On reste circonspect quand, suite à l'élection de M. Trump, la « grande presse » ou supposée telle, s'inquiète prioritairement du « populisme », du racisme, du totalitarisme voire de la misogynie que symboliserait le nouveau président des Etats Unis, sans pour autant, trop souvent, éclairer les réelles raisons de cette élection.
Si on juge que nos amis américains ne sont pas plus bêtes que nous (aujourd'hui, certains pensent qu'ils le sont moins), et si l'on convient que, du jour au lendemain, le paradis US n'est pas devenu la tanière d'un fascisme rampant renvoyant aux « heures sombres » (etc...), il faut bien se poser la question d'un tel part-pris, véritable déni de réalité, de la part de nos médias mainstream (et de leurs « grands » journalistes souvent hystériques), d'un contexte extraordinaire, qui mériterait un autre traitement qu'un classement hâtif dans la rubrique à présent traditionnelle du retour effrayant d'un passé honni (c'est devenu un marronnier qui évite des analyses concrètes des difficultés actuelles). Ces gens n'analysant pas le temps présent s'emploient à faire peur en brandissant les cauchemars du XXe siècle.
Paresse intellectuelle ou désir d'induire les citoyens en erreur, chacun jugera. La seconde hypothèse paraît plus probable. Revenons à quelques fondamentaux.
Mme Clinton s'est battue sur des « valeurs », non sur la gravissime réalité économiques et sociale de son pays, dont elle est comptable parmi tant d'autres (et non M. Trump), contexte qui serait encore moins brillant aux Etats unis que dans l'UE. Tout le monde sait qu'elle était la candidate de Wall Street et de la mondialisation à la sauce néolibérale, donc de la continuité, et apportait dans ses bagages l'éternel TINA, avec chômage massif à la clé et poursuite des provocations guerrières contre la Russie.
Même la Chambre de commerce de Washington, élément essentiel de l'état profond, avait condamné M. Trump au profit de Mme Clinton, ce qui a conduit quelques commentateurs imprudents, bien qu'habituellement fort sages, à décréter que la candidature Trump était fichue. Et bien tel n'a pas été le cas.
L'UE, qui paupérise consciencieusement ses peuples et les prive très officiellement d'une expression indépendante, tout en les conduisant à l'ombre de l'OTAN vers une troisième guerre mondiale, sans rien dire à personne, surtout pas à ses citoyens grâce à la complicité active des grands médias, a elle aussi des « valeurs », les mêmes que Mme Clinton (libre échange, mondialisme, métissage, immigration, russophobie, etc...). Lesquelles sont celles du « Council for Foreign affairs », l'un des cœurs de la pensée néolibérale et stratégique sur le mode agressif à Washington, qui est devenue celle de nos « élites » européennes.
Autrement dit, les « valeurs » très symboliques sont aujourd'hui revendiquées dans le monde occidental par les représentants de l'oligarchie contre le réel vécu par une majorité de citoyens et contre le désir partagé d'un monde sans conflit
Or, il apparaît que l'inquiétude économique a joué un grand rôle dans l'élection de M. Trump.
On doit donc se demander si le fait d'en appeler aux valeurs contre le « danger populiste » avec en arrière plan un projet multiculturaliste et « sans-frontièriste », (c'est à dire promouvant le communautarisme et la libre circulation des personnes en dépit des frontières des états et de la volonté des sociétés concernées), qui ne se cache pas, et qui s'est affiché avec Mme Clinton, n'est pas un moyen de moins en moins habile de masquer les politiques antisociales menées via la mondialisation et la financiarisation de l'économie, qui tuent l'état social là où il existe et liquide les emplois dans les pays développés pour les installer dans les aires de bas salaires, à l'autre bout de la terre.
