Edwy Plenel était l'invité des Matins de France Culture jeudi 3 mars pour parler de son nouvel ouvrage « Dire nous ». Le site de l'émission l'a présenté de la manière suivante : « Edwy Plenel publie "Dire nous" aux éditions Don Quichotte. L'état d'urgence et les mesures sécuritaires qui l'accompagnent mettent-ils la démocratie en danger? Dire nous, est-ce réaffirmer le commun face aux divisions? S'agit-il d'un appel à la résistance? ».
Edwy Plenel a ainsi eu l'occasion d'exprimer vivement son refus des dérives autoritaires et droitières du quinquennat Hollande dans l'un des temples de la bienpensance politique, Les Matins. Il a délivré un virulent discours de dénonciation d'une « gauche » en perdition qui se serait portée du côté des sensibilités d'extrême droite, et qui s'affirme à présent l'ennemie des libertés publiques, et par voie de conséquence si l'on comprend bien, de la démocratie.
Puis il a été amené à s'affirmer clairement pour le multiculturalisme, une nécessité selon lui dans un pays qui se replierait sur lui-même, avec les connotation psy négatives que le « repli sur soi » implique, nous comprenons l'isolement, la haine et/ou le refus de l' « autre », l'impossibilité d'envisager un avenir serein dans un monde accusé de tous les maux, ce qui équivaut à de la paranoïa, etc... De là à y voir par exemple le danger d'un racisme généralisé et de dérives guerrières, il n'y a qu'un pas que chacun est libre de franchir. Mais, pourquoi pas, même si la ficelle qui consiste à appliquer une grille de lecture de type psychologique, voire psychanalytique (en principe destinée à l'individu), à un état aujourd'hui et maintenant, la France, un immense « groupe d'individus », par définition pluriel, relève sans doute d'une conception polémique, et de la psy, et de la réalité politique que le propos était censé évoquer.
Au-delà de ce que les mauvais esprits pourraient considérer comme une tentative de manipulation, une telle affirmation relative au multiculturalisme est très concrètement politique, dans le sens où elle vise à transformer profondément notre société en pesant sur les représentations, sur les convictions des uns et des autres, bref, comme toute action politique, elle cherche à convaincre. Sauf qu'ici, point d'élections prévues pour trancher entre les « pour » et les « contre ».
Et on sait que M. Plenel n'est pas seul à revendiquer ce bouleversement, en dépit de maints signaux montrant qu'il est difficile d'imposer à une société des évolutions qu'elle récuse assez largement, surtout dans un pays démocratique, et surtout quand on ne lui demande pas son avis.
On peut déplorer que M. Plenel critique le gouvernement pour ses dérives autoritaires, et que, dans le même temps, il promeuve une « révolution » civilisationnelle » d'importance en France sans proposer, au moins, le recours à une consultation populaire pour légitimer sa démarche. La considérerait-il à ce point légitime qu'elle pourrait se passer de l'onction populaire via un vote ? Ni dans un cas ni dans l'autre, la démocratie ne trouve son compte.
Les propos de M. Plenel, nous en resterons à l'émission, laissant à l'ouvrage le soin de se défendre tout seul, sont emblématiques de ce que l'on aurait le droit de nommer une pétition de principe droitdlhommiste, dont Médiapart est souvent le vecteur. Ces propos promouvant le multiculturalisme appellent plusieurs questions et quelques commentaires.
Qui parle ?
La première question est celle du statut de celui qui parle : de quelle autorité se prévaut M. Plenel pour tenter de défendre une position controversée en l'absence de tout réel débat sur le sujet, les uns (dont pas mal de dirigeants européens, Mme Merkel en tête) réclamant l'ouverture à la « différence » et y veillant via les traités ou récemment l'accueil des « réfugiés », les autres opposant le refus de cette perspective et la fin d'une immigration en principe sans objet quand il n'y a plus d'emplois à partager. Rappelons que l'UE voudrait avec la définition de quotas de répartition entre ses états membres nous enjoindre de « recevoir » avec l'assentiment et l'appui de ces mêmes « multiculturalistes » les foules d'immigrants, aussi bien celles qui sont déjà arrivées en Europe que la cohorte innombrable de ceux qui veulent faire de même (voir la « une » de Médiapart du samedi 5 mars, dans laquelle « les invités de Médiapart » s'illustrent sur le sujet).
