caractère terroriste. Nous récusons les promoteurs de cette manœuvre abjecte qui souille la mémoire de toutes les victimes des terrorismes et cherche à asseoir la légitimité d’une police qui nous prothèse, quel qu’en soit le coût humain.
Parce que l’eau est le sang vital de notre planète, nous prêtons attention à l’aberration écologique des mégabassines que nous décryptent les scientifiques indépendants. Derrière le rempart répressif complètement obscène et démesuré, nous veillerons à ce que l’eau continue de s’écouler sur nos territoires. Dorénavant, il ne fait plus aucun doute de l’existence d’un mouvement social pour la défense de l’eau, d’un élan que la flamme militante éclairera depuis sa vigie. Nous militons contre la monopolisation de l’eau et nous n’accepterons jamais que les profiteurs du capitalisme fassent main basse sur les aquifères. Et à ce titre, dans un État de droit, personne ne devrait mettre son corps et sa vie en danger pour exiger un moratoire sur les projets des mégabassines. Nous alertons sur l’accaparement d’une ressource raréfiée par une poignée d’irrigants privilégiés, car l’assèchement des sols orchestré sans dissensus, par la Coop de l’eau 79 et partout ailleurs, ruine à néant des kilomètres carrés de biodiversité.
À l’instar d’une réforme des retraites qui a pour vil projet de pourrir nos existences, les mégabassines nous condamnent à rester pieds et poings liés au dessein court-termiste d’un agrobusiness à bout de souffle. Cette fuite en avant lève une partie du voile flottant sur l’échiquier néolibéral qui tient en place par la défense de son appareil policier - palpable à Sainte-Soline dès le mois d’octobre 2022 - et de ses médias qui répondent à la solde des milliardaires et autocrates élyséens.
Pas plus que le soleil appartient à quelque roi, l’eau appartient à tout le monde et à personne.
On n’assèchera pas notre détermination à défendre l’eau.
Courage aux nombreux blessés.

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