Droits de l'Homme
Les « droits de l'homme » (alias dans le contexte actuel lutte contre le racisme, la xénophobie, l'islamophobie et... la Russie !) tels qu'ils sont utilisés aujourd'hui, par exemple dans la supposée lutte contre l'idéologie d'extrême droite, ont ceci de particulier qu'ils sont présentés comme des droits universels, applicables à tous, sans lien aucun avec la réalité socio-économique dans lesquels ils sont supposés s'insérer.
Il existerait un droit au-dessus de tous les autres, qui présuppose l'égalité absolue de tous les êtres humains, dès lors susceptibles de changer de pays sans problème pour rejoindre des semblables dans d'autres pays quel que soit le différentiel culturel, religieux, de développement et les difficultés des sociétés d'accueil, la morale se chargeant d'expliciter le bien-fondé de l'immigration et des migrations au nom de l'humanisme et de l'universalité. Des spécialistes bien connus excellent dans cet exercice médiatique.
Or, les droits comme le Droit ont une histoire, des racines, et sont la traduction matérielle de la vie de nos sociétés depuis des siècles. Un « droit atmosphérique » et circonstanciel n'est pas un droit, mais une idéologie.
Il s'agit donc d'une problématique transcendante, et donc religieuse, qui nie le rationnel et le politique structurant les sociétés occidentales, fabriquée de toute pièce dans les trente dernières années pour les besoins de cette causes insensée qu'est le combat pour la mondialisation néolibérale, qui prétend imposer le pouvoir de la finance et les conditions de son « efficacité » contre toute autre considération.
Dès lors, face par exemple au flot de réfugiés qui débarquent en Europe, penser préservation des acquis sociaux devient « populiste » voire pire chez nos intellectuels parisiens (ou washingtoniens, etc...), pour beaucoup étroitement insérés dans les réseaux de pouvoirs atlantistes, qui rayonnent jusqu'à aujourd'hui au moins des Etats unis à l'Europe. Les bénéficiaires des dérives actuelles entendent les prolonger.
Sauf qu'entre un principe, aussi apparemment beau soit-il, il existe un fossé de taille entre l'affirmation théorique de droits universels et leur mise éventuelle en application: celui de l'acceptation par les populations d'accueil de ce système que ses partisans disent « enrichissant » et ses adversaires ruineux et dangereux. Nous sommes face à un conflit grandissant entre une idéologie sans racines et la réalité d'un monde par définition très concret, campé sur son histoire et ses traditions plurielles, qui l'accepte mal ou ne l'accepte pas.
Dans ce contexte, illustré d'une part sur la durée par les réflexes de rejet, la montée des idées d'extrême droite, mais aussi par le fait que suite à l'élection du nouveau président des Etats Unis les coquins médiatiques traitent le succès incontesté de M. Trump à travers un prisme moral et la grille de lecture droitdelhommiste. Ils passent de la sorte sous silence la grande crise économique qu'affronte la population des Etats Unis (parallèlement à celle des sociétés européennes) qui constate depuis des décennies l'enrichissement fou d'une minorité quand les classes moyennes sont laminées et que les emplois disparaissent, il faut bien revenir à des principes et à des symboles très puissants, que nos mondialistes essaient d'ignorer, au demeurant avec de plus en plus de difficultés.
Droits du Citoyen
Les droits de l'homme bien compris ne répondent à une réalité en Europe et aux Etats Unis (voire dans d'autres contrées) que dans la mesure où il émanent des droits des citoyens (et du respect de leurs convictions, ce que nul gouvernant ne se soucie de connaître). Ces derniers jouissent de droits légués par l'histoire des luttes ouvrières, intellectuelles, par des combats pour accéder à la dignité dans des pays développés capables de formuler de telles exigences au vu du développement économique, intellectuel, culturel. Les Droits du Citoyen sont le témoin historique d'un cheminement complexe, constitutif de la nation.