M. Plenel s'exprime selon ses convictions, sa notoriété donnant à ses propos un poids que chacun peut évaluer à son aune. Admettons pourtant que sa position médiatique lui octroie en principe une certaine « expertise » quant aux difficultés que connaît notre pays et donc une responsabilité réelle quand il s'exprime ou, on va le voir, quand il s'affiche selon Causeurs au « congrès des Musulmans de la région centre » qui a lieu les 13 et 14 mars, sans doute à Bourges avec la participation de tarik Ramadan⋅.
Que dit-il ?
Si l'on admet qu'un journaliste puisse militer pour le multiculturalisme, et que le journal dont il est le directeur de publication et l'un des fondateurs fasse de même, on est parallèlement en droit d'affirmer que le multiculturalisme est non seulement dans l'air du temps médiatique, mais surtout qu'il est une idée et un fait politiques, donc très concrètement un projet. A ce titre, quand Médiapart, en la personne de M. Plenel, honore de sa présence officielle cette réunion revendiquée comme celle de Musulmans, sans mention sur l'affiche de présentation d'une appartenance au CFCM (Conseil français du culte musulman), il s'associe à la démarche des amis de M. Tarik Ramadan⋅, et paraît de la sorte inclure très concrètement le communautarisme dans la vie politique de la France (selon Wikipedia, « L'État français ne reconnaît pas légalement les origines ethniques et religieuses (à l'exception du cas particulier des harkis) mais, devant la carence d'interlocuteurs privilégiés, dans les dernières années, les gouvernements successifs ont essayé d'organiser une représentation des musulmans français. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, a créé en 2002 le Conseil français du culte musulman (CFCM) »). Faire un compte rendu éventuellement critique est un travail de journaliste, débattre (le débat est annoncé par voie d'affiche avec l'existence du « congrès ») celui d'un journaliste politique et d'un citoyen engagé dans une cause, que sa présence a sans doute l'ambition de promouvoir. Chacun appréciera ce fait hautement symbolique comme il l'entend.
Tous les grands médias militent pour le mélange l'accueil (etc...) sans toujours le dire clairement. L'affaire des « réfugiés » le prouve chaque jour. Il ne fait pas bon dans l'UE regimber quand Bruxelles intime l'ordre à ses membres d'accepter une immigration massive et subite. Un reportage sur France Culture (journal de 13h lundi 7 mars) depuis la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie⋅, avec le concours d'envoyés spéciaux très « professionnels », sur les « dérives autoritaires (et « xénophobes ») supposées caractériser ces états de l'UE a prouvé que ces « journalistes » auraient pu faire leur « enquête » depuis Paris sans changer une virgule de leurs commentaires. La pensée unique en la matière comme dans d'autres est la règle aussi dans les « grands médias » du service public. Mais il conviendrait alors que M. Plenel, assumant pleinement la clarté dont il a fait preuve en affichant ses convictions en la matière dans ses écrits et à la radio, et en participant au congrès des Musulmans de la région Centre (cet article est écrit le 9 mars, donc avant le congrès), nous dise pourquoi le multiculturalisme est forcément une panacée susceptible de rendre à la France le rose aux joues qu'elle perdrait en se contentant de donner à sa société actuelle bien abîmée des raisons d'espérer et de vivre par exemple avec une vraie politique de l'emploi. Peut-être s'y essaie-t-il dans son ouvrage, mais alors, que n'en a-t-il soufflé un ou deux mots pendant l'émission !
On doit noter à ce titre que les défenseurs des « droits de l'homme » à la sauce mondialiste (lire mon article « Les droits de l'homme : une idéologie réactionnaire, un sacré de circonstance »), tiennent en gros le même discours que M. Plenel, sous réserve d'inventaire.
Quelle différence de fond existe-t-il en effet entre les envolées de Mme Merkel décidant toute seule (façon de parler) d'inviter les réfugiés à rejoindre l'Allemagne et le parti pris affirmé de Médiapart sous le titre « Ouvrons l'Europe » ? Edwy Plenel est donc pour le multiculturalisme. Son argumentaire pour soutenir cette vision de la France, qui serait déjà en voie d'accéder à cet état souhaité, ne repose à priori que sur de bons sentiments. Il faut accueillir l'autre parce que c'est l'autre. Il faut accepter sa différence parce que c'est bien. Cela nous « enrichirait », ce qui peut ne pas signifier grand chose. En quoi, pour quel projet précis ? Nous devons en rester à des propos moralisateurs et iréniques, présupposant un rousseauisme largement démenti par l'Histoire.
