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écriture politique. Je cherche un éditeur (que je ne trouverai sans doute pas) pour 'Les "grands médias" au pas cadencé", mon dernier manuscrit/enquête

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Lien 15 octobre 2015

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Air France : norme oligarchique contre légitimité populaire

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coup d'éclat symbolique en forme de farce

 Suite à l'  « affaire Air France », l'unanimité des « grands médias » et des personnels politiques dans la condamnation d'infâmes salariés ayant eu le culot de porter la main sur le DRH de leur entreprise (et accessoirement sur un autre membre de l'équipe de direction) a été remarquable.

Ces salariés, menacés pour la énième fois dans leur emploi, dans leurs conditions de travail, se sont non seulement permis de faire irruption dans le ronron du monde des « gens sérieux », un Comité central d'entreprise réuni pour notamment écouter l'annonce par la direction de 2900 nouvelles suppressions d'emplois, mais ils ont « molesté » des membres de cette direction.

Les « coupables » ont rapidement été cueillis au petit matin chez eux, une pratique qui à priori épargne des gens puissants en délicatesse avec la justice, mis en garde à vue comme des délinquants une trentaine d'heures, et devraient être jugés en principe le 2 décembre (ça la fiche mal, c'est le jour du coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte en 1852 !).

Ces citoyens exaspérés auraient donc commis un crime odieux susceptible de mobiliser si soudainement les services de police et de justice ? Certes non. Simplement, l'  « establishment » a énoncé avec force la norme des puissants contre ceux qui ne le sont pas et qui regimbent sans souci du « savoir vivre » (malheur aux vaincus). Les mesures affectant ces quelques salariés d'une grande entreprise et en fait, tous ceux que menacent des licenciements qui de nos jours sont légions, doivent être comprises comme un acte éminemment politique, un avertissement. Un avertissements en guise de « dialogue social » donc, pour faire peur.

Dans un contexte marqué par un chômage de masse qui ne cesse de croître, une crise économique sans fin, une profonde fracture sociale, il est donc acquis que les uns, « hors sol » et (en principe) intouchables, ont le droit légitime de vie et de mort économique sur les autres, qui n'ont eux que le droit de se taire et de subir, y compris quand, les échéances électorales arrivant, le choix ne peut se faire en définitive qu'entre des partis politiques qui sont d'accord avec cette Europe de la misère et de la réaction, et ceux qui ne sont pas contre. Les citoyens se réfugient alors souvent dans le vote FN, lequel, ayant repris à son compte au moins au niveau du discours bien des thème originellement de gauche, est devenu au nom des « droits de l'homme » le repoussoir à la mode pour discréditer toute opposition véritable aux politiques mondialistes et européistes menées depuis 1983.

Mais ce fait divers à priori sans importance réelle, une explosion de colère désespérée d'une partie des salariés face à une situation bloquée lourde de dangers pour eux et pour l'avenir d'Air France, a permis de mettre en lumière la solidarité de classe sans faille d'une majorité écrasante des élites politiques, médiatiques et économiques.

Il a par ailleurs encore un avantage, celui d'éclairer à la sauce contemporaine le retour du « sacré » lié à une vieille tradition monarchique qui « consacrait » le monarque, à la fois roi et prêtre, les élites d'ancien régime bénéficiant théoriquement du sacré attaché au souverain de droit divin dont ils étaient en quelque sorte l'émanation dans l'exercice de leurs fonctions. Le crime de « lèse majesté » est la traduction pénale de cette nature double du roi, dont la légitimité était à la fois divine et politique, ce que l'on retrouve souvent sous une forme ou une autre dans les sociétés archaïques.

Les «missi dominici »

Depuis les années soixante du XXe siècle, une nouvelle féodalité décomplexée a vu le jour, qui accapare aujourd'hui au détriment de la puissance publique pouvoirs, prébendes, richesse, bref, une société puissamment oligarchique s'est reconstituée, et avec elle une idéologie en phase avec les nouveaux « patrons ».

Porter la main sur autrui, en la circonstance un technocrate parfaitement engagé dans la stratégie de licenciements d'un grand groupe, le DRH est même celui qui, « es qualité », est chargé de la mettre en œuvre, c'est bien sûr regrettable. Mais il n'y a pas mort d'homme.

Si l'on en croit les commentaires indignés, il s'agit pourtant d'un drame insupportable.

