Bel exercice de non style de la part de nos dirigeants. Regarder les visages fermés de Mme Merkel et de M. Hollande dans le cours de l'affaire grecque est, pour le moins, significatif. Ces « grands dirigeants » ne donnent pas l'impression d'apprécier les effets de la démocratie, quand au même moment ils sanctionnent cette épouvantable dictature que serait la Russie. Les Grecs en ont assez de crever de mort lente, ils le disent, c'est apparemment insupportable. Et punissable.
Passons sur M. Hollande, dont la médiocrité et l'incompétence apparentes cachent mal son succès économique au profit des nantis. Cet homme fourbe et autoritaire est brillant. « mon ennemi c'est la finance » claironnait-il pour se faire élire. Si l'Enfer existe, nul doute qu'il y a une place de choix. Son premier ministre ne fait pas le poids. Il s'en rendra sans doute compte dans les mois à venir. M. Mitterrand a excellé dans l'accomplissement de ce qui va à nouveau devenir le fantôme obsessionnel de l'Europe, à savoir la remise en selle de la puissance allemande. Qui, comme d'habitude, ne sait pas gérer son dynamisme et nous mettra dans un mur quelconque un jour ou l'autre. L'inféodation aux Etats Unis (déjà) rendait la résistance française difficile au moment de la réunification. La médiocrité de M. Gorbatchev a fait le reste. N'est pas le « général » qui veut, à Paris... ou à Moscou.
Depuis 1870 , encore et toujours, le « problème allemand » quelque forme que prendra ce problème, est à nouveau inscrit à l'horizon des décennies à venir.
Le « rêve européen » se révèle pour ce qu'il a toujours été, un cauchemar. Austérité, liquidation de la démocratie, mépris de l'opinion des citoyens, règne des banques et des oligarchies, suprématie allemande en Europe, atlantisme à tous les étages, fin du journalisme indépendant (si tant est qu'il le fût un jour, mais même le pluralisme a globalement disparu), bref, stricte opposition entre l'intérêt général et les intérêts de classe que nos « grands journalistes » représentent si bien, cramponnés au manche.
Car Marx n'a jamais été aussi actuel. Oui, la lutte des classes existe, et elle est aujourd'hui gagnée par ceux qui ont tout contre ceux qui ont peu, voire rien. Avoir peu, c'est appartenir aux classes moyennes que toute crise à venir plumera pour le plus grand profit des oligarques de tout poil. Le savent-elles ?
Cette Europe portée par MM. Mitterrand, Delors, et un peuple de pékins de toute appartenance politique qui continuent à occuper antennes et écrans au nom d'un leurre, l'Europe puissance, et d'une réalité, le pouvoir renforcé d'une minorité sur la majorité, à l'ombre de la puissance US, voilà ce que nous lègue la « construction européenne », qui est en fait une déconstruction des états européens et une interdiction du désir de progrès social. La plus grande contre-révolution jamais actée dans le monde dit développé en temps de paix. La mère Thatcher a fait souche.
Des idiots plus ou moins sympathiques clament que la France seule sera paumée dans la mondialisation, et affaiblie si elle abandonne l'UE. Ils oublient que certains pays, entre autres la Corée du Sud, le Japon, la Russie, l'Allemagne qui est montée sur le marchepied européen pour accroître ses prérogatives, les pays scandinaves hors zone euro, la Chine et surtout les Etats Unis sont des états forts, et déterminés à défendre leurs intérêts nationaux. La France n'a pas moins vocation à exister fortement en tant que pays indépendant que d'autres partenaires et concurrents. Mais la collusion oligarchique désarme nos malheureux « entrepreneurs », devenus de simples prédateurs courant après le profit immédiat. Sans contrainte politique, le libéralisme conduit à l'anomie politique, au moins en France.
Après l'épisode grec, nous savons que l'UE, voulue et conçue par les américains, n'est qu'un moyen d'étendre et de renforcer le pouvoir du capitalisme mondial contre les états, leur population, et leurs droits sociaux (s'intéresser au Tafta et au Tisa ne peut pas faire de mal en la matière).
Quand on domine sa rage et que le politique revisite le bonhomme, on peut accéder à une vision large et pessimiste d'un devenir bien dangereux. Les Etats Unis se trompent si ils croient tenir longtemps l'Allemagne dans leurs filets. Le problème allemand va redevenir celui des Etats Unis affaiblis et de l'Europe en déconfiture.
Qu'une nouvelle crise financière et/ou plus largement économique nous plombe, et tous les paris les plus noirs sont recevables. Une fois de plus, seule la Russie pourra peser sur le désastre européen à venir.
Dans ce contexte particulier, qui voit une construction politique, l'UE, s'asseoir ouvertement sur les principes qui, officiellement, présidaient à sa fondation, la loi du plus fort devient une fois encore la norme. La légalité est jetée aux orties sans hésitation aucune. Les Etats unis ont depuis longtemps ouvert la voie en matière de politique internationale.
Hollande, tournant le dos à ses promesses électorales dès le lendemain de son élection, a ouvertement fait preuve d' une duplicité devenue art de gouverner. Certes, la duplicité n'a pas attendu nos pauvres sociaux-démocrates pour faire les ravages politiques que nous connaissons si fort aujourd'hui, mais quand un ensemble institutionnel comme l'UE renie à son tour ouvertement ce que tant de citoyens pensaient être sa raison même d'exister, à savoir par exemple le respect scrupuleux de l'expression démocratique, tout devient acceptable. Au nom de quoi par exemple tenir des discours moraux de tout type quand ceux qui les prononcent sont convaincus d'être des menteurs et des manipulateurs ?
Le drame européen en cours, après la forfaiture du traité de Lisbonne, les déclarations arrogantes de M. Junker relatives au poids des traités face à la démocratie, les mensonges accumulés à propos des supposés bienfaits de l'Euro et de l'UE, fait bien entendu le lit de tous les discours démagogiques. La bassesse des « grands médias », véritable bras armé des pouvoirs en place, montre leur inanité et leur dangerosité. Ce faisant, ne jouant plus le rôle d'éclaireur ou d'animateurs d'opinions diverses, ils n'ont plus en l'état de raison d'être.
Que vaut aujourd'hui une carte de presse ? Est-ce seulement une carte d'adhésion à une doxa, à défendre envers et contre tout ?
Pourquoi entendre les discours antiracistes et moralisateurs de gens qui sont sans foi ni loi ? La base même de la morale publique, et donc de l'intérêt général, est irrémédiablement mise en cause.
M. Hollande se dressant contre l' « islamophobie » va bientôt favoriser en argumentant sans finesse le mal supposé qu'il prétend combattre. Et avec lui tous les journaleux aux bottes et l'infinie communauté des « idiots utiles ».
Chacun, depuis sa chapelle, est en droit de se sentir légitime. L'Etat n'a plus de tête. L'Europe chavire, mais avant elle, ce sont nos élites qui ont quitté les rives de la « commun decency » (Orwell). Quand le désastre frappera, nul parmi nos « élites » de tout poil, ne pourra se proclamer innocent. Ni prétendre avoir les poches vides.
La loi, la règle et la morale publique ne valent plus grand chose, place à la loi de la jungle. Et aux bastons qui vont avec.
L'ombre d'une Allemagne dangereuse est dans tous les cas de retour. Quel sera cette fois le prix à payer pour la ramener à la raison ? Sait-on que le malheur est de retour sur le vieux continent ?
Mais, diable, que disent les « marchés » ?