Si l'on accepte l' « autre » sur la base du multiculturalisme, à la mode mondialisée, quand cet « autre », par une alchimie intellectuelle étrange, nous devient consubstantiel en se muant en « nous », alors, symboliquement, toute différence est abolie, et par un coup de baguette magique, nous voilà tous égaux, avec les mêmes droits, (les mêmes devoirs aussi?). Il n'y a alors plus de nation, plus de citoyens, mais une humanité de principe à la sauce biblique (ante « babélienne ») susceptible de réclamer en tout point du globe les acquis patiemment amassés par les sociétés des états dits développés. Pourquoi pas, mais pourquoi ? L'altruisme devrait-il aller (pour l'heure plus ou moins théoriquement) jusqu'au suicide collectif, le dépouillement des uns (sauf celui des possédants) n'induisant en aucune manière l'épanouissement des autres ?
On accueille en conséquence le nouvel arrivant sur la base de sa différence, porteuse de cette fameuse richesse, et il ne faut sans doute pas l'intégrer, encore moins l'assimiler, mais lui permettre d'exister sur notre sol comme dans son pays d'origine, si tel est son désir, car là est la richesse, ou au moins sa source supposée. On sait que des Musulmans ne se privent pas toujours de cet attachement à leur culture originelle et aux modes vestimentaires qui vont avec, et nous serions priés de considérer cela comme un progrès pour tout le monde. Pour quelles raisons ? Par ailleurs, puisque l'autre devient « la richesse », on doit supposer que le « nous originel », à savoir la communauté nationale actuelle, c'est la « pauvreté », (l'inintelligence, le dogmatisme, l'égoïsme, l'incapacité à vivre l'empathie ou encore à nourrir l'ambition d'exister sereinement dans un monde de concorde, fraternel, etc...), l'absence de perspectives, et pourquoi pas la fin de l'histoire de France. Bref, nous sommes face à un rejet de la nation telle qu'elle est, mais pourquoi ?
Outre le fait que la France a très longtemps vécu sans une communauté musulmane aussi importante, qui n'est donc pas forcément indispensable à la construction de notre avenir, celui-ci n'est valorisé dans l'optique de M. Plenel qu'à travers les « autres », vecteurs de la richesse supposée on l'a dit, le passé et l'aigreur devenant la marque infamante des « moisis » (adjectifs accolé par Médiapart aux mécréants n'adhérant pas à la campagne « Ouvrons l'Europe »). Ce parti pris en dit long sur le peu de cas que font les droitdlhommistes de notre pays, de ses valeurs, de sa culture, de son devenir dans un concert des nations qui, on doit le supposer, est probablement lui-même voué à subir une vindicte identique. Et, ne les oublions pas , des Musulmans qui vivent leur vie de Français sans difficultés et dont on ne parle jamais. Doit-on à ce point mésestimer son pays pour le rêver aussi obstinément différent, « métissé », au nom d'une vision parfaitement contestable et de plus en plus contestée ? Sommes-nous face à une fracture identitaire dont les multiculturalistes seraient les révélateurs ou devant une stratégie mondialisée dissimulée sous les nobles atours moralisants des « droits de l'homme »?
Si la « stratégie mondialisée n'existe pas, pourquoi nous servir un tel projet tellement idéologique, sans l'étayer d'arguments solides et le rendre acceptable ? Car, comment accepter sans broncher la répétition lassante de propos si violemment défendus si on en reste à des affirmations grandiloquentes, à des prêches ? Manque-t-on d'arguments probants chez les droitdlhommistes pour expliquer clairement et politiquement les raisons d'une telle stratégie ?
Les conséquences prévisibles de ce positionnement
Fracture sociétale, rupture du contrat social
Quand la République ne reconnaît en principe que les individus, les appartenances religieuses et autres ne devant pas interférer avec la vie publiques, ce qui est le contraire du multiculturalisme à la sauce néolibérale, M. Plenel milite donc ouvertement pour une transformation radicale de notre société (sur le modèle anglo saxon?), qui porte déjà les traces bien visibles d'un apport de populations exogènes, dont une large part entend au moins partiellement le rester. On est donc en train d'installer en France deux sociétés vivant souvent côte à côte, sans pour autant s'apprécier ou vouloir faire « peuple » comme beaucoup voudraient nous le faire croire. Le FN n'a guère de souci à se faire sur ce plan là, on nourrit mécaniquement sa base électorale
L'essentialisation des Musulmans (« Pour les Musulmans ») s'est apparemment muée chez M. Plenel en essentialisation de l'individu, qui n'est plus pris dans sa singularité, fruit de siècles d'évolution depuis le haut Moyen Age, mais dans sa grégarité déracinée, le « Nous » effaçant le « je ». En revenons-nous au « troupeau du Seigneur » ? Mais alors, lequel ?