Autrement dit, les droits des citoyens sont la résultante d'une patiente, longue et difficile construction et s'affirment, en l'état, comme un capital précieux, lentement accumulé et toujours fragile. Ces droits peuvent, dans la philosophie qui sous-tend leur construction, générer le rêve d'un universel où tous les hommes seraient susceptibles un jour d'accéder à ce type d'harmonie sociale fût-elle encore bien imparfaite.
Mais ces droits restent avant tout l'expression très concrète des sociétés, qui se sont payées leur état social. En cela, le droit des citoyens est d'abord national, et sa défense relève en principe de l'Etat qui, normalement, doit veiller jalousement sur ce trésor générateur de bien être, d'humanité, riche du devenir du pays et susceptible d'aider à l'accueil de nouveaux venus dans le cadre d'une vraie politiques d'immigration et d'intégration quand le besoin s'en fait sentir.
Mondialisation des droits de l'homme : une truanderie
Si l'on sépare le concept des droits de l'homme de celui des citoyens, on en coupe les racines, mais on en supprime également les logiques de financement. Or, ces logiques supposent que les droits sont payés par leurs bénéficiaires, seule condition d'existence des systèmes par répartition ou des financements via l'impôt.
Il apparaît donc que plaquer l'exigence universelle des droits de l'Homme sur le seul socle susceptible de les financer, celui des citoyens, est une arnaque, car un financement fini ne peut pas pourvoir à des besoins infinis sous peine de la banqueroute des systèmes sociaux.
Et ce constat ne doit pas faire oublier qu'il n'est jamais fait appel aux grandes fortunes ou aux possédants via par exemple un impôt exceptionnel de solidarité, qui par ailleurs ne réglerait quand même rien sur le long terme, celui d'une improbable intégration.
Être droitdelhommiste, c'est choisir objectivement de faire payer par les citoyens la responsabilité des états développés face à une misère et à des malheurs généraux dont leurs dirigeants et leurs groupes économiques sont responsables. C'est socialiser les pertes liées aux conséquences de politiques dont les gains sont largement privatisés.
Autrement dit, les oligarchies créent indirectement les conditions stratégiques de l'effondrement des états sociaux, même si le projet tel quel n'a pas été prémédité. Elles promeuvent le chaos par exemple au Moyen Orient ou en Lybie, puis, lorsque surgissent des flots de réfugiés, spontanément ou pas,, demandent, au nom de la morale, aux citoyens des pays concernés (UE au premier chef) de saborder un élément fondamental de leur bien-être fruit de luttes sociales incessantes depuis des décennies en se référant à une justice universelles idéalisée, démentie en permanence par nos guerres, nos bombardement et la rapacité de nos grands groupes économiques.
Une aspiration de longue durée a permis en occident la naissance de l'état social, une idéologie de combat née dans les années 80 prétend le détruire au nom d'une morale factice construite de toute pièce (s'intéresser au think tank Terra Nova, proche du PS).
Droitdelhommisme : trahison et charlatanisme
Il est donc permis de considérer que les pleurnicheries sur le malheur très réel des migrants, des « réfugiés » que Mme Merkel a quand même officiellement autorisés à nous rejoindre, n'est qu'un des aspects des politiques mondialistes menées par les gouvernements occidentaux ainsi que le résultat des stratégies US en matière de pétrole et d'hégémonie jusqu'à ce jour au moins.
S'arc-bouter sur les droits de l'homme sans parler de ceux du citoyens, oublier que les « droits de l'Homme » entrent à présent en collision avec les droits des hommes, ces citoyens que nous sommes, c'est à priori s'identifier aux politiques occidentales impérialistes menées partout sur la planète et au grand combat néolibéral contre les droits sociaux, les frontières, en bref, contre l'Histoire.