C'est que ces « prolétaires » en colère ont attenté à la majesté du vrai pouvoir actuel, à son évidence, à ses contraintes « naturelles », et bien entendu à son sacré, car en la matière, le DRH met en œuvre des décisions de nature régaliennes, puisque prises par les nouveaux et tout puissants féodaux qui se sont développés à l'ombre de la puissance publique, avec son aide, et qui aujourd'hui la dominent et la vassalisent. Précisons que l'Etat est toujours présent au capital d'Air France, et soutient les politiques actuellement mises en œuvre par le PDG de la compagnie. L'Etat et les intérêts privés sont aujourd'hui une seule et même forme de pouvoir, même si, devant les réactions virulentes à la manière dont sont traités les « coupables », ce malheureux gouvernement par la voix du premier ministre fait mine de désavouer les mesures de licenciement et la stratégie d'Air France que les représentants de l'Etat ont pourtant votées.

Il se trouve que le pouvoir jadis dévolu au souverain, puis au peuple via le suffrage universel, est devenu de toute évidence l'apanage des « hommes d'entreprise », fils du monde à présent sacralisé de l'économie et de la finance. Ces dernières sont depuis deux ou trois décennies dans le monde occidental le socle de la légitimité politique et idéologique dans le sens où elles sont à l'origine de toute stratégie gouvernementale, ayant imposé, avec leur praxis managériale, leurs normes comptables et gestionnaires à une partie de la planète. Tout ceci nous arrive bien entendu des Etats Unis.

La sphère politique, de ce fait, ne représente plus l'intérêt général et les citoyens, avec la complicité d'une majorité d'élus de la République.

La sphère économique et financière qui contrôle à présent nos vies, avec l'obsession médiatique des « marchés », nous est proposée comme un substitut à feu la transcendance républicaine et/ou nationale qui n'intéresse plus nos élites. La vie entière de nos société est traversée et modelée par la tacite et fausse évidence du seul but humain qui vaille, l'instauration généralisée de la « concurrence libre et non faussée » qui n'existe pas et n'existera jamais. Certains ont cru férocement au communisme, à présent nous avons les dogmatiques du marché, du libre échange et de la mondialisation. Mais eux font fortune aux dépens des sociétés qui les nourrissent.

Ce fait divers social monté en épingle a visiblement été vécu par nos élites comme une profanation insupportable de la croyance en l'économisme souverain et omniscient. Rappelons à ce titre la vison offerte à tous par la télévision d'un individu torse nu, en tout point conforme à ses congénères et qui plus est escaladant péniblement un mur grillagé dans une cohue indescriptible. Cette conformité aux êtres humains, à leurs faiblesses et à leur fragilité, au ridicule aussi qui peut les frapper, a effacé instantanément toute distance, toute altérité et par là toute autorité fondée ou non liées à la fonction sociale de cet individu puissant soudain en détresse. Que ce cadre de haut niveau qui parle « bien » puisse se payer de belles voitures, avoir un grand standing, voire peut-être une vaste culture et, à priori, toute capacité pour exercer son métier exécrable, sur l'instant n'a plus compté. Il a été rendu à son humanité et à sa contingence, et avec lui le système qu'il symbolise.

Ainsi, des « gens de peu », expression que l'on trouve parfois sous la plume attentionnée de patriciens « de gauche » évoquant les petites gens, ont souillé de leurs mains impures un prêtre des valeurs financières et comptables, en l'occurrence un « envoyé du maître » dans l'exercice de ses (tristes) fonctions. En outre, par ce qu'il faut bien appeler son humiliation et sa « chute », (il a dévalé en un instant les degrés de la hiérarchie sociale qu'il dû mettre tant d'années à gravir), vécue en direct par des millions de téléspectateurs, cet individu a jeté symboliquement l'opprobre sur le monde qu'il représente, et l'a fait basculer de son trône en trompe l'oeil dans l'univers de la farce. Guignol veille dans l'ombre. Le temple oligarchique en est fissuré.

Un « crime symbolique » inexpiable donc, qui pourrait donner des idées à tant d'autres, « car ils sont comme nous », et restituer à tous ces cadres souvent incompétents, toujours serviles et parfois dit-on corrompus leur véritable et fréquent visage, celui d'hommes de main au service du fric et de ceux qui en disposent pour leur plus grand profit.

En outre, devant ses agresseurs, le DRH défendait son patron, sa logique gestionnaire, sa carrière personnelle et peut-être encore son idéologie. Face à lui, les gens qui l'ont agressé tentaient de préserver un mode de vie, une famille, un revenu, une dignité. Et accessoirement l'avenir de leur entreprise.