A cette aune, l'islamophobie va passer de mode, puisque plus rien ne différencie les êtres humains. Si ce n'est toi, ce sera donc ton frère ! La Scolastique, l'Humanisme, le rationalisme, le lent mûrissement de la philosophie occidentale, aboutissant à l'individu autonome et réflexif qui ont notamment symbolisé la grandeur de la civilisation européenne, tout serait donc bon à jeter dans les poubelles de l'Histoire ? Au nom de quelle valeur supérieure ?
Outre que ce choix, le « Nous » plutôt que le « Je », peut être vécu comme très inquiétant dans un monde où nos libertés individuelles sont de plus en plus menacées, ce « Nous » peut de toute évidence passer pour une gomme idéologique à priori destinée à nier notre réalité, nos vérités au nom d'une vérité nouvelle, quasiment une « Annonciation » qui, hélas, ne paraît pas porter l' « espoir » pour tous mais un risque grandissant de guerre civile. Le vieux mythe de la « table rase » n'est sans doute pas bien loin. Le multiculturalisme est ainsi un moyen réthorique civilisé et une volonté politique féroce de valoriser le « hors sol » contre l'enracinement. A ce titre, il est une illustration au moins partielle de l'idéologie néolibérale (ultralibérale?) qui ne déteste rien tant que les racines, l'acquis, l'identité. Est-ce celui que défend M. Plenel ?
Le fond historique et idéologique d'un tel discours
La mondialisation anglo saxonne a fait de l'UE un grand marché sans frontières, vulnérable au moindre aléas géostratégique comme le surgissement des flots d'immigrants qui continuent à se présenter à nos frontières bien fragiles. Il est de fait que la libre circulation des personnes, après celles de l'argent et des marchandises, est un pilier de l'idéologie néolibérale. Mme Merkel, lançant son appel de bienvenue aux « réfugiés », en a été une porte parole éminente.
Même dans le cas où une pensée de ce type aurait d'autres racines que la volonté d'imposer un ordre économique mondial dominé par l'argent et une oligarchie toute puissante, il est difficile de ne pas faire le parallèle entre ce que disent M. Plenel, ses amis, ainsi que toute la « grande presse », et un projet politique parfaitement droitier, né aux états Unis bien avant la chute de l'URSS et traduit dans les faits par l'UE et l'Euro (Lire mon article : « Le PS et ses alliés ont tué la gauche à partir de 1983 : M. Hollande l'enterre »).
Cette idéologie de combat contre les états européens, mais pas seulement, a fait le tour du monde par internet et tous les moyens de communication modernes, cinéma compris depuis au moins les années 80 du vingtième siècle. Les déclarations de Mme Merkel, qui est tout sauf inconséquente, à l'intention des « réfugiés », ont été le point d'orgue dans la confection de la doxa de l'ouverture adressée urbi et orbi à ces malheureux en quête d'une vie meilleure. Les « droits de l'homme » ont servi ici à aggraver un phénomène tragique qui, à l'expérience, se révèle dangereux pour l'existence de l'UE elle-même.
Pour beaucoup de ceux qui habitent dans des aires pauvres, soumises à des conflits (dont le bloc atlantique est souvent responsable) et désireux d'accéder à une vie normale, le message de l'ouverture, de l'accueil, de la fraternité universelle a forcément un gros impact. Le flot d'immigrants actuel a aussi ses racines dans cette préparation médiatique du grand tohu bohu planétaire provoqué, que de nombreux commentateurs affectent de considérer comme un phénomène naturel auquel nous n'échapperons pas, comme il en est de l'Euro, de l'austérité, de la compétitivité alors que l'on commence à mesurer la responsabilité écrasante de la Turquie dans ce désastre humain qui est loin d'être terminé.
