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écriture politique. Je cherche un éditeur (que je ne trouverai sans doute pas) pour 'Les "grands médias" au pas cadencé", mon dernier manuscrit/enquête

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Billet de blog 15 janvier 2016

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M. Valls chez M. Ruquier : de la tragédie au vaudeville ?

Samedi soir 16 janvier 2016, M. Valls, ci-devant Premier ministre de la France, participe à une émission de divertissement (« On n'est pas couché ») pour... s'exprimer.

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On est en droit de s'en étonner. Car, en dehors des tribunes prévues à cet effet, nombreuses et variées, à quoi peut servir ce type d'émission quand on est un homme politique de premier plan qui a la liberté de s'exprimer aussi souvent que nécessaire ?

A se faire mousser.

Premier constat : un premier ministre a une tâche essentielle, conduire la politique du pays sous la « haute autorité » du Président de la république (expression consacrée...). Il fait généralement cela à Matignon, ou dans tout autre lieu officiel. Sa tâche, empreinte du sérieux et de la dignité, marqueurs en principe essentiels des responsabilités politiques en démocratie, devrait le contraindre à agir dans le respect de la fonction éminente qui est la sienne au service du pays, fonction liée à l'onction du suffrage universel, dont, via le Président de la République, il procède. Un plateau télé et son public parfois bruyant et enjoué ne correspondent pas exactement à cette exigence.

Deuxième constat : la situation du pays est si sérieuse et douloureuse que le choix d'apparaître dans ce type d'émission peut être vécu par les familles des victimes des attentats, ou par tout citoyen soucieux de l'avenir de son pays, dévoré par un chômage massif, et inquiet des manœuvre politiciennes et des dérives autoritaires qu'il condamne, comme une prestation inutile et inconséquente, à tout le moins décalée, ce qui signifie déplacée.

On ne peut pas (en principe) un jour, revêtu de ses habits de premier ministre, « hurler solennellement » au danger du chaos, du terrorisme et autre joyeusetés du haut de la tribune gouvernementale, et quelques jours plus tard, face aux caméras de « On n'est pas couché », apparaître en Monsieur Loyal pour faire risette à des Français que l'on s'est employé à terroriser et à manipuler quelques jours plus tôt. Faut-il être « moderne » pour considérer cela comme normal !

On doit en outre supposer que le projet de cette émission a été formulé il y a quelques temps déjà. Ce type de rendez-vous ne s'organise pas dans l'urgence absolue.

Entre mille responsabilités écrasantes, M. Valls a donc eu le loisir de s'occuper de cela aussi, sa propre promotion. Il y a donc fort à parier que le cynisme de cet homme public est bien réel.

Comment en effet comprendre que le premier ministre se préoccupe si fort de son « image » et de sa popularité quand la France affronte tant bien que mal les immenses défis qui sont les siens ?

Troisième constat : lorsque les politiques n'hésitent plus à opter pour ce type de pratique « people », qui incluent l'  « entertainment », c'est à dire le spectacle, dans leurs agendas en principe surchargés, dans des moments de stress national exceptionnel, c'est qu'ils ont symboliquement tiré un trait sur les grands médias comme unique véhicule de leur action « politique » et de leurs ambitions politiciennes inébranlables.

La politique est-elle devenu essentiellement un (triste) spectacle ?

L'émission de M. Ruquier se veut informative et distrayante. Elle remplace de plus en plus des émissions strictement « d'information », lorsqu'un invité fait face en direct à un panel de journalistes spécialisés pour, dans la logique d'une conférence de presse, déployer ses idées, projets et éventuelles convictions en direction des citoyens. On peut supposer que l'audience de ces grandes messes a baissé, et/ou que celle de l'émission « On n'est pas couché » a atteint des seuils qui ne peuvent plus laisser un homme politique ambitieux et en difficulté indifférent.

Il y a donc entre l'invité, politique en l'occurrence (il n'est pas le premier, mais il est le premier Premier ministre en exercice), et les citoyens qui devraient être sa première « cible », un « public », qui à la télévision, fait partie intégrante du spectacle. A ce titre, l'invité assure donc « un numéro » comme le public, et l'animateur vedette.

M. Ruquier, a bien raison de profiter des failles du système politique et de son américanisation  pour faire marcher sa petite entreprise, mais le rôle qui devient le sien doit nous interpeller.

Chacun sait ou devrait savoir que dans notre pays, l'information libre n'existe plus. Les médias privés sont aux mains des puissances d'argent, les médias publics aux mains d'un état qui partage et promeut les grands oligarques propriétaires des médias privés et l'idéologie qui conforte leurs pouvoirs. Cette unité de ton et de discours a rendu pas mal de Français très méfiants à l'endroit des « grands médias ».

Il faut donc, non pour convaincre le public, mais pour le séduire, participer à des émissions de grande audience qui ont la séduction pour fond de commerce.

On peut supposer que le pouvoir de séduction de M. Ruquier animant son émission est sans commune mesure avec celle par exemple de M. Pujadas, servant quotidiennement son piètre brouet parfaitement formaté à des téléspectateurs sans doute alors moins pris au sérieux que ceux de M. Ruquier, dont, contrairement à M. Pujadas, la survie professionnelle demande une écoute et un respect réel de ceux qui font son audience.

« Moralité », morale politique, respect des citoyens, respect de l'action politique en tant que telle, respect de la fonction politique (que chaque individu concerné occupe pour un délai limité), et du suffrage universel, respect des victimes des tragédies récentes ou pas, voire respect des récents discours peu respectables car ahurissants de violence et de grandiloquence de M. Valls lui-même dans son douteux combat politique, tout s'est effacé devant les contraintes promotionnelles et électoralistes.

Ce faisant, la « grande histoire », ou celle que l'on voulait nous faire avaler comme telle, bivouaque chez un saltimbanque⋅, de talent, qui est aujourd'hui l'un des premiers dans sa partie.

La messe est dite quand le Premier ministre d'une France en crise, voire en détresse, délaisse ses dossiers, les experts et les journalistes politiques et opte pour une émission télévisée dont la politique n'est pas le souci essentiel, et dans laquelle les interlocuteurs, « journalistes » ou pas, sont des acteurs au même titre que l'animateur l'invité et le public.

Le seul rôle légitime alors est celui de M. Ruquier, grand ordonnateur et animateur se présentant comme tel, dans sa vérité, et premier bénéficiaire de ce raout pseudo politique et pleinement spectaculaire.

Sur le plan politique, dans un grand pays comme la France, peut-on tomber plus bas ?

⋅Selon le Larousse :

« Artiste d'agilité exécutant des tours d'adresse.

  • Acrobate de plein air, forain.

  • Familier. Comédien, professionnel du spectacle »

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