Alors que la pénurie de professeurs, notamment en lettres, atteint un niveau critique dans de nombreuses académies, il est temps de questionner certaines incohérences du système de recrutement actuel. Chaque année, l’Éducation nationale fait appel à des milliers de contractuels pour faire face au manque de titulaires. Ces enseignants assurent leurs missions avec professionnalisme, engagement et efficacité. Pourtant, lorsqu’ils se présentent aux concours internes ou à l’oral du CAPES réservé, certains se voient recalés pour des motifs souvent mineurs — un "demi-point" manquant, une prestation jugée insuffisante malgré des années de service irréprochables.
J’ai dans mon établissement, un professeur de français contractuel, avec 15 ans de carrière, apprécié de ses élèves, respecté par ses collègues, et pleinement investi dans la vie scolaire. Il a été refusé deux fois à l’oral du concours, malgré l’évidence de ses compétences. Et ce cas est loin d’être isolé. Dans toutes les académies, des profils similaires sont écartés, alors même qu'ils pallient depuis longtemps les carences du système.
Comment justifier que l'on continue de faire appel à ces enseignants d’année en année pour combler les postes vacants, tout en leur refusant une reconnaissance statutaire ? Comment expliquer que l’Éducation nationale, pourtant promotrice de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) dans d’autres secteurs, ne l'applique pas à ses propres agents, dont l’expérience est pourtant incontestable ?
Il est urgent de mettre fin à cette contradiction. Valoriser l’expérience de terrain, assouplir les procédures de titularisation pour les contractuels ayant fait leurs preuves, et appliquer réellement la VAE sont des pistes concrètes pour répondre à la crise du recrutement, sans renier les exigences de qualité de l’enseignement.
Reconnaître ces professionnels, ce n’est pas baisser le niveau : c’est au contraire affirmer que l’expérience, la constance et l’engagement au quotidien sont des critères tout aussi dignes que la réussite à une épreuve ponctuelle.
Il est temps que l’Éducation nationale fasse preuve de cohérence et de justice envers celles et ceux qui la font tenir debout, souvent dans l’ombre.
Ph. Tachard-Mackey