Se révolter, c'est transgresser

Nous vivons dans un monde qui fait preuve très poliment (souvent) de la plus extrême cruauté. Ses victimes, une majorité de Français, dont beaucoup en nombre grandissant sont privés d'emploi, d'avenir, et pour certains de revenus décents, de logement, de reconnaissance sociale. Qui s'en soucie quand le gouvernement prétend accueillir des milliers de réfugiés qui, forcément, coûteront à l'Etat et que les licenciements, la « restructuration des entreprises », la dénonciation permanente des « charges sociales » ou des salaires transmutés en coûts (salariaux), le démantèlement des services publics, la mise en cause du droit du travail (etc...), plus des cadeaux fiscaux et financiers aux entreprises et aux grandes fortunes, résument en gros le travail des gouvernements successifs au service des patrimoines et de la finance mondialisée?

Mais tout « devrait » quand même se passer entre gens bien élevés, les uns personnifiant pourtant un pouvoir qui hache la vie des autres. Sommes-nous arrivés à un moment ou aucune démagogie ni aucun mensonge ne sont plus à même de tromper une part grandissante des Français, notamment ceux qui ont encore la chance d'avoir un emploi digne de ce nom ? L'impunité des profiteurs du système durera-telle encore longtemps ? Ce moment de « dialogue social » sans parole permet d'en douter.

Nous savons que toute mesure économique vécue comme une injustice insupportable appelle un langage qui ne peut pas être celui des maîtres quand le conflit a lieu. Se démarquer du langage du pouvoir, c'est refuser ce pouvoir. L'Histoire nous montre cela.

Se révolter, c'est transgresser. Se révolter en réintroduisant le geste, c'est faire naître la menace d'une révolte porteuse d'une violence et d'une détermination, équivalente malgré ses différences à celles dont use le pouvoir actuel. Cette révolte suscite crainte et mépris de la part des tenants de l'ordre établi dont les médias fourmillent, ce qui traduit leur incompréhension face à une possible vague de désespoir sans nuance qui pourrait en surprendre plus d'un.

La révolte, la vraie, celle qui est une arme pour la survie physique, morale et sociale, quand elle explose, opte pour un langage de contestation absolue, un nouveau mode d'expression susceptible de déchirer le faux consensus qui est censé faire accepter les « sacrifices nécessaires » à ceux qui les subissent depuis tant d'années. Les mésaventures de ce DRH disent peut-être simplement ce changement de registre, et devraient faire réfléchir « en haut lieu » si cela est encore possible.

Cet épisode, qui reste encore dans le cadre d'une sociabilité relativement préservée des rapports sociaux, peut donc passer pour le signe annonciateur d'un raz le bol irrépressible que l'absence de perspectives politiques réelles rend très dangereux. Quand au sommet de l'Etat, personne n'est à priori capable de prendre en compte l'intérêt général qu'il devrait être du devoir des élus de défendre, quand ces derniers entérinent toutes les dérives liées à la mondialisation et à la mise en concurrence de tous contre tous, la violence que certains jugeront légitime peut surgir. La gestion chaotique de M. de Juniac, PDG d'Air France, peut par ailleurs laisser craindre la liquidation de la compagnie ou son rachat par un concurrent mieux géré. On ne prépare pas un plan de reconquête en réduisant la voilure d'une entreprise. Les difficultés de cette dernière sont largement plus importantes pour le pays que le clash dont les médias ont fait leurs choux gras.

C'est pourtant au nom de la défense à tout prix des solutions sans avenir de la direction d'Air France dépourvue de savoir faire ou riche d'arrière pensées qu'il faudrait condamner les salariés en cause.

Rappelons-nous que le peuple devrait être le détenteur de la légitimité, et que seul son pouvoir exprimé à travers le vote fonde la transcendance démocratique, en d'autres termes, la légitimité. Nous avons eu la preuve que seul aujourd'hui compte le sacré féodal, qui a marginalisé le sacré républicain avec l'aide de ses innombrables serviteurs, en évacuant la démocratie.

Face à cette « norme » illégitime, elle s'impose en dépit, voire contre la volonté majoritaire (se souvenir du Traité de Lisbonne, ou de la trahison par M. Hollande de ses engagements de campagne), nous savons à présent que le « peuple souverain » pourrait, à sa manière, reprendre fermement la parole dans un délai relativement court. Pour quel destin national ? De ce point de vue, Louis XVI pourrait être plus que jamais notre contemporain.

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