Ce mercredi 3 décembre, une cérémonie est organisée dans mon université pour la remise des Palmes académiques à quelques personnes triées sur le volet. J'aurais dû en être si je n'avais notifié mon refus de recevoir cette décoration au Président de l'université et au Recteur. Consciente que mon courrier finirait dans une corbeille, je l'ai transmis aux syndicats de mon établissement pour une diffusion en interne. Je n'ai pas reçu de réponse. J'ai donc décidé de publier ma lettre dans le Club de Médiapart :
À Monsieur le Recteur de l’Académie de Créteil
et Monsieur le Président de l’Université Paris 8
Un courrier du 19 septembre m’informe de ma nomination et promotion dans l’ordre des Palmes académiques, dernière distinction impériale en cours au sein de la Ve République. À l’approche de la cérémonie, j’exprime ma reconnaissance aux personnes qui ont cru ainsi rendre hommage à mon investissement au sein de mon établissement, mais je regrette qu’elles me connaissent si peu pour avoir pensé que j’en serais honorée.
Je refuse, en effet, de recevoir cette distinction sous un gouvernement et une présidence de la République dont les politiques successives détruisent méthodiquement les services publics, au premier rang desquels l’Éducation nationale et les universités, le dernier avatar en date de ces attaques répétées étant le projet de loi de « Modernisation et régulation de l’Enseignement supérieur » qui vise à contourner nos instances représentatives et limiter notre indépendance.
La suppression des postes et les coupes budgétaires drastiques conduisent la majorité des universités au déficit et les obligent à des logiques concurrentielles internes dont les sciences humaines (et certaines plus que d’autres) sont les premières victimes. Mais ce ne sont pas les seules, puisque ces politiques entraînent la détérioration des conditions de travail ainsi que la précarité croissante des personnels non titulaires et des étudiant·es. A cela vient s’ajouter un discrédit orchestré au plus haut sommet de l’État vis-à-vis de la validité de nos recherches et de nos enseignements, remettant dangereusement en question notre liberté d’exercer et, au-delà, la démocratie.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres que je n’expose pas ici, recevoir cette médaille, en 2025, de la part de cet État, serait pour moi le contraire d’un honneur.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Recteur, Monsieur le Président, l’expression de toute ma considération.
Paris, le 12 novembre 2025
Pascale Thibaudeau