Bref, les militants du multiculturalisme profèrent qu'ils en aient conscience ou pas un discours idéologique majeur visant jusqu'à preuve du contraire à imposer des choix parfaitement politiques antidémocratiques et antisociaux (les systèmes sociaux ne résisteront pas à l'irruption d'une population ayant besoin de tout) faits en dehors de tout assentiment populaire dans nos pays démocratiques où une élite oligarchique se mêle de juger et de décider de tout à la place des citoyens.
Le biais culpabilisateur de l'Histoire
Si l'on admet en outre tacitement, comme cela semble être le cas, que les pays dits riches ne sont pas légitimes à opposer leurs frontières à ceux venant de pays pauvres en guerre qui désirent se réfugier massivement chez nous, c'est que l'on accepte au fond, et sans le dire, le principe d'un accueil illimité qui signe la fin des états tels que nous les connaissons.
Or, on sait bien que toute société a besoin d'un lieu spécifique pour se définir, s'organiser, pour se prendre en charge, et quand la démocratie est là, pour choisir son destin en votant, pour se défendre aussi, pour s'épanouir dans sa culture, et que la transmission de cette dernière donne à l'Ecole une importance première (lire Jacques sapir, blog Russeurope et mon livre « Education Nationale : le naufrage tranquille », Edilivre 2014).
La perspective d'une dilution sans limite de nos états dans un flot de nouveaux arrivants dont nul ne peut prévoir la fin dans la situation actuelle, c'est la mise en péril acceptée, voire souhaitée par les tenants du multiculturalisme en France, de toute organisation sociale et de tout projet national, sacrifiés sur l'autel des faux « droits de l'homme », au nom desquels seront liquidés les vrais droits de l'homme (droits sociaux, droit du travail etc...). Nous sommes très vraisemblablement face à une nouvelle mouture de la lutte des classes (menée contre les salariés par les classes dirigeantes) version mondialisée. Nous sommes du moins en droit de le penser. La culpabilité relative à une histoire ancienne comme la colonisation, l'interprétation du développement économique des uns comme une spoliation de tous les autres, l'illusion que la puissance réelle ou supposée des « grandes puissances » est à même de prendre en charge la détresse et la pauvreté de la terre entière (sans jamais toucher au patrimoines des possédants), conduisent des gens bien intentionnés à mettre en cause les états, et alimentent un nouveau millénarisme. Ce dernier est évidemment nourri de grandes illusions sur la capacité des êtres humains à s'entendre convenablement au-delà des différences confessionnelles, culturelles et anthropologiques.
Le multiculturalisme en France n'a pas attendu les Musulmans
Il faut enfin rappeler que le discours du multiculturalisme nouvelle manière est né en France de la présence massive des Musulmans, qui n'existait pas en tant que telle dans les années soixante du XXe siècle, évidemment avant l'éclosion de la Mondialisation voulue par Washington. Le fait musulman dans notre pays a été fabriqué par l'Etat et le monde économique, les Français n'ont jamais été consultés sur le sujet, et même sans emploi à proposer, nos dirigeants et ceux qui en la matière les soutiennent comme M. Plenel, continuent à valoriser les « apports » de populations étrangères notamment sous la forme du regroupement familial et bientôt sous celle des quotas de « réfugiés » à l'ombre d'une UE très vigilante sur ce type de politique, qui en tant que telle ne relève ni de la morale ni des bons sentiments quoiqu'on nous en dise par ailleurs. La présence des Musulmans en France est contingente, elle n'obéit à aucune contrainte historique objective, indépendante de la volonté de l'Etat. L'immigration traduit aujourd'hui une stratégie (économique et politique?) des instances européennes et de leurs patrons US. Cette réalité en dit long sur la démagogie du FN qui tient des propos définitifs sur l'immigration sans vouloir réellement sortir de l'UE.
Pourtant, on l'oublie peut-être, toute l'histoire de notre pays est celle du mélange fréquent avec d'autres populations essentiellement de souche européenne. Plus petit commun dénominateur, les racines judéo-chrétiennes, qui ont débouché sur des modes de société dans lesquelles le statut de la femme n'est pas celui que l'on trouve dans les pays d'islam, pour lesquelles l'état et l'autorité légale de la puissance publique, fruits de l'histoire, sont fondés en droit et en raison, les religions ayant été priées de laisser les hommes gouverner les hommes. On ne reviendra pas ici sur les discussions très vives à propos du Coran ou sur les drames de Paris et les incidents de Cologne et d'ailleurs à la fin 2015 qui sont un sujet de réflexion en soi. La France a été un creuset européen, depuis qu'elle existe, et sans discontinuer. La culture française est le fruit de ces mélanges constants.On peut donc accueillir les Musulmans sans pour autant changer la règle du jeu en leur faveur, du seul fait qu'ils seraient issus de pays pauvres et qu'une fois en France, nombre d'entre eux subiraient plus que d'autres la dureté de la société actuelle. En revanche, on doit imaginer les Musulmans changer leur propre règle du jeu pour s'adapter au pays d'accueil comme beaucoup d'entre eux l'ont fait.