C'est en gros un positionnement favorable aux oligarchies dès lors qu'on ne peut pas déplorer les malheurs des uns sans au moins évoquer les responsabilités des autres, dont la France, dans cette situation humainement insoutenable, et sans imaginer et proposer la mise en œuvre de stratégies de sorties de crise permettant au plus grand nombre de ces malheureux de regagner leur pays. Il est inutile d'insister sur les dangers que nous fait courir le terrorisme islamiste lié aussi à cette gestion hasardeuse de flux humains considérables.
Voir en M. Trump un populiste, un raciste, sans éclairer les citoyens sur le contenu très politique de son succès, c'est faire œuvre de charlatanisme, et quand on est journaliste, de trahison d'une déontologie minimale.
Car expliciter les raisons qui donnent la clé du succès de M. Trump serait mettre au premier plan nos propres difficultés, et mettre en cause nos dirigeants (depuis au moins M. Mitterrand) sur les mêmes bases qui ont valu à Mme Clinton d'être sèchement désavouée.Ce serait tenir (enfin) un discours politique contre nos propres oligarchies et nos personnels politiques et médiatiques.
On peut dès lors traduire très clairement nombre de stratégies éditoriales cyniques et trompeuses et les analyser comme des manœuvres dilatoires, le succès de M. Trump renvoyant en réalité à un réquisitoire sans appel contre les politiques poursuivies en France et en Europe depuis Maastricht (et bien avant pour ce qui nous concerne).
En vue des présidentielles françaises, on peut donc juger que, en France, les mondialistes à tout crin, (libre-échangistes, droitdelhommistes, communautaristes et bien sûr russophobes) en dépit du changement profond qui vient de se produire aux Etats Unis, qui signe apparemment la fin de la mondialisation et du néolibéralisme militant, défendent à présent des intérêts très concrètement européens, tant que cela reste possible, et tant que la nouvelle administration américaine ne sera pas officiellement entrée en fonction en janvier 2017.
A cela, une explication simple. Le bouleversement US n'a pas encore induit le probable renversement des certitudes idéologique (et des flux financiers?) en Europe, toujours flanquée de ses piètres dirigeants inféodées aux oligarchies mondiales. Preuve est faite que le monde médiatique a cessé d'exister en tant que pouvoir de l'information, et qu'il attend le nouveau discours du boss qui ne manquera pas de surgir pour le relayer.
Le journalisme n'existe plus, quand le journaliste ne pense plus par lui-même, ou bien qu'il ne sait plus mettre en perspective la réalité du moment pour favoriser la réflexion des citoyens, ou bien qu'il ne le veut pas.
On peut supposer sans grand risque de se tromper que les médias soutenant le mondialisme, le libre échange, le communautarisme, l'absence des frontières et l'accueil illimité de l' « autre », ancrant leur discours sur la sentimentalité et une générosité hors sol, tout en appuyant toutes les initiatives favorisant un 3e conflit mondial, soutiennent dans leur pratique professionnelle l'ultra libéralisme qui exténue notre pays au profit de l'enrichissement croissant d'une minorité.
On est en droit de juger qu'ils roulent donc pour une droite dure et implacable que le PS représente aujourd'hui tout autant que ses adversaires des « grands partis », quelle que soit par ailleurs la conscience que certains d'entre eux ont de la réalité de leur action.
Cette mouvance droitdelhommiste n'est donc, sauf erreur d'analyse, que l'un des aspect de l'ultralibéralisme (encore) à l'oeuvre.
Chez nous, la fausse gauche fondamentalement protectrice des intérêts oligarchique est dès lors facile à identifier parmi notre personnel politique et dans la palette de nos « grands médias ». Qui est victime de cette idéologie, qui la promeut en connaissance de cause ? Mystère (!). Voilà en tout cas une clé, parmi d'autres, pour savoir où mettre les pieds avant de se décider en 2017.
M. Trump, au-delà de ses défauts et des ses qualités, va dans tous les cas être un excellent révélateur des positionnements des uns et des autres. Et en cela aussi, son élection est, vraiment, une bonne nouvelle.
Alain Pucciarelli
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