Le muticulturalisme est un projet politique défendu sans arguments politiques : pour quelles raisons ?
Après tout, on a le droit de vouloir que l'Etat, la Nation, la Citoyenneté, les frontières et la démocratie qui ne peut aller sans elles se transforment et se diluent au nom d'une vision fantasmée de l'humanité. Encore devrait-on exposer sans fard les enjeux considérables que cela induit, et cesser de donner des leçons de morale et d'exclusion mal venues au risque d'être assimilé (terme délicat dans ce contexte) à une secte détenant seule la vérité face à un océan d'ignorance et d'inhumanité.
En outre, ce n'est pas parce que la souveraineté a été annexée par le FN qu'elle est une revendication de l'extrême droite. Et ce n'est pas parce que M. Plenel s'affiche pour le multiculturalisme que ce dernier est une exigence de gauche.
Jusqu'à preuve du contraire, on est ainsi en droit d'écouter M. Plenel avec circonspection au moins sur le plan du multiculturalisme, et de regretter que son puissant discours politique soit affaibli par des considérations qui lui sont apparemment essentielles sans pour autant paraître telle au moment où le pays est plongé dans une crise multiforme d'une ampleur inégalée, et ce dans un contexte intérieur et extérieur si périlleux. Comment se revendiquer de la gauche en fusillant le gouvernement actuel, qui serait donc de droite (ce que nous savons sans conteste), et se retrouver objectivement sur des positions politiques convergentes avec celles de la droite mondialisée (équivalent de la « gauche bobo »), ennemie du monde du travail, voire sur des positions identiques à elle, le multiculturalisme pouvant être analysé en l'état actuel du non débat comme une arme absolue contre la démocratie, les droits sociaux et l'Etat social des sociétés développées ? Comprenne qui pourra. 2017 dira qui est qui.
Alain Pucciarelli (pucciarelli.fr, omnibusactu.wordpress.com)
⋅Selon Wikipedia, « Pendant l'été 2005, Tariq Ramadan obtient une invitation de visiting scholar à l'Université d'Oxford et est invité à participer à un groupe de réflexion fondé par Tony Blair sur le problème de l'extrémisme islamique au Royaume-Uni, suite aux attentats survenus à Londres le 7 juillet de la même année. En novembre 2006, le magazine EuropeanVoice lui a remis le prix d'Européen de l'année dans la catégorie des personnalités n’étant pas citoyennes d'un pays membre de l'Union européenne12. En 2000, il a été nommé l'un des sept penseurs religieux « innovateurs » du XXIe siècle par le magazine américain Time. Il fait partie de la liste des 100 penseurs les plus influents du monde (e rang) en 2004 (Time), en 2005 et 2008 (Foreign Policy et Prospect) et en 2009, 2010, 2012, 2013 (Foreign Policy). Il reçoit en 2007 le prix d'excellence décerné par le journal britannique Muslim News. Il est e dans la liste des 100 penseurs les plus influents du monde par « Global Thinkers » en 2014. Tariq Ramadan a été nommé à une chaire d'études islamiques contemporaines à l'Oriental Faculty de l'Université d'Oxford et est également attaché au St Antony’s College, de la même université (à partir du er septembre 2009)13. La manière dont il a été nommé à ce poste, grâce aux relations et à l'influence du sultan d'Oman, a été dénoncée à plusieurs reprises14,15. Il est professeur de sciences islamiques contemporaines au département des Sciences islamiques de la faculté du Qatar (attaché à la Qatar Foundation) et est chercheur (Senior Fellow) à l'université de Doshisha (Kyoto, Japon). » Note de l'auteur : il paraît proche de l'UOIF (lire sur internet), accusée d'être un vecteur officieux mais déterminé de l'idéologie islamiste.
⋅l'auteur de ces lignes vit actuellement